Asphyxie

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L'asphyxie est définie comme une carence tissulaire et cellulaire généralisée en oxygène.

Clinique

Une asphyxie entraîne rapidement une encéphalopathie anoxique → troubles de la conscience, convulsions → arrêt respiratoire (atteinte du centre respiratoire) → arrêt cardiaque → décès.

De manière générale le médecin légiste doit s'attarder sur:

  • la bouche : face vestibulaire des lèvres, cyanose
  • les yeux : globes oculaires, conjonctives bulbaires et palpébrales (pétéchies++)
  • nez : brûlures, compression
  • oreilles : écoulements
  • lésions du cou
  • traces de contention de membres
  • congestion veineuse à la dissection

Catégories étiologiques

Obstruction par compression cervicale

→ pendaison, strangulation, obstruction par corps étrangers, pathologies diverses (diphtérie, œdème laryngé ou glottique)

Obstruction des voies aériennes supérieures

→  = suffocation < inhalation de corps étrangers, fausses déglutitions, enfouissement

Atteintes de la paroi thoracique

→ écrasement thoracique par compression, pneumothorax, hémothorax, atteinte des muscles respiratoires (tétanos, poliomyélite, tubocarine, myoplégine,…),...

Pathologies des voies respiratoires inférieures et du parenchyme pulmonaire

Asthme, bronchiolite, (broncho)-pneumonies, infarctus pulmonaires

Inhalations de gaz irritants

  Voir l'article détaillé: Gaz irritants et toxiques

Intoxication au CO2, CO ou HCN par compétition avec l'oxygène

  Voir l'article détaillé: Gaz irritants et toxiques

Remplacement de l'oxygène par un gaz inerte (N2, méthane, butane, propane)

Hypoxie par raréfaction de l'air (altitude)

Submersion (remplacement de l'air par des liquides)

Pathologies cardio-vasculaires et hématologiques

→ lésions myocardiques, lésions vasculaires, modification de la composition du sang

La strangulation

Elle est définie comme un étranglement avec compression des voies aériennes supérieures et des vaisseaux sanguins cervicaux. Elle peut être homicide (l'immense majorité des cas) ou accidentelle, pas suicidaire.

Elle entraîne une souffrance majeure des voies respiratoires laissant à l'asphyxie le temps de s'installer → possible présence de pétéchies hémorragiques, particulièrement au niveau des conjonctives (injectées).

En cas de strangulation à l'aide d'un lien, les dégâts laryngés sont souvent plus importants qu'en cas de pendaison.

Prélèvements ADN sur le sillon et l'éventuel lien. Le lien fait en général le tour entier du cou avec sillon simple, double ou multiple.

En cas de strangulation manuelle, les dégâts sont encore plus importants : coups d'ongles, signes de défense,…

En cas de strangulation efficace, la syncope survient habituellement en 30 secondes et le décès endéans 3 minutes.

Constats à l'examen :

  • région cervicale : abrasions, griffures
  • coups d'ongles ++ aux zones de pressions
  • aspect du sillon
  • traces de liens de contention
  • pétéchies hémorragiques, ++ conjonctives injectées

Examen histologique pulmonaire : aspect "d'emphysème aigu".

Se méfier des associations (ex : incendie camouflant une strangulation ou une pendaison).

La suffocation

Il s'agit d'une asphyxie résultant d'une obstruction des voies aériennes supérieures. En résulte un aspect souvent bouffi, des conjonctives pouvant révéler des pétéchies hémorragiques et de possibles discrètes lésions faciales.

Elle est généralement d'origine accidentelle, parfois homicide (++ nouveau-né, vieillard, personnes débilitées ou sédatées : bâillon, coussins,… avec importantes lésions de défense), très rarement suicidaire.

La pendaison

Elle est définie comme la chute brutale dans le vide d'un corps dont le cou est enserré par un lien attaché à un point fixe.

Origine : suicidaire +++ (majorité des cas), rarement accidentelle ou homicide (mais possible : pour masquer un crime, "lynchages", pendaisons judiciaires encore pratiquée dans certains pays tels le Japon).

Physiopathologie de l'asphyxie par pendaison: varie selon le type de pendaison et la position du nœud

  • Compression veineuse = mécanisme habituel
    • Joue surtout en cas de nœud latéral ou antérieur
    • → congestion de la face et syncope en quelques secondes → "pendu bleu"
  • Compression carotidienne
    • Réflexe vagal possible par compression des barorécepteurs
    • Obstacle circulatoire
    • Striations intimales visibles (stries, lésions d'Amussat)
    • Syncope quasi-immédiate → "pendu blanc"
  • Compression trachéale
    • Survient surtout si le nœud est postérieur
    • Pression de 15 kg avec refoulement du larynx et de la base de la langue contre la colonne, protrusion de la langue
  • Atteinte de la colonne cervicale et lésions médullaires
    • En cas de chutes importantes, mécanisme habituel des pendaisons judiciaires

Nœud postérieur → compression trachéale + veineuse + carotidienne → mort très rapide (pendu blanc)

Nœud latéral → compression unilatérale → mort plus lente (pendu bleu)

Nœud antérieur → faible compression → mort encore plus lente (pendu bleu)

Examen physique et lieux

  • pendaison complète ou incomplète
  • position des objets (échelle, tabouret, tables,…)
  • mains (lésions?)
  • signes de défense ou de lutte
  • présence d'un sillon cervical, incomplet (contrairement à la strangulation au lien), dont les berges sont parcheminées (brûlées par le frottement), généralement unique
  • vérifier la vitalité des berges du sillon
  • vérifier la concordance entre le lien utilisé et le sillon
    • plus le lien est mince, plus le sillon sera profond
    • tenir compte du poids de la personne
  • noter les éventuelles lésions associées
  • présences de pétéchies, conjonctives injectées ?
  • protrusion de la langue, localisation des lividités déclives 

La noyade

La noyade correspond à une mort résultant d'une pénétration de liquide par le nez et/ ou la bouche, inondant les voies aériennes et provoquant une asphyxie par défaut d'oxygénation des poumons.

Il s'agit d'un diagnostic d'exclusion. Elle nécessite un examen médico-légal et est de diagnostic difficile. Il faut réunir tous les éléments d'enquête utiles (vêtements, traces de lutte, véhicule automobile,…) et découvrir le lieu de la submersion.

Vraies et fausses noyades

Vraies noyades (85 à 90%)

→ signes d'inhalation et d'asphyxie : "noyé bleu"

Elles se produisent par submersion inaugurale ou syncope inaugurale (traumatique, épilepsie, hypoglycémie, arythmies, thermodifférentielles)

Fausses noyades (10 à 15%)

→ pas de signe d'inhalation ou d'asphyxie : "noyé blanc"

Syncope? Hydrocution? Camouflage d'un homicide ? Les morts subites en milieu hydrique sont le plus souvent d'origine cardio-vasculaire et réflexe d'origine thermodifférentielle

Circonstances de la noyade

  • accidentelles +++ (enfants, catastrophes de masse [naufrage, inondation], accidents de plongée)
  • suicidaires ++
  • homicide : rare

Physiopathologie

Séquence des événements:

  • Phases conscientes :
    • effet de surprise, de saisissement (quelques secondes)
    • résistance à la respiration → apnée (~ 1 minute)
  • Phases inconscientes
    • phases d'inspiration profonde (~ 1 minute)
    • convulsions asphyxiques
    • deuxième phase d'apnée avec "état de mort apparente" (~ 1 minute)
    • décès

L'inondation des voies respiratoires modifie considérablement la physiologie de l'alvéole, du surfactant, de la tension superficielle → éclatement alvéolaire + passage d'eau se faisant en fonction des pressions osmotiques → en présence d'eau douce : hémodilution (passage vers les capillaires) et modification de l'osmolarité plasmatique. A l'inverse, la noyade en eau de mer peut entraîner une hémoconcentration. Phénomène d'hypertension pulmonaire → congestion hépatique massive.

Problématiques spécifiques

  • identifier la victime
  • diagnostic de noyade vitale ou non?
  • Détermination du délai post-mortem
  • Identification du lieu de la submersion
  • Distinguer lésions post-mortem et lésions ante-mortem

Caractéristiques du "noyé classique"

  • Cyanose (noyé bleu)
  • peau "ansérine" ("chair de poule" et "mains de blanchisseuse")
  • protrusion de la langue
  • congestion viscérale et pétéchies
  • œdème pulmonaire
  • épanchements pleuraux
  • fluidité du sang intra-cardiaque
  • eau dans le tube digestif
  • champignons de mousse bucco-narinaire ++

Caractéristiques du "noyé putréfié"

  • refroidissement très rapide
  • évolution rapide hors de l'eau
  • macération cutanée
  • adipocire
  • dents roses…

Techniques spécifiques utiles

Recherche de diatomées dans la moelle osseuse (algues microscopiques présentes dans les milieux aquatiques)

Attention à la qualité du prélèvement (de la moelle sternale ou de la diaphyse du fémur) : stérilité, absence de contamination. Faire un prélèvement d'eau pour comparaison.

Dosage du strontium 

Utile uniquement pour les noyades en eau de mer.

Le délai post-mortem

  • A températures ordinaires, la putréfaction survient en 1 journée à l'air libre, en 1 semaine en milieu aquatique
    • accélération en cas de proximité d'une source de déversement d'eau chaude (usines,…)

Les lésions post-mortem

  • lésions par charriage, hélices de bateau :
    • souvent profondes et larges, avec marques dans les os, absence de réaction vitale, bords très nets, impossibles à réaliser par la force de l'homme
  • autres : lésions provoquées par des crustacés, sur les berges,…

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD