Troubles de l'oculomotricité intrinsèque

Aller à : navigation, rechercher

Les troubles de l'oculomotricité intrinsèque regroupent les anomalies motrices pupillaires.

La taille normale de la pupille est en moyenne de 7,5 à 8 mm en mydriase et de 1,5 à 2 mm en myosis. La taille est minimale chez le nouveau-né et maximale chez l'adolescent. Elle est plus large en général chez la femme, le myope et les iris clair. 17% des asymétries pupillaires (anisocories) sont "physiologiques" ("anisocorie centrale" qui serait due à une inégalité d'inhibition supranucléaire du centre pupillaire, pouvant varier d'une heure à l'autre et se modifiant avec l'âge, le réflexe photomoteur étant conservé).

Avant d'évoquer une anomalie motrice, il faut éliminer les causes, fréquentes, ophtalmologiques, iatrogènes et toxiques. L'association d'une anisocorie à des troubles de la conscience modifie radicalement la démarche diagnostique et thérapeutique. L'apparition d'une anisocorie chez un patient porteur d'un diagnostic de sclérose en plaques (SEP) ou de myasthénie doit faire suspecter une erreur diagnostique et faire évoquer une syphilis.

Les "spasmes de l'accomodation" sont fréquents (++ chez les femmes de moins de 50 ans), exceptionnellement d'origine neurologique (post-trauma, tumeurs de la fosse postérieure, accidents vasculaires cérébraux (AVC) thalamiques, sclérose en plaques,… à n'évoquer qu'en cas de présence d'autres signes cliniques tel qu'un syndrome de Parinaud) mais généralement purement fonctionnels ou résultant d'un trouble ophtalmologique (presbytie ou hypermétropie débutante, strabismes,…) et cause de céphalées chroniques péri-orbitaires ou frontales, de troubles visuels fluctuant au cours de la journée et d'irritation oculaire.

Diagnostic différentiel : anomalies pupillaires iatrogènes et toxiques

MYDRIASE ET/OU PARESIE ACCOMODATIVE

MYOSIS

ANTICHOLINERGIQUES :

  • Atropine
  • Homatropine
  • Scopolamine
  • Antihistaminiques H1
  • Diphénhydramine
  • Antidépresseurs (+++ tricycliques)
  • Antiparkinsoniens

CHOLINERGIQUES :

  • Prostigmine
  • Eserine
  • Mintacol

SYMPATHICOMIMETIQUES :

  • Adrénaline et catécholamines
  • Ephédrine
  • Cocaïne
  • Néosynéphrine

ANTIADRENERGIQUES :

  • Guanéthidine

DIVERS :

  • Amphétamines
  • L-dopa
  • Marijuana, LSD et autres psychotropes
  • Chloroquine (parésie de l'accomodation transitoire)
  • Intoxication éthylique aiguë

DIVERS :

  • Morphine et opiacés
  • Caféine
  • Histamine
  • Réserpine
  • Pesticides

Diagnostic différentiel : anomalies pupillaires et pathologies ophtalmologiques

Souvent évidentes : à évoquer en première intention en cas d'œil rouge ou douloureux ou de diminution de l'acuité visuelle. L'examen ophtalmologique et le fonds d'oeil établiront généralement le diagnostic en cas de doute.

  • De nombreuses pathologies du globe oculaire, aiguës ou chroniques, s'accompagnent fréquemment d'anomalies pupillaires :
    • Glaucome aigu : mydriase, douleur intense, œil rouge et larmoiement, diminution brusque de l'acuité visuelle. Rarement bilatéral.
    • Uvéite, cataracte,… : anomalies pupillaires variables
    • Trauma ou chirurgie oculaire : anomalies pupillaires variables (++ rupture du sphincter de l'iris → mydriase)
  • Une atteinte du nerf optique ne s'accompagne souvent d'aucune anisocorie évidente (en cas d'anomalie : ++ mydriase) mais l'on observe souvent une diminution du réflexe photomoteur (RPM) direct du côté lésé lors de l'éclairage alterné des 2 pupilles. Il y a toujours une diminution de l'acuité visuelle. En cas de déficit complet bilatéral, on a une cécité et une mydriase aréflectique bilatérale. Certaines étiologies constituent des urgences : occlusion de l'artère centrale de la rétine, thrombose de la veine centrale de la  rétine, neuropathie optique ischémique ou inflammatoire antérieure, NORB. L'examen ophtalmologique avec Fonds d'oeil suffit généralement à poser le diagnostic.

Diagnostic différentiel : anomalies pupillaires associées à des altérations de la vigilance et/ ou des déficits focaux

Une anomalie pupillaire associée à une altération de la vigilance ou un nouveau déficit neurologique focal est toujours une urgence jusqu'à preuve du contraire. Hormis pour les étiologies toxiques (toujours à évoquer en cas d'association de troubles de la vigilance à des anomalies pupillaires), les anomalies pupillaires ont alors une valeur localisatrice et pronostique :

  • Lésions hypothalamiques → myosis ou Claude-Bernard-Horner homolatéral, anhidrose de l'hémicorps
  • Lésions mésencéphaliques → semi-mydriase aréflectique
  • Lésions pontiques → myosis serré, persistance d'un réflexe photomoteur à l'examen attentif
  • Engagements centraux/ temporaux/ cérébelleux ascendant :
    • Entraînant des lésions diencéphaliques bilatérales (engagement central) → myosis bilatéral avec réflexe photomoteur (RPM) difficile à préciser mais persistant à l'examen attentif
    • Entraînant une hernie de l'uncus (compression du III par engagement temporal/ cérébelleux ascendant) → mydriase progressivement aréactive précédant une détérioration rapide de la conscience. Survenue généralement inexorable d'un décès en cas de mydriase bilatérale aréactive (avis neurochirurgical immédiat quant à une éventuelle décompression si survenue datée de moins de deux heures).

Orientation clinique rapide

Il convient avant tout d'éliminer par la clinique et l'anamnèse les étiologies iatrogènes ou toxiques, les pathologies ophtalmologiques et l'hypertension intracrânienne (HTIC) en décompensation ou décompensée. Cela fait, l'examen pupillaire permet généralement de s'orienter rapidement :

Troubles de l'oculomotricité intrinsèque

Mydriase unilatérale → ! compression du III, glaucome aigu, Horton, syphilis ! 

Toute mydriase unilatérale aréactive doit faire rechercher une atteinte extrinsèque du III → si présente : compression du III (anévrisme ? tumeur ?) jusqu'à preuve du contraire. Son association à des troubles de la vigilance signe un engagement jusqu'à preuve du contraire. Une atteinte douloureuse signe un anévrisme ou une atteinte de la loge caverneuse jusqu'à preuve du contraire.

Compression du III (1er neurone)

Constitue une urgence jusqu'à preuve du contraire. Les fibres pupillaires sont en périphérie du nerf → elles sont les premières touchées lors d'une compression (anévrisme ? tumeur ? engagement ?)… et sont généralement épargnées lors des atteintes ischémiques. Cependant, elle est de règle associée une atteinte extrinsèque (l'atteinte intrinsèque pure du III est exceptionnelle et une mydriase isolée est généralement une pupille d'Adie).

→ évolution vers une mydriase progressivement aréactive.

Pupille d'Adie : atteinte du ganglion ciliaires (relais) ou des nerfs ciliaires courts (2ème neurone)

Caractérisée par une mydriase unilatérale d'apparition brutale, indolore, isolée, a- (ou peu) réactive. Il existe une paralysie accomodative avec gêne à la vision de près et pupille tonique (contraction très lente et progressive à l'accomodation convergence, mais excessive avec apparition d'un myosis inversant l'anisocorie). 

Un test (85% de sensibilité, évocateur et classique mais non pathognomique) consiste en l'instillation d'un collyre myotique (pilocarpine 0,125%, 1 goutte 2x à 5 min d'intervalle avec examen à 45 min) n'agissant pas sur la pupille normale mais provoquant un myosis sur la pupille d'Adie.

On différencie 3 catégories étiologiques de pupilles d'Adie :

  • Atteintes locales du ganglion ciliaire : inflammatoires/ infectieuses (locales ou systémiques : herpès, sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde,…), traumatique (trauma/ chirurgie orbitaire, injection rétrobulbaire,…)
  • Neuropathie périphérique sensitivo-motrice ou dysautonomique (alcool, diabète, Guillain-Barré, amylose, neuropathie sensitivo-motrice héréditaire), syndrome dysautonomique aigu
  • Syndrome d'Adie (sporadique, 5/ 100.000 habitant/ an, 70% de femmes, ++ 20-50 ans, 80% unilatéral) → parésie accomodative se résout généralement en quelques mois, association à une hypo/ aréflexie  myotatique tendant à se majorer dans le temps.

En général, l'évolution spontanée va vers une amélioration de l'accomodation et une diminution de taille de la pupille. Cependant, la bilatéralisation n'est pas rare (4%/ an)

Mydriase épisodique unilatérale bénigne

Rare, se rencontre ++ chez les femmes migraineuses (cf "migraine ophtalmoplégique", forme particulière d'aura ?).

Anomalies non dues à une atteinte oculomotrice

  • Rupture traumatique du sphincter irien
  • Glaucome aigu par fermeture de l'angle = urgence ophtalmologique. Clinique généralement dominée par la douleur oculaire.

Mydriase bilatérale → ! botulisme et diphtérie, toxiques, iatrogène !

Botulisme

Le botulisme constitue une urgence relative. Rechercher : bouche sèche, troubles digestifs ou dysurie (rétention urinaire ?), autres cas dans l'entourage ayant partagé des repas récents, atteintes de plusieurs paires crâniennes, fatigabilité, parésie descendante,...

Diphtérie

Urgence. Angine à fausses membranes.

Syndrome de Parinaud (atteinte des voies pupillaires afférentes dans la région prétectale) 

Cf troubles de l'oculomotricité extrinsèque (paralysie de la verticalité, rétraction palpébrale bilatérale et parésie de la convergence). Comporte généralement une discrète mydriase bilatérale, aréactive à la lumière mais réactive en vision de près.

L'association d'un syndrome d'Argyll Robertson à un syndrome de Parinaud signe une atteinte mésencéphalique dorsale évoquant une tumeur (pinéalome, tumeur de la calotte pédonculaire, métas) ou une hydrocéphalie jusqu'à preuve du contraire.

Pupilles d'Adie bilatérales d'emblée (cf supra)

Contusions du tronc cérébral

Mydriases médicamenteuses et toxiques (cf supra)

Amyloses familiales

Compression bilatérale du III

Une compression bilatérale des nerfs III signe un engagement et un décès généralement inéluctable (sauf si passage en mydriase bilatérale devant l'examinateur ou dont l'apparition est clairement documentée depuis moins de 2 heures → prise en charge neuro-chirurgicale immédiate).. Mydriase aréflectique bilatérale, coma.

Myosis unilatéral → ! dissection carotidienne et atteinte caverneuse !

Syndrome de Claude-Bernard-Horner (CBH) (atteinte sympathique)

Un CBH douloureux doit être considéré comme une dissection carotidienne jusqu'à preuve du contraire → écho-doppler et/ ou angio-IRM (autres étiologies de CBH douloureux : tumeurs et inflammation du sinus caverneux, syndrome de Raeder, algies faciales,…). Les CBH isolés signent généralement une atteinte du 3ème neurone. Un CBH associé à une paralysie du VI ou du III (un CBH + III est difficile à identifier : ptose attribuable aux 2 atteintes, pupille variable pouvant n'apparaître anormale qu'après un test aux collyres) évoque une atteinte de la loge caverneuse. En l'absence de douleur, le bilan en urgence comporte un examen neurologique complet (une autre anomalie impose une IRM cérébrale) et une radiographie thoracique.

Un CBH est constitué par l'association de 4 signes : ptosis et rétrécissement de la fente palpébrale avec aspect enophtalmique (muscle de Müller) + myosis (dilatateur irien) +- anhidrose et vasodilatation de l'hémiface homolatérale avec hyperhémie conjonctivale, larmoiement et obstruction nasale. Conservation des réflexes photomoteurs et de l'accomodation convergence (sous la dépendance du parasympathique).

Le myosis peut être discret, l'anisocorie n'apparaissant alors évidente qu'à l'obscurité ou à l'épreuve aux collyres (cocaïne 5% → pas de dilatation de la pupille sympathique = majoration de l'anisocorie).

3 niveaux d'atteintes sont possibles :

  • Atteinte pré-ganglionnaire du 1er neurone = atteinte centrale  (lésions pédonculaires, protubérantielles ou bulbaires)
    • La plus rare
    • Etiologies : vasculaire +++ (ex : syndrome de Wallenberg), tumeurs, (SEP, syringomyélie, traumas, infections)
  • Atteinte pré-ganglionnaire du 2ème neurone  (lésions médiastinales et thoraciques hautes ou cervicales basses)
    • 20-60% des CBH
    • Etiologies : tumeurs (ex : de l'apex pulmonaire avec syndrome de Pancoast), trauma du plexus brachial, chirurgie (ex : pose d'un pace-maker, thyroïdectomie,…)
  • Atteinte post-ganglionnaire du 3ème neurone
    • Atteinte extra-crânienne :
      • Etiologies : dissection carotidienne +++ (très évocateur si CBH + cervicalgie, facialgie ou douleur orbitaire)
    • Atteinte intra-crânienne :
      • Etiologies : tumeurs/ inflammations de la loge caverneuse +++ (généralement douloureuses)
    • Atteinte orbitaire :
      • Etiologies : tumeurs, inflammations, trauma, chirurgie (injections rétrobulbaires de la chirurgie de la cataracte)
      • Des paralysies oculomotrices associées sont quasi-constantes, faisant passer le CBH au second plan

Le test de référence pour différencier une atteinte pré-gagnlionnaire d'une atteinte post-ganglionnaire est le test à l'hydroxy-amphétamine à 1% → si atteinte pré-ganglionnaire : dilatation des 2 pupilles, si post-ganglionnaire : pas de dilatation de la pupille anormale. 

Pupille d'Adie vieillie 

Syndrome d'Argyll Robertson unilatéral

Myosis bilatéral → ! syphilis, toxiques, iatrogène !

Syndrome d'Argyll Robertson bilatéral (atteinte des voies tecto-oculomotrices) 

Ce syndrome constitue la 1ère cause de myosis bilatéral peu ou pas réactif. Critères diagnostiques : myosis (+++ bilatéral (a)-symétrique, inconstant !) + irrégularité pupillaire + dissociation de la réaction pupillaire : diminution/ abolition du réflexe photomoteur mais conservation du myosis réflexe à l'accomodation convergence. Il est de règle bilatéral mais l'asymétrie de taille et/ ou de réactivité est fréquente.

L'évolution est lente (mois à années) et résulte d'une lésion de la partie dorsale du tronc cérébral (région de l'aqueduc de Sylvius) interrompant les connexions tecto-oculomotrices abordant la partie dorsale du noyau d'Edinger-Westphal avec épargne des fibres ventrales responsables de la réaction en vision rapprochée.

Etiologies : syphilis tertiaire (à exclure systématiquement !), encéphalites, SEP, sarcoïdose et autres maladies inflammatoires, tumeurs du tronc, maladies dégénératives, diabète, alcoolisme, post-zona ophtalmique,…

L'association d'un syndrome d'Argyll Robertson à un syndrome de Parinaud signe une atteinte mésencéphalique dorsale évoquant une tumeur (pinéalome, tumeur de la calotte pédonculaire, métas) ou une hydrocéphalie jusqu'à preuve du contraire.

Pupille d'Adie vieillie bilatérale

Mysosis médicamenteux / toxiques (cf supra)

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD