Patient fébrile (fièvre) ou suspect d'infection aux urgences

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La prise en charge d'un patient fébrile ou suspect d'infection aux urgences (ou en consultation) est fréquente. La majorité d'entre eux souffrent d'une infection virale et ne nécessitent d'autre prise en charge qu'une réassurance et éventuellement un traitement symptomatique. Cependant, infection ne rime pas toujours avec fièvre (corticothérapie et immunosuppresseurs, anti-inflammatoires non stéroïdiens, sepsis sévères, patients âgés, insuffisance rénale chronique,…) et fièvre ne signifie pas toujours infection (fièvres factices, thrombo-embolies, néoplasies, connectivites et vasculites,…). L'enjeu réside avant tout dans l'identification de la minorité de patients nécessitant une antibiothérapie (suspicion d'infection bactérienne), un autre traitement spécifique et/ ou une hospitalisation pour mise au point.</p">

Aux urgences, il ne faut jamais hésiter à appeler l'infectiologue de référence en cas de doute quant à l'attitude appropriée, particulièrement pour un patient immuno-déprimé.

Quand suspecter une infection en l'absence de fièvre ?

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Trois types de patients nécessiteront la recherche systématique d'une infection en cas de dégradation de l'état général ou d'une confusion :

  • Patient âgés → infection pulmonaire (+++), urinaire (++, plus fréquente chez les femmes), diverticulite, méningite (rare),...
  • Diabétiques et cirrhotiques décompensés
  • Immunodéprimés

Quand douter d'une infection en présence de fièvre ?

  • Dissociation pouls-température (absence de tachycardie en présence de fièvre) et conservation de l'état général → fièvre factice ou simulation ?
    • NB : une dissociation pouls-température peut également se rencontrer dans : fièvre typhoïde, légionellose, brucellose, lymphome, fièvres médicamenteuses
  • Température > 41°C → l'origine est rarement infectieuse mais plus souvent centrale, coups de chaleur, paranéoplasique, syndrome malin des neuroleptiques,…

Quelles questions ne jamais oublier de poser ?

On s'enquerra de façon systématique d'un voyage dans les semaines précédentes. En cas de réponse positive :

  • il s'agit d'une infection acquise lors du voyage dans ~ 50% des cas.
  • compléter l'anmnèse par les vaccinations réalisées ainsi que les prophylaxies et précautions suivies, précautions.
  • Trois diagnostics sont à évoquer systématiquement au retour d'un voyage tropical : pyélonéphrite (femme ++), malaria, typhoïde.

En cas d'étiologie non évidente, on s'enquerra alors :

  • de la prise éventuelle de médicaments introduits récemment (inducteurs de fièvres médicamenteuses ? antibiothérapies récentes ?)
  • de contacts avec des animaux (domestiques et sauvages) où leurs déchets et produits et particulièrement de morsures ou griffures.
  • des hobby, occupations et travaux récents.
  • d'une éventuelle périodicité de la fièvre… bien qu'une périodicité soit très peu spécifique en dehors d'un pic 1 tous les deux à trois jours (évocateur d'une infestation à plasmodium falciparum, à corréler aux voyages récents)

Que faire en cas de suspicion de fièvre médicamenteuse ?

Malheureusement, les médicaments possiblement inducteurs de fièvres sont innombrables (dans 50% des cas, il s'agit... d'un antibiotique) : la majorité des antibiotiques et anti-cancéreux, les psychotropes (++ neuroleptiques et anti-dépresseurs), les anti-inflammatoires non stéroïdiens, l'acide acétylsalicylique, l'allopurinol, les anti-vitamine K, la cordarone, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, la cimétidine,...

La fièvre débute généralement 5 à 10 jours après l'introduction du médicament en cause. Le tableau clinico-biologique est aspécifique (notamment, la présence d'un rash qui n'est présent que dans 25% des cas et peut être présent dans diverses infections) et peut mimer un sepsis. La résolution de la symptomatologie est habituelle

Pour tout médicament introduit récemment, il faut donc envisager le rapport bénéfice / risque de son arrêt ou remplacement par une autre classe thérapeutique. Le diagnostic étant rétrospectif (résolution en quelques jours après arrêt du médicament incriminé), il faut continuer le bilan.

L'examen clinique doit être complet et répété bien sûr… mais quels signes imposent une réaction urgente ?

  • Instabilité hémodynamique et signes d'insuffisance organique
  • Manifestations neurologiques et signes méningés
  • Manifestations cutanées → évoquer endocardite, gonoco ou méningoccémie (particulièrement en cas de rash pétéchial), mononucléose infectieuse, Kawasaki, rubéole, rougeole, dengue

Quels examens pratiquer en l'absence d'étiologie évidente ?

En l'absence de foyer clairement identifié ou d'arguments pour un syndrome viral, on procédera à :

  • Ponctionner tout liquide qui peut l'être (frottis si impossible)
  • Radiographie thoracique
  • Biologie : ionogramme, CRP, VS, hémogramme et formule
  • Examen microscopique des urines (EMU) + culture
  • Expectorations ou aspiration trachéale si possible (! Les résultats de l'examen direct priment sur ceux de la culture !)
  • 2-3 paires d'hémocultures si t° > 38°C, patients âgés, cirrhotiques, diabétiques, signes septiques
  • Goutte épaisse et/ ou sérologies systématique en cas de retour de séjour de zone endémique de malaria
  • Divers selon clinique

Quand initier un traitement empirique en l'absence d'étiologie démontrée ?

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En cas de: choc et sepsis sévère (ne pas attendre un choc pour instaurer une antibiothérapie en cas de suspicion de sepsis sévère !), dégradation neurologique, asplénie morphologique ou fonctionnelle, immunodépression, patients âgés, pétéchies ou purpura, voyage en zone d'endémie à plasmodium falciparum, lésions cutanées rapidement progressives et très douloureuses (cellulite à strepto-pyo ++ → prise en charge  médico-chirurgicale).

Dans les autres cas, il vaut généralement mieux s'abstenir.

Quand hospitaliser un patient ?

  • Sepsis sévère, "tableau toxique" ou immunodéprimé → surveillance sous monitoring minimum 24 heures !
  • GB > 15000 sans foyer certain ou neutropénie
  • Traitement nécessaire mais voie per os contre-indiquée ou impossible
  • Contexte psycho-social (toujours discuter une hospitalisation pour un SDF infecté, d'office si nécessité d'une antibiothérapie)
  • Patient gériatrique vivant seul, dont l'entourage est inadéquat ou très dégradé (à discuter selon l'éventuel statut thérapeutique existant)
  • Persistance d'épisodes fébriles durant > 3 semaines sans étiologie déterminée par un bilan ambulatoire adéquat (cf "fièvre d'origine indéterminée")

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD