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<p style="text-align: justify">N'est jamais une urgence&nbsp;! Préparer le terrain et envisager une hospitalisation à distance&nbsp;!</p>
<p style="text-align: left">L'éthylisme chronique dans les pays développés représente un enjeu majeur de santé publique de par ses conséquences médicales (gastro-entérologiques, cardiaques, neurologiques, traumatiques,...), sociales (désinsertion socio-professionnelle, délinquance et criminalité, institutionnalisations,...) et budgétaires. Il est de ce fait d'une importance majeure. Il est malheureusement toujours aujourd'hui mal dépisté et les patients ne bénéficient fréquemment d'une prise en charge médicale qu'à des stades avancés.</p><p style="text-align: left">Réaliser un '''sevrage éthylique''' sous contrôle médical chez un alcoolique chronique n'est jamais en soi une urgence et n'est pas assimilable à la prise en charge d'un sevrage réalisé sans encadrement médical avec ses complications. Il convient donc de préparer le terrain et envisager une éventuelle hospitalisation si nécessaire à distance.</p>
*Dépister une consommation problématique&nbsp;:
== Dépister l'alcoolisme - la "consommation problématique" ==
**Facteurs d'alerte&nbsp;: bois tous les j, pas de contrôle sur la consommation, pense à boire, "être bien&nbsp; = boire", "boire = besoin", malaise si pas de consommation la veille, remarques de tiers, "trous noirs", (risques d') accidents,…
<p style="text-align: left">La consommation d'alcool est banale dans nos pays et il n'existe pas de critère médical clair définissant l'alcoolisme, hors la définition générale de "dépendance". Les consommations et leurs répercussions sont fréquemment sous-évaluées tant par les patients eux-mêmes que par leurs proches ou leurs médecins. De ce fait, nombre de patients ne bénéficient d'une prise en charge adaptée qu'une fois survenues des complications, parfois graves, et qu'une dépendance importante se soit installée. Idéalement, la question devrait être évoquée avec le patient dès la survenue de "facteurs d'alerte".</p>
**FR&nbsp;: atcdts familiaux d'alcoolisme, environnement précaire, autres dépendances, troubles psys
<p style="text-align: left">Il y a cependant un relatif consensus quant aux signes devant faire évoquer une consommation éthylique "problématique" :</p>
**Demande d'aide de proches/ du patient
*Facteurs de risque :
*En parler, évaluer la motivation
**antécédents familiaux d'éthylisme
**Si non motivé&nbsp;:
**environnement précaire, isolement socio-familial, inactivité, pauvreté
***Soutien des proches, conseiller d'en parler calmement avec le patient à jeun +- présence du médecin, conseiller de fixer des limites claires et avertir des conséquences si elles ne sont pas tenues, orienter vers des structures d'aide
**stress socio-professionnel, surinvestissement professionnel
***Soutien du patient, expliquer les conséquences sans jugement, orienter vers des structures d'aide
**autres dépendances et troubles psychiatriques
**Si motivé&nbsp;:
*Facteurs d'alertes :
***Idem que si non motivé. Si ambivalent&nbsp;: faire bilan positif/ négatif psycho-social/ biologique/ clinique/ estime de soi
**consommation éthylique quotidienne ou consommations très importantes ponctuelles régulières
***Décider&nbsp;: réduction ou abstinence&nbsp;? Favoriser abstinence mais passer par une période de récution progressive pour minimiser le risque de syndrome de sevrage. Elaborer un plan d'action et de suivi
**pas de contrôle sur la consommation, description de la consommation comme un "besoin", pensées intrusives quant à la consommation
***Construire un soutien psycho-social
**association du "bien être" à la consommation d'alcool
***Traitement pré-sevrage&nbsp;: Befact forte 2x/j + diminution progressive des quantités consommées + campral 3x2co/j 2 sem avant le sevrage (++ pour maintien)
**description de "malaises" en l'absence de consommation la veille, survenue de "trous noirs" après consommation
***Éviter les BZD, neuroleptiques et antidépresseurs
**remarques de tiers relatives à la consommation
***Moment du sevrage&nbsp;: augmenter vitamines B + introduire BZD (40-120 mg/j de valium durant 5j à adapter, max 60mg en ambulatoire, diminuer ensuite de 10mg tous les 2j) +- trazolan 50-200mg au soir si insomnie/ anxiété
**inquiétude ou demande d'aide de proches ou du patient lui même
***Suivi rapproché, vigilance particulière durant les 8-10h suivant la 1<sup>ère</sup> prise&nbsp;!
*Anomalies biologiques compatibles avec un éthylisme chronique sans autre explication : anémie macrocytaire, élévation des GGT, cytolyse hépatique chronique,...
***Hospitalisation en cas de signe d'alerte clinique/ désir du patient/ isolement - jamais en urgence - toujours en concertation avec un psychiatre
*Complications médicales. Elles peuvent être "discrètes et peu aspécifiques" (reflux gastro-oesophagien, prise ou perte de poids, troubles du sommeil,...) comme signant des stades déjà avancés (signes de sevrages, insuffisances organiques, hémorragies digestives, dégradation cognitive,...). Dans tous les cas, elles imposent une prise en charge.
***Maintien et suivi&nbsp;: campral/ antabuse +- centre de post cure + suivi régulier avec thérapie cognitivo-comportementale et réadaptation psycho-sociale + soutien psy +- aide sociale
*Complications sociales. Y penser systématiquement en cas de problèmes familiaux, professionnels ou sociaux.


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== Préparer le sevrage ==
En cas de consommation problématique, parler avec le patient et évaluer sa motivation.
*Si le patient est non motivé pour un sevrage ou dans le déni :
**Si la demande d'aide émanait de proches : les soutenir, conseiller d'en parler calmement avec le patient à jeun éventuellement en présence du médecin, conseiller de fixer des limites claires et avertir des conséquences potentielles si elles ne sont pas tenues, orientation vers des associations d'aide aux proches
**Dans tous les cas : soutien du patient, expliquer les conséquences potentielles sans jugement, orientation vers des structures d'aide selon la situation et l'ouverture du patient (psychiatre-psychologue, "alcooliques anonymes", structures sociales)
**Si le patient semble "ambivalent", faire avec lui un bilan "positif/ négatif" sur les plans psycho-social, biologique, clinique et estime de soi et des autres
**Proposer une supplémentation vitaminique B1-B6 tant que perdurera la consommation
***Idéalement : befact (contient vitamine B1 et B6) 1 co/ jour 3 mois/ an et benerva (contient vitamine B1) ou équivalent 1 co/ jour les autres mois (la vitamine B6 peut avoir des effets secondaires neurotoxiques en cas de prises trop importantes)
**Réévaluer régulièrement la consommation et la motivation à distance
*Si le patient est motivé pour un sevrage&nbsp;:
**Même mesures que dans le cas "non motivé".
**Agir idéalement en concertation avec un psychiatre.
**Fixer avec le patient ses objectifs : réduction de la consommation ou abstinence ? Favoriser le choix d'une abstinence avec courte période de réduction progressive pour minimiser le risque de syndrome de sevrage. Quelque soit le choix, élaborer un plan d'action et de suivi.
**Construire ou renforcer un soutien psycho-social
**Traitement pré-sevrage durant 2 semaines :
***befact forte 2 co/ jour
***diminution progressive des quantités consommées
***acamprosate (campral) 3 x 2co / jour (pas d'effet démontré sur le succès du sevrage mais bien sur son maintien à moyen terme)
***Éviter si possible les benzodiazépines, neuroleptiques et antidépresseurs


Auteur&nbsp;: Shanan Khairi, MD
== Le sevrage ==
*Maintien befact forte et campral
*Introduire des benzodiazépines (ex : 40 à 120 mg/ jour de diazepam [valium] en 4 à 6 prises durant 5 jours à adapter, maximum 60 mg/ jour en ambulatoire, diminuer ensuite de 10 mg tous les 2 jours)
*Privilégier trazodone 50 à 200 mg au soir en cas d'insomnie-anxiété. Autre médication éventuelle sur avis psychiatrique.
*Suivi rapproché, vigilance particulière durant les 24 premières heures
*Envisager une hospitalisation en cas de signe d'alerte clinique, de désir du patient ou d'isolement social. Jamais en urgence mais planifiée, toujours en concertation avec un psychiatre
*Maintien et suivi post-sevrage : maintien du campral ou disulfirame (antabuse), éventuellement centre de post cure, suivi régulier avec thérapie cognitivo-comportementale et réadaptation psycho-sociale. Aide sociale si nécessaire.
== Auteur(s) ==
 
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Version actuelle datée du 15 novembre 2022 à 23:31

L'éthylisme chronique dans les pays développés représente un enjeu majeur de santé publique de par ses conséquences médicales (gastro-entérologiques, cardiaques, neurologiques, traumatiques,...), sociales (désinsertion socio-professionnelle, délinquance et criminalité, institutionnalisations,...) et budgétaires. Il est de ce fait d'une importance majeure. Il est malheureusement toujours aujourd'hui mal dépisté et les patients ne bénéficient fréquemment d'une prise en charge médicale qu'à des stades avancés.

Réaliser un sevrage éthylique sous contrôle médical chez un alcoolique chronique n'est jamais en soi une urgence et n'est pas assimilable à la prise en charge d'un sevrage réalisé sans encadrement médical avec ses complications. Il convient donc de préparer le terrain et envisager une éventuelle hospitalisation si nécessaire à distance.

Dépister l'alcoolisme - la "consommation problématique"

La consommation d'alcool est banale dans nos pays et il n'existe pas de critère médical clair définissant l'alcoolisme, hors la définition générale de "dépendance". Les consommations et leurs répercussions sont fréquemment sous-évaluées tant par les patients eux-mêmes que par leurs proches ou leurs médecins. De ce fait, nombre de patients ne bénéficient d'une prise en charge adaptée qu'une fois survenues des complications, parfois graves, et qu'une dépendance importante se soit installée. Idéalement, la question devrait être évoquée avec le patient dès la survenue de "facteurs d'alerte".

Il y a cependant un relatif consensus quant aux signes devant faire évoquer une consommation éthylique "problématique" :

  • Facteurs de risque :
    • antécédents familiaux d'éthylisme
    • environnement précaire, isolement socio-familial, inactivité, pauvreté
    • stress socio-professionnel, surinvestissement professionnel
    • autres dépendances et troubles psychiatriques
  • Facteurs d'alertes :
    • consommation éthylique quotidienne ou consommations très importantes ponctuelles régulières
    • pas de contrôle sur la consommation, description de la consommation comme un "besoin", pensées intrusives quant à la consommation
    • association du "bien être" à la consommation d'alcool
    • description de "malaises" en l'absence de consommation la veille, survenue de "trous noirs" après consommation
    • remarques de tiers relatives à la consommation
    • inquiétude ou demande d'aide de proches ou du patient lui même
  • Anomalies biologiques compatibles avec un éthylisme chronique sans autre explication : anémie macrocytaire, élévation des GGT, cytolyse hépatique chronique,...
  • Complications médicales. Elles peuvent être "discrètes et peu aspécifiques" (reflux gastro-oesophagien, prise ou perte de poids, troubles du sommeil,...) comme signant des stades déjà avancés (signes de sevrages, insuffisances organiques, hémorragies digestives, dégradation cognitive,...). Dans tous les cas, elles imposent une prise en charge.
  • Complications sociales. Y penser systématiquement en cas de problèmes familiaux, professionnels ou sociaux.

Préparer le sevrage

En cas de consommation problématique, parler avec le patient et évaluer sa motivation.

  • Si le patient est non motivé pour un sevrage ou dans le déni :
    • Si la demande d'aide émanait de proches : les soutenir, conseiller d'en parler calmement avec le patient à jeun éventuellement en présence du médecin, conseiller de fixer des limites claires et avertir des conséquences potentielles si elles ne sont pas tenues, orientation vers des associations d'aide aux proches
    • Dans tous les cas : soutien du patient, expliquer les conséquences potentielles sans jugement, orientation vers des structures d'aide selon la situation et l'ouverture du patient (psychiatre-psychologue, "alcooliques anonymes", structures sociales)
    • Si le patient semble "ambivalent", faire avec lui un bilan "positif/ négatif" sur les plans psycho-social, biologique, clinique et estime de soi et des autres
    • Proposer une supplémentation vitaminique B1-B6 tant que perdurera la consommation
      • Idéalement : befact (contient vitamine B1 et B6) 1 co/ jour 3 mois/ an et benerva (contient vitamine B1) ou équivalent 1 co/ jour les autres mois (la vitamine B6 peut avoir des effets secondaires neurotoxiques en cas de prises trop importantes)
    • Réévaluer régulièrement la consommation et la motivation à distance
  • Si le patient est motivé pour un sevrage :
    • Même mesures que dans le cas "non motivé".
    • Agir idéalement en concertation avec un psychiatre.
    • Fixer avec le patient ses objectifs : réduction de la consommation ou abstinence ? Favoriser le choix d'une abstinence avec courte période de réduction progressive pour minimiser le risque de syndrome de sevrage. Quelque soit le choix, élaborer un plan d'action et de suivi.
    • Construire ou renforcer un soutien psycho-social
    • Traitement pré-sevrage durant 2 semaines :
      • befact forte 2 co/ jour
      • diminution progressive des quantités consommées
      • acamprosate (campral) 3 x 2co / jour (pas d'effet démontré sur le succès du sevrage mais bien sur son maintien à moyen terme)
      • Éviter si possible les benzodiazépines, neuroleptiques et antidépresseurs

Le sevrage

  • Maintien befact forte et campral
  • Introduire des benzodiazépines (ex : 40 à 120 mg/ jour de diazepam [valium] en 4 à 6 prises durant 5 jours à adapter, maximum 60 mg/ jour en ambulatoire, diminuer ensuite de 10 mg tous les 2 jours)
  • Privilégier trazodone 50 à 200 mg au soir en cas d'insomnie-anxiété. Autre médication éventuelle sur avis psychiatrique.
  • Suivi rapproché, vigilance particulière durant les 24 premières heures
  • Envisager une hospitalisation en cas de signe d'alerte clinique, de désir du patient ou d'isolement social. Jamais en urgence mais planifiée, toujours en concertation avec un psychiatre
  • Maintien et suivi post-sevrage : maintien du campral ou disulfirame (antabuse), éventuellement centre de post cure, suivi régulier avec thérapie cognitivo-comportementale et réadaptation psycho-sociale. Aide sociale si nécessaire.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD