Préparer un sevrage éthylique (alcoolique)

Aller à : navigation, rechercher

L'éthylisme chronique dans les pays développés représente un enjeu majeur de santé publique de par ses conséquences médicales (gastro-entérologiques, cardiaques, neurologiques, traumatiques,...), sociales (désinsertion socio-professionnelle, délinquance et criminalité, institutionnalisations,...) et budgétaires. Il est de ce fait d'une importance majeure. Il est malheureusement toujours aujourd'hui mal dépisté et les patients ne bénéficient fréquemment d'une prise en charge médicale qu'à des stades avancés.

Réaliser un sevrage éthylique sous contrôle médical chez un alcoolique chronique n'est jamais en soi une urgence et n'est pas assimilable à la prise en charge d'un sevrage réalisé sans encadrement médical avec ses complications. Il convient donc de préparer le terrain et envisager une éventuelle hospitalisation si nécessaire à distance.

Dépister l'alcoolisme - la "consommation problématique"

La consommation d'alcool est banale dans nos pays et il n'existe pas de critère médical clair définissant l'alcoolisme, hors la définition générale de "dépendance". Les consommations et leurs répercussions sont fréquemment sous-évaluées tant par les patients eux-mêmes que par leurs proches ou leurs médecins. De ce fait, nombre de patients ne bénéficient d'une prise en charge adaptée qu'une fois survenues des complications, parfois graves, et qu'une dépendance importante se soit installée. Idéalement, la question devrait être évoquée avec le patient dès la survenue de "facteurs d'alerte".

Il y a cependant un relatif consensus quant aux signes devant faire évoquer une consommation éthylique "problématique" :

  • Facteurs de risque :
    • antécédents familiaux d'éthylisme
    • environnement précaire, isolement socio-familial, inactivité, pauvreté
    • stress socio-professionnel, surinvestissement professionnel
    • autres dépendances connues et troubles psychiatriques connus
  • Facteurs d'alertes :
    • consommation éthylique quotidienne ou consommations très importantes ponctuelles régulières
    • pas de contrôle sur la consommation, description de la consommation comme un "besoin", pensées intrusives quant à la consommation
    • association du "bien être" à la consommation d'alcool
    • description de "malaises" en l'absence de consommation la veille, survenue de "trous noirs" après consommation
    • remarques de tiers relatives à la consommation
    • inquiétude ou demande d'aide de proches ou du patient lui même
  • Anomalies biologiques :
  • Complications médicales
  • En parler, évaluer la motivation
    • Si non motivé :
      • Soutien des proches, conseiller d'en parler calmement avec le patient à jeun +- présence du médecin, conseiller de fixer des limites claires et avertir des conséquences si elles ne sont pas tenues, orienter vers des structures d'aide
      • Soutien du patient, expliquer les conséquences sans jugement, orienter vers des structures d'aide
      • Réévaluer la motivation à distance
    • Si motivé :
      • Idem que si non motivé. Si ambivalent : faire bilan positif/ négatif psycho-social/ biologique/ clinique/ estime de soi
      • Décider : réduction ou abstinence ? Favoriser abstinence mais passer par une période de récution progressive pour minimiser le risque de syndrome de sevrage. Elaborer un plan d'action et de suivi
      • Construire un soutien psycho-social
      • Traitement pré-sevrage : Befact forte 2x/j + diminution progressive des quantités consommées + campral 3x2co/j 2 sem avant le sevrage (++ pour maintien)
      • Éviter les BZD, neuroleptiques et antidépresseurs
      • Moment du sevrage : augmenter vitamines B + introduire BZD (40-120 mg/j de valium durant 5j à adapter, max 60mg en ambulatoire, diminuer ensuite de 10mg tous les 2j) +- trazolan 50-200mg au soir si insomnie/ anxiété
      • Suivi rapproché, vigilance particulière durant les 8-10h suivant la 1ère prise !
      • Hospitalisation en cas de signe d'alerte clinique/ désir du patient/ isolement - jamais en urgence - toujours en concertation avec un psychiatre
      • Maintien et suivi : campral/ antabuse +- centre de post cure + suivi régulier avec thérapie cognitivo-comportementale et réadaptation psycho-sociale + soutien psy +- aide sociale


Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD