Diminution brutale transitoire de l'acuité visuelle (amaurose fugace)

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Les diminutions d'installations brutales et transitoires (quelques secondes à quelques minutes, plus rarement quelques heures) de l'acuité visuelle (amauroses fugaces) constituent une plainte fréquente. Bien qu'elles relèvent d'étiologies de gravité variables, elles doivent faire évoquer d'emblée une origine vasculaire et justifient systématiquement une évaluation aux urgences et, idéalement, un avis ophtalmologique.

A noter que la dénomination "amaurose fugace" est ambiguë. Tout comme l'expression "cécité monoculaire transitoire", elle est encore souvent employée en pratique clinique comme synonyme d'une diminution brutale de l'acuité visuelle unilatérale et d'origine vasculaire.

Anamnèse

Il convient avant tout de bien caractériser la symptomatologie visuelle :

  • Lorsque la cécité est complète, il n'y a pas d'ambiguité. Dans le cas contraire, s'agit-il bien d'une amaurose fugace ?
    • Une diplopie frustre peut se manifester par un simple "flou visuel" en imposant pour une diminution d'acuité visuelle
    • Il faut également distinguer les amputations sectorielles des champs visuels qui relèvent d'une autre démarche diagnostique
    • Les autres troubles visuels pretent rarement à confusion
  • Le trouble était-il unilatéral ou bilatéral ?

Rechercher les symptomes associés :

  • Autres symptomes visuels ?
    • Diplopie, hallucinations, amputation des champs visuels, phosphènes,...
  • Symptomatologie neurologique ?
    • Déficits neurologiques focaux transitoires récents ? Fatigabilité musculaire ? Episodes de dysarthrie ? 
  • Symptomatologie cardio-pulmonaire ?
    • Palpitations ? Douleurs thoraciques ? Episodes de dyspnée ? Syncopes ?
  • Symptomatologie générale non ou peu spécifique ?
    • Céphalées ? Sueurs ? Lipothymies ? Confusion ?

S'enquérir des circonstances de survenue, des antécédents, traitements récents, consommations de toxiques et des facteurs de risque cardio-vasculaires.

Examen clinique

  • Paramètres physiologiques (température, tension artérielle, fréquence cardiaque)
  • Examen général avec une attention particulière aux sphères neurologique et cardio-vasculaire

Examens complémentaires

Réalisation systématique de :

  • Glycémie au doigt
  • Electrocardiogramme
  • Examen ophtalmologique avec Fonds d'Oeil (FO)
    • Le FO est généralement normal ou aspécifique (signes d'athérosclérose ++) mais permet d'exclure facilement des étiologies oculaires rares, la présence d'un oedème de stase ou des occlusions vasculaires
  • Réaliser une biologie (vitesse de sédimentation) systématiquement chez les plus de 50 ans (Horton ?)

Examens conditionnels selon l'orientation clinique ou pour éliminer des diagnostics différentiels :

  • Biologie
  • CT-scanner ou IRM cérébral
  • Echographie cardiaque
  • Echographie doppler cervicale
  • Electro-encéphalogramme
  • Ponction lombaire avec mesure de pression

Orientation étiologique

De façon très schématique :

Troubles de la vision aigus

Troubles de la vision aigus

Orientation étiologique rapide sur base de l'anamnèse :

  • Durée de quelques secondes :
    • Doit faire évoquer un œdème papillaire de stase par hypertension intra-crânienne (HTIC), bi ou unilatéral, souvent lors de mouvements de la tête ou à l'effort et associé à d'autres signes d'HTIC, ++ décrites comme des "éclipses visuelles". Fréquemment, les épisodes se répétent à des intervalles de plus en plus brefs, annonçant un déficit durable (ischémie du nerf optique) → FO et angio-CT-scanner cérébral en urgence à la recherche de signes d'HTIC et de signes étiologiques (masse, pathologie méningée, thrombose veineuse cérébrale,...). En cas de FO démontrant un oedème de stase et de CT-scanner négatif, une mesure de pression par ponction lombaire est utile pour exclure une HTIC idiopathique,…
  • Durée de quelques secondes à une heure :
    • Unilatéral :
      • Ischémie transitoire de la rétine (= accident ischémique transitoire rétinien)
        • Le mécanisme est le plus souvent embolique (++ athéromatose carotidienne ou de la crosse aortique, cardiopathies emboligènes), plus rarement hémodynamique ou thrombotique in situ.
        • Etiologies plus rares : Horton (à évoquer chez les plus de 50 ans),  dissection carotidienne, syndrome des anticorps antiphospholipides, vasospasme carotidien.
        • = urgence relative (risque de survenue d'un accident ischémique rétinien/ AVC ischémique constitué) → échographie/ angio-IRM des vaisseaux du cou + ECG + biologie avec VS → si négatif : échographie cardiaque ++ transœsophagienne (cardiopathie ? athéromatose de la crosse aortique ?)
      • Œdème papillaire de stase par HTIC (++ "éclipses visuelles"), parfois bilatéral, ++ aux mouvements de la tete et à l'effort
      • Des épisodes itératifs à l'effort durant au moins plusieurs minutes peuvent également signer une neuropathie optique inflammatoire
    • Bilatéral :
      • Insuffisance vertébro-basilaire +++ par mécanisme hémodynamique dans un contexte athéromateux. Rechercher un facteur déclenchant positionnel et une hypotension orthostatique.
      • Migraine ophtalmique
        • ​Typiquement les auras migraineuses se caractérisent par un scotome scintillant extensif unilatéral ou des hallucinations élémentaires suivis ou précédés de céphalées. Le diagnostic, supposant un examen objectif strictement normal, est alors généralement évident
        • Cependant, l'aura peut se manifester par d'autres troubles visuels, dont un simple "flou", unilatéraux ou bilatéraux et/ ou ne pas s'accompagner de céphalées ("équivalents migraineux")
  • Episodes répétés très douloureux et/ ou présence d'un oeil rouge en mydriase aréactive → exclure crises de glaucome aigu intermittent.
  • Un contexte de stress, de consommation d'alcool ou d'autres toxiques doit faire évoquer des spasmes accomodatifs ou une décompensation d'hétérophorie. L'ophtalmologue confirmera aisément le diagnostic si besoin.

Exceptionnellement, les neuropathies optiques, les occlusions de la veine centrale de la rétine, des tumeurs intra-orbitaires,... peuvent se manifester par des amauroses fugaces itératives. Les crises épileptiques partielles occipitales se manifestent quant à elles généralement par des anomalies hallucinatoires (++ élémentaires), parfois suivie d'une cécité post-critique.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD