Infections aiguës des tissus mous : érysipèle, cellulite, fasciite, pyo-myosites

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Spectre clinique large → devant tout placard inflammatoire aigu des tissus mous, évoquer en 1er diag une dermohypodermite bactérienne aiguë de par sa fréquence et son urgence thérapeutique. Toute infection atypique nécessite la recherche d'une immunodéficience, d'un séjour en zone d'endémie fongique ou d'un contact animal.

 

DERMOHYPODERMITES AIGUES BACTERIENNES (DHB)

 

La DHB streptococcique est la 1ère cause d'infection aiguë des tissus mous. Outre leur reconnaissance, l'urgence consiste à déterminer l'éventuelle nécessité d'un geste chir (nécrose?) en complément de l'ABth.

 

1.     ERYSIPELE = DERMOHYPODERMITE AIGUE NON NECROSANTE STREPTOCOCCIQUE

 

FR : > 50 ans, lymphœdème, voie d'entrée (intertrigo inter-orteils, plaie traumatique, ulcère, escarre), insuffisance veineuse, OMI, précarité, diabète ?, alcoolisme ? Etiologies : streptocoque β-hémolytiques du gr A = 65%, autres streptocoques β-hémolytiques (gr G > B > C)

 

a)      Diagnostic = clinique

 

-        Siège : MI (90%) > MS (5%) et visage (5%)

-        Début brutal : t° 38-40°C (85%), frissons → dans les 24h : apparition d'un placard érythémateux inflammatoire luisant à bords nets (rarement surélevés) d'extension centrifuge sans guérison centrale.

-        +- lymphangite (25%) +- adp satellites (45%) +- bulles +- purpura pétéchial (rarement +- pustules). Jamais de nécrose cutanée !

 

b)     Principaux diagnostics différentiels

 

-        Autres infections des tissus mous : toujours exclure une DHB nécrosante !

-        TVP/ TVS

-        Syndrome des loges, infection de prothèses orthopédiques

-        Maladies inflammatoires : poussée de "lipodermatoclérose" des insuffisances veineuses chroniques, maladie périodique, panniculites (lupus, déficit en α-1-AT, Weber-Christian,…), cellulite de Wells,…

-        Eczéma de contact, œdème de Quincke

-        Métas cutanées inflammatoires, lymphomes

 

c)      Examens complémentaires

 

Théoriquement non nécessaires dans les formes typiques en l'absence de co-morbidités. Peuvent aider au DD.

-        Biol : augmentation CRP, hyperleucocytose à PNN

-        Hémocs (seulement 5% de positivité)

-        Prélèvements cutanés, frottis d'éventuelles portes d'entrée

 

d)     Evolution

 

Généralement sous AB : disparition des signes généraux en 1-3j, des signes locaux en 4-7j suivis d'une desquamation. Faible mortalité (< 1%), généralement due à des comorbidités. Principales complications  (10%) :

-        Insuffisance lymphatique avec lymphœdème chronique (favorise les récidives)

-        TVP (5%)

-        Evolution infectieuse : abcès, nécrose, arthrite, ostéomyélite, sepsis grave,…

 

e)      Traitement

 

-        Hospitalisation (tt ambulatoire possible si absence de signe de gravité/ comorbidité et contrôle à 48h)

  • ABth 2-3 sem : penicilline G IV

·       Si CI : clindamycine

·       Si tt ambulatoire : aminopénicilline PO

-        Décubitus jambe surélevée (diminue l'incidence d'un lymphœdème secondaire)

-        Recherche et tt local de toute porte d'entrée

f)       Prophylaxie des récidives

 

-        Bas de contention (force 2/3) en cas d'œdèmes

-        Traitement des FR (! portes d'entrée ! lymphœdème → natation, physioth, massages,…)

-        ABth prophylactique (amoxicilline) à discuter en cas de récidives / de persistance de FR… durée non codifiée

 

2.     DERMOHYPODERMITES AIGUES NON NECROSANTES NON STREPTOCOCCIQUES

 

De loin moins fréquentes, surtout infections à staph doré (porte d'entrée = folliculite, cathé veineux,…)

 

a)      Diagnostic = clinique

 

-        Généralement d'évolution subaiguë, peu/ pas de t°, sur comorbidités (diabète,…)

-        Notion de furoncles, d'anthrax, de voie veineuse, de cicatrice opératoire,…

 

b)     Examens complémentaires

 

Idem érysipèle. Les FP sont fréquents pour les frottis cutanés (portage sain) !

 

c)      Traitement

 

-        Idem Erysipèle excepté ABth : pénicilline M / augmentin IV

·       Si suspicion de staph méticilline résistant (infection nosocomiale) → vancomycine

 

3.     DERMOHYPODERMITES AIGUES NECROSANTES = MEDICO-CHIRURGICALES

 

Regroupent différentes entités (cellulites, gangrène gazeuses, fasciites nécrosantes, gangrène de Fournier,…) hétérogènes sur le plan bactériologique… mais dont la prise en charge est similaire : URGENCE MEDICO-CHIRURGICALE, tout retard diag entraînant un accroissement du risque vital/ de chirurgie délabrante !

 

FR : > 50 ans, porte d'entrée cutanée, immunodépression, néoplasie, diabète, artériopathie, anti-inflammatoires stéroïdiens ou non. Etiologies : streptocoque β-hémolytique du gr A +++, staph, entérocoque, entérobactéries, clostridium, bactéroïdes,… ! infections polymicrobiennes fréquentes !

 

a)      Diagnostic = clinique

 

Le distingo avec une DHB non nécrosante repose sur la reconnaissance de :

-        Signes généraux de gravité : sepsis sévère (hypoTA, défaillances organiques), choc → supportif + chir immédiatement

-        Signes locaux : nécrose, bulles, douleur spontanée intense, œdème induré diffus, cyanose, lividité, ulcérations, pâleur, hypoesthésie cutanée

·       Crépitation "neigeuse" sous-cutanée → ++ anaérobies (Clostridium perfringens/ septicum)

·       Exsudats nauséabonds, œdèmes marqués → ++ bactéroides fragilis

 

b)     Principaux diagnostics différentiels

 

-        DHB non nécrosantes

-        Autres nécroses cutanées inflammatoires :

·       nécroses ischémiques sur insuffisance artérielle décompensée (jambe froide, pouls périphériques abolis)

·       pyoderma gangrenosum : ulcération nécrotque progressant rapidement par sa bordure inflammatoire en relief, patho associée dans 50% des cas (hémopathie lymphoïde/ myéloïde, colopathie inflammatoire) devant faire évoquer le diag, bactério négative, inefficacité des AB, amélioration spectaculaire sous corticoth

 

c)      Examens complémentaires

 

-        Biol : idem que l'érysipèle, témoins de défaillance organique, éventuelle élévation des CK (composante musculaire ++)

-        Hémocs, frottis cutanés

-        RX : exclu une atteinte ostéo-articulaire, éventuelle image aérique (++ infection à anaérobies)

-        Utiles uniquement en cas de forme atypique/ doute diag :

·       IRM : fascias présentant un hypersignal en T2 et un  rehaussement en T1 après injection de gadolinium

 

d)     Evolution

 

La mortalité (10-60% !) dépend essentiellement du terrain et de la survenue d'un choc septique. Les séquelles fonctionnelles sont fréquentes, l'amputation rare (5%) sauf chez les diabétiques.

 

e)      Traitement

 

URGENCE MEDICO-CHIRURGICALE :

-        Traitement médical :

·       Mesures supportives + anticoagulation préventive

·       ABth IV empirique : pénicilline G + clindamycine

§ + métronidazole si infection périnéale post-op ou artériopathie oblitérante.

-        Traitement chirurgical : exploration, prélèvements bactérios, excision des zones infectées et nécrotiques

·       Svt à répéter

-        L'usage de l'O2th hyperbare est toujours débattu ainsi que celui des Ig polyvalentes IV dans le choc toxique streptococcique.

-        ! En cas d'incertitude diagnostique et en absence de signe systémique de gravité, on peut se contenter en 1ère intention d'une ABth sous surveillance stricte des signes locaux et généraux → l'évolution après 48-72h d'ABth dictera alors un éventuel geste chir.

 

PYOMYOSITES

 

= infections bactériennes aiguës primitives des muscles squelettiques. Moyenne d'âge de survenue : 28 ans. FR : traumas locaux (même fermés), toxicomanie IV, immunodépression. Le staph doré est le germe le plus svt impliqué (70-90%), généralement  par voie hématogène, rarement par inoculation de voisinage.

 

a)      Clinique

 

-        Atteinte généralement limitée à 1 muscle, ++ pelvis/ MI

-        Fièvre, signes inflammatoires locaux mais aspect cutanné sus-jacent peu modifié !, l'aspect "induré comme du bois" du muscle est très évocateur. Les adp sont rares.

 

b)     Examens complémentaires

 

-        Biol : CRP augmentée, hyperleucocytose à PNN +- PNEo, CK augmentées (mais insuffisament Se → un taux N n'élimine pas le diag !)

-        Hémocs

-        Echo : hyperéchogénicité locale + élimine une phlébite

-        CT/ IRM = gold standard

-        Prélèvements à l'aiguille / chir

 

c)      Traitement

 

-        ABth empirique : pen M / vancomycine IV

-        Drainage chirurgical indispensable en cas d'abcédation

 

STAPHYLOCOCCIES DE LA FACE

 

= infection de la face à staph doré se caractérisant par la survenue d'un placard inflammoire, généralement après la manipulation d'un furoncle situé en dedans de la ligne joignant la commissure palpébrale externe à la commissure labiale. Les signes généraux se limitent souvent à une fièvre légère/modérée bien tolérée. Le traitement repose sur la pénicilline M/ la vancomycine.

 

Staphyloccocie maligne de la face

 

Exceptionnelle. Définie par la survenue d'une thrombose suppurée de la veine faciale sur une staphyloccocie de voisinage. Les principaux risques sont le sepsis, la nécrose et l'extension au sinus caverneux. On retrouve un placard inflammatoire parsemé de pustules, traversé par un cordon induré et une turgescence caractéristique du réseau veineux superficiel. L'évolution se fait rapidement vers un tableau septique avec une forte fièvre (svt > 40°C). Le traitement repose sur l'hospitalisation, la pénicilinne M/ la vancomycine en IV et l'anticoagulation.

 

INFECTIONS SELON LE TERRAIN

 

1.     DIABETE

 

Associé à une augmentation de la fréquence et de la gravité des infections cutanées (altération des fonctions des PNN et des systèmes antioxydants, portes d'entrées et retards diagnostics fréquents sur neuropathie périphérique et angiopathie). Le principal site concerné est le "pied diabétique"  dont les principales complications infectieuses sont l'ostéite, l'amputation, le choc septique. Sa prise  en charge implique :

-        Biol, hémocs, frottis, RX (ostéite ?)

-        Hospitalisation, soins locaux, contrôle glycémique strict, rééquilibration électrolytique et ABth couvrant strepto et staph (amoxicilline-clavulanate, élargir le spectre en cas d'ostéite)

-        Débridement chir en cas de suppuration/ nécrose

-        Une exploration du réseau artériel des MI en cas de mal perforant plantaire (artériopathie curable ?).

 

2.     TOXICOMANIES IV (héroïne >> cocaïne > buprénorphine)

 

L'incidence accrue des infections cutanées dans ce contexte est plurifactorielle : voie d'entrée, matériel contaminé, ischémie, caustique,… Elles surviennent généralement dans les 72h suivant l'injection :

-        Abcès et DHB (souvent nécrosantes !) < ++ staph doré et streptocoques β-hémolytiques, anaérobies, BGN, candida

-        Thrombophlébites septiques < ++ staph doré

 

3.     IMMUNODEPRIMES

 

Les infections des tissus mous sont fréquentes au décours d'une immunodépression et en sont parfois la manifestation inaugurale. La fréquence des germes atypiques, les possibles indications de gestes chir et la difficulté diagnostique et thérapeutique justifient des prélèvements bactério, mycologiques et mycobactériologiques systématiques (avertir le labo : conditions de cultures particulières), et un avis spécialisé en urgence. Les principales infections spécifiques aux immunodéprimés sont :

 

a)      Mycobactérioses atypiques cutanées

 

Germe le plus fréquent : mycobacterium avium. Le traitement reposera toujours sur une polyABth et sera poursuivi plusieurs mois après guérison. Un débridement chir est svt nécessaire.

 

b)     Mycoses profondes : alternariose, aspergilloses, sporotrichose, mucormycose

 

INFECTIONS FAISANT SUITE A UNE BLESSURE PAR ANIMAL

 

1.     INFECTIONS POLYBACTERIENNES PAR BLESSURES PAR CHIENS ET CHATS

 

Morsure / griffure de chat → 30-80% d'infections

Morsure de chien → 2-20% d'infections

Infections polymicrobiennes : 3-5 espèces bactériennes retrouvées dont 1 anaérobie en moyenne. Fréquence élevée de germes producteurs de β-lactamases.

 

a)      Pasteurellose

 

Coccobacille gram négatif aéro-anaérobie commensal des voies aéro-digestives des chiens et chats, pasteurella est présente dans 75%/50% des infections post-blessure par chat/chien.

 

= DHB aiguë parfois nécrosante caractérisée par l'apparition rapide d'une intense et très douloureuse inflammation locale endéans les 24-48h. Possible dissémination hématogène → abcès, arthrite, ostéite, méningite, péritonite, endocardite, pneumopathie. Possible réaction d'hypersensibilité (ténosynovite, arthrite, oestéite, algodystrophie) dans les semaines suivantes.

 

Traitement :

-        ABth empirique : amoxicilline-clavulanate 10-15j / céphalosporines  de 2ème ou 3ème génération / clindamycine / azithromycine. Début IV en cas de forme sévère.

-        Soins locaux : désinfection, jamais de suture mais cicatrisation dirigée !!!

 

b)     Maladie des griffes du chat

 

= lymphadénite subaiguë à Bartonella (occasionnelement responsable d'angiomatose bacillaire, péliose hépatique, bactériémie avec fièvre persistante, endocardite, encéphalite, ostéite,… ++ chez l'enfant/ l'immunodéprimé), satellite du point d'inoculation (morsure/ griffure de chat ou piqûre par une puce de chat).

 

Dans les 3-10j endéans l'inoculation : papule érythémateuse/ pustule → dans les 2-3 sem : adp locorégionale douloureuse svt avec fièvre persistante. L'adp régresse généralement en qq sem/ mois, mais il existe un risque d'abcédation/ de fistulisation. La confirmation diag repose sur la sérologie.

 

Aucune étude n'a montré un bénéfice d'une ABth pour les formes cutanéo-ganglionnaire non compliquées. En cas de suppuration on pratiquera une évacuation à l'aiguille. En cas de complication/ immunodépression/ valvulopathie : ABth empirique par un macrolide.

 

2.     ERYSIPELOÏDE +++ cochons

 

= DHB subaiguë due au bacille gram positif erysipelothrix rhusiopathiae, présent chez de nbx mammifères, oiseaux, reptiles et poissons. Le principal réservoir est le cochon (30-50% de porteurs sains). Il peut exceptionnellement être responsable de septicémies et d'endocardites. Professions à risque : bouchers, poissoniers, pêcheurs, vétérinaires, équarrisseurs, agriculteurs,…

 

De par son mode d'acquisition, l'infection siège généralement aux mains. La clinique débute 5-14j après le contact par une douleur disproportionnée par rapport à l'aspect inflammatoire (placard érythémateux violacé, infiltré, induré, progressant en périphérie avec guérison centrale. Peu/ pas de t°/ signes généraux. Des signes locorégionaux (arthralgies, arthrites, adp, lymphangite) sont possibles.

 

Le traitement (accélère la résolution qui survient spontanément endéans les 4 sem en l'absence de complication) repose sur la pénicilline G IV ou la pénicilline V PO.

 

3.     TULAREMIE

 

= infection cutanée à Francisella tularensis, coccobacille gram négatif aérobie. Contamination par contact direct avec des (carcasses de) mammifères (lapin, lièvre, castor, écureuil,…) ou avec son vecteur (arthropodes), inhalation d'aérosols ou ingestion.

 

1-21j après exposition : papule inflammatoire douloureuse/ prurigineuse → élargissement → ulcération centrale bien limitée et emplie d'un exsudat jaunâtre → éventuel escarre noirâtre +- adp satellite très inflammatoire → persistance plusieurs mois ou cicatrisation dystrophique, éventuelle abcédation/ fistulisation de l'adp. Les principales complications sont des localisations septiques secondaires, cutanées (tularémides) ou viscérales.

 

Le diag est affirmé par sérologie (titre > 160 ou x4 sur 2 prélèvements).

 

!! La tularémie est considérée comme une "arme biologique potentielle" → plusieurs cas localisés impliquent une déclaration et une enquête épidémiologique !! Le traitement repose sur les soins locaux et la gentamycine 5mg/kg/j IM/IV 10j (en cas de formes épidémiques : ciprofloxacine 2x500mg/j PO 10j ou doxycycline 2x100mg.j PO 14-21j).