Rhabdomyolyse

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DEFINITION ET DIAGNOSTIC

 

Une rhabdomyolyse est un syndrome clinique et biologique correspondant à la destruction massive de cellules musculaires striées avec libération de leur contenu dans le sang. Ce syndrome est susceptible d’avoir de graves complications, difficilement prédictibles, nécessitant une prise en charge à l’USI.

 

Il s’agit donc d’un syndrome dont le diagnostic s’appuie sur l’accumulation mal définie de signes cliniques et biologiques. Certains considèrent néanmoins qu’un dosage de CK > 5000 UI/l (N : 25-190) suffit à affirmer la rhabdomyolyse… d’autres à 1000… d’autres…

 

CLINIQUE ET ANAMNESE

 

Très variable :

-        Signes « classiques » : faiblesse, douleur musculaire, urines foncées (porto < myoglobinurie) quasi-constante mais svt transitoire

-        Œdème musculaire, muscles tendus et douloureux à la palpation

-        Signes d’hypovolémie (séquestration hydro-sodée par les tissus musculaires lésés)

-        Signes cutanés possibles : rash, éruption maculo-papuleuse, phlyctènes

-        Signes étiologiques… pouvant faire passer les signes de la rhabdomyolyse inaperçus…

-        Bilan lésionnel complet en cas de rhabdomyolyse traumatique

-        Tableaux « explosifs » (++ crush syndrome) : œdème musculaire rapide avec signes d’ischémie et paralysies sensitivo-motrices, hypovolémie et choc, troubles neuro-psychiatriques, hyperventilation (acidose métabolique), hyperkaliémie avec arythmies, IRA, détresse respi,… 

 

Dans les cas de notion d’écrasement de membres (tremblements de terre, éboulements, compressions prolongées) ou de polytraumas, une rhabdomyolyse doit toujours être recherchée. Dans les autres cas, la  rhabdomyolyse est souvent à l’arrière-plan d’une pathologie médicale complexe et sa détection fort aléatoire…

 

EXAMENS COMPLEMENTAIRES

 

-        Biologie et gazométrie :

o   Élévation des enzymes musculaires : CK (le plus sensible) [les CK-MB peuvent également augmenter dans une moindre mesure, sans pour autant signer une atteinte cardiaque], myoglobine, GOT, GPT, LDH

o   Troubles ioniques : hyperK, hypoCa, hyperP

o   Troubles de la fonction rénale : augmentation de la créatinine et de l’acide urique

o   Augmentation des lactates

o   Acidose métabolique et hyperventilation compensatrice (susceptible d’entraîner une détresse respi)

  • Urines : Myoglobinurie

 

COMPLICATIONS

 

  1. IRA (10-30%) !!!!!!!!!

 

Survient dans 10-30% des rhabdomyolyse avec une mortalité de 20-50%. Représenterait 5-15% des causes d’IRA.

 

La pathogénie de l’IRA n’est pas claire. Classiquement on incriminait la précipitation de myoglobine dans les tubules, mais des études récentes évoquent le rôle du stress oxydatifs secondaire à la libération d’endotoxine, d’une vasoconstriction rénale et de l’hypovolémie…

 

Sa survenue est difficilement prédictible. Elle ne semble pas corrélée à l’importance de la myoglobinurie ou de la myoglobinémie. Par contre, un lien a été établi avec le taux de CPK, l’importance des troubles ioniques, du taux de bicarbonate et de l’hypovolémie.

 

Il est à noter qu’un taux de créatinine significativement élevé peut être observé au début d’une rhabdomyolyse… sans être corrélé à une insuffisance rénale < libération de créatinine préformée par les cellules musculaires.

 

  1. SYNDROME DES LOGES

 

Sur œdème musculaire (> augmentation de pression > occlusion veineuse et abolition du retour veineux > occlusion capillaire) à tt = fasciatomie immédiate ! Cliniquement : myalgies intenses résistant aux antalgiques, impotence fonctionnelle totale du membre atteint, hypoesthésie, membre froid,

 

  1. TROUBLES IONIQUES

 

Risque d’hyperK, d’hypoCa (secondaire à l’hyperP et à la précipitation de Ca dans les tissus lésés) et d’hyperP à surveillance de l’iono et de l’ECG

 

  1. INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUE

 

Sur hyperventilation compensant l’acidose métabolique.

 

  1. CHOC HYPOVOLEMIQUE

 

Sur l’hypovolémie résultant de la séquestration hydro-sodée musculaire/ sur d’éventuelle pertes hémorragiques en cas de trauma/ sur déshydratation secondaire à une éventuelle immobilisation prolongée.

 

ETIOLOGIES

 

Elles sont malheureusement innombrables… les principales sont :

 

ISCHEMIQUES

Crush Syndrome

Obstruction artérielle aiguë

Traumas musculaire

Drépanocytose

Brûlures

Syndrome postural (positions vicieuses prolongées) et chirurgies prolongées

Hyperthermie d’effort

Agents convulsivants et crises E

Agitation intense

DEPENDANTES DU TERRAIN

Fragilité musculaire acquise

Alcool

Héroïne, cocaïne

Neuroleptiques

Troubles hydro-électriques

Myopathies inflammatoires acquises (polymyosites et dermatomyosites)

Myopathies héréditaires

Hyperthermie maligne

Myopathies métaboliques

Myopathies dégénératives (dystrophies)

INDEPENDANTES DU TERRAIN

Mécanismes connus

Atteintes mitochondriales : intox au CO

Atteinte réticulaire : caféine, théophylline, amphétamines, phencyclidine

Atteinte sarcolemmale : antilipémiants (statines !), venins de serpents/ araignées

Mécanismes inconnus

Infections bacériennes/ virales/ parasitaires/ fongiques

DIVERS

État de mal asthmatique

Intoxication à l’eau

Diabète insipide

Hypo/hyperthyroïdie

Hypothermie

 

            RHABDOMYOLYSES A PREDOMINANCE ISCHEMIQUE

 

Le crush syndrome (écrasement prolongé de membres entraînant des lésions tissulaires, directement et par ischémie) est la principale cause de rhabdomyolyse massive.

 

            RHABDOMYOLYSES DEPENDANTES DU TERRAIN

 

L’alcoolisme est retrouvé dans 30-60% des grandes séries de rhabdomyolyses non traumatiques. Typiquement des épisodes surviennent lors d’une majoration transitoire de l’intoxication alcoolique. Il s’agirait d’une fragilité particulière du muscle de l’alcoolique (myopathie alcoolique par toxicité directe sur les membranes musculaires ?)… dont l’hygiène de vie l’expose en outre à des facteurs précipitants (coma éthylique, delirium tremens, crises E, dénutrition, infections, troubles ioniques,…).

 

L’héroïne (ou l’un de ses adjuvants courants tel que la strychnine) pourrait induire une véritable myopathie. La cocaïne aurait quant à elle un effet toxique non spécifique (ischémie musculaire par vasoconstriction, anomalies du métabolisme oxydatif). Des cas de rhabdomyolyse au cours d’un syndrome malin des neuroleptiques ont été rapportés.

 

De nombreux troubles ioniques (hypoK, hypoMg, hypoP, hyperCa, hypoNa, acidose métabolique,…) ont été incriminés dans des cas de rhabdomyolyse. Il semble qu’il s’agisse plus de facteurs favorisant (perturbation de l’homéostasie et fragilisation de la membrane cellulaire).

 

Des cas d’IRA sur rhabdomyolyse ont été exceptionnellement rapportés dans le cadre de dermatomyosites et polymyosites.

 

L’hyperthermie maligne est une maladie autosomique dominante rare (1/100.000) du muscle strié. Caractérisée par des crises d’hypercatabolisme paroxystique induites par certains agents anesthésiques (hallogénés et succinycholine) chez des sujets en bonne santé apparente (myopathie infraclinique). La crise se caractérise par une tachycardie, une polypnée, des arythmies ventriculaires, une hypertonie et des spasmes musculaires, une rhabdomyolyse, une élévation de la t° corporelle de 1-2° toutes les 5 minutes. Le diagnostic se fait rétrospectivement par biopsie de cellules musculaires exposées à des agents hallogénés. L’évolution est rapidement fatale en l’absence de tt (arrêt immédiat des anesthésiques, suspension de la chir, dantrolène IV, ventilation en O2 pur, refroidissement corporel, prise en charge des arythmies, hydratation et alcalinisation IV… transfert en USI une fois le patient stabilisé. La mortalité reste de 10% en cas de tt adapté.

 

D’autres myopathies héréditaires très rares peuvent être incriminées : dystrophies (Duchenne,…), particulièrement suite à une AG à l’aide de succinylcholine, ou myopathies métaboliques dans des situations très particulières (le jeûne pour le déficit en carnitine transférase, l’effort pour les déficits en phosphorylase musculaire ou en phosphofructokinase).

 

            RHABDOMYOLYSES INDEPENDANTES DU TERRAIN

 

Des cas ont été rapportés lors d’intoxications au CO (atteinte de la chaine respiratoire mitochondriale), à la caféine ou à la théophylline ou aux amphétamines (atteinte du canal calcique réticulaire). Les normolipémiants (statines !) à doses thérapeutiques, certains venins de crotales/ araignées sont susceptibles d’entraîner une rhabdomyolyse par atteinte de la membrane musculaire/ du sarcolemme.

 

De très nombreux agents infectieux, virus/ bactéries/ parasites/ champignons, peuvent, très rarement, entraîner une rhabdomyolyse par des mécanismes encore indéterminés (action directe par infection des myocytes ? endotoxines ? médiateurs inflammatoires ? altération de la microcirculation ? auto-immunité ?...). Ces cas surviennent souvent dans un contexte d’ischémie/ chirurgie/ blessure/ immunodépression… Lors d’infection virale les atteintes musculaires sont le plus souvent diffuses/multifocales. Lors d’infections bactériennes, les atteintes sont le plus souvent locales. Les plus impliqués sont : Influenza, entérovirus, HIV.

 

D’innombrables médicaments ont été impliqués dans des cas de rhabdomyolyse, sans que l’on puisse décrire un mécanisme commun. La plupart des cas surviennent en présence de facteurs favorisants (agitation, convulsions, déshydratation, injections intramusculaires,…).

 

            DIVERS

 

Enfin, diverses situations caractérisées par une altération de l’homéostasie avec compromission de l’apport en O2/ nutriments ou de la microvascularisation musculaire sont susceptibles d’entraîner une rhabdomyolyse : mal asthmatique, intoxication à l’eau, diabète insipide, hypothyroïdie, crise thyréotoxique,…

 

TRAITEMENT

 

Le traitement est essentiellement supportif :

-        Prise en charge en USI en cas de rhabdomyolyse massive/ apparition de complications

-        Expansion volémique (pour prévenir ou traiter l’IRA secondaire) : hyperhydratation par cristalloïdes (instaurer perf IV sol physiologique 1,5L/h le plus rapidement possible… en l’absence d’IRA : maintenir 12L/j sur 2-3 j).  Utilisation éventuelle prudente d’agents vaso-constricteurs.

-        Correction des troubles ioniques : corriger l’hyperK… ! attention : les moyens médicaux conventionnels sont généralement peu efficaces à en cas d’hyperK non contrôlée par l’expansion volémique on devra rapidement recourir à une hémodialyse ! L’hypoCa quant à elle ne doit pas être corrigée (risque d’aggraver la myolyse par précipitation de Ca) ! L’hyperP n’impose pas de correction.

-        Prise en charge des autres complications

-        ABth empirique en cas de blessure ouverte/ étiologie suspecte d’infection

-        Dans les cas de myolyses incontrôlables (+++ lors de rhabdomyolyses traumatiques) la résection des tissus nécrotiques, voir l’amputation, devra être envisagée.

 

+ tt étiologique en parallèle si possible (ie écrasement de membre → lever la cause + évaluer l’opportunité d’une chirurgie)