Pathologie cérébro-vasculaire, grossesse et post-partum

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Les pathologies cérébro-vasculaires sont peu fréquentes en péri-partum mais la cause de 4 à 11% des décès maternels péri-partum. Elles surviennent préférentiellement au troisième trimestre de la grossesse et dans les premières semaines du post-partum.

Ces pathologies ne sont pas spécifiques au péri-partum et, bien que diverses modifications physiologiques soient classiquement évoquées, la littérature ne permet pas même de conclure quant à une incidence accrue de manière significative. Quoi qu'il en soit, de par leur morbi-mortalité, tant les gynécologues que les membres de leurs équipes doivent être capables de les reconnaître et d'assurer leur prise en charge immédiate.

Eléments de physiopathologie

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Divers facteurs physiologiques propres à la grossesse sont incriminés comme favorisant les événements cérébro-vasculaires :

  • Facteurs hématologiques - état d'hypercoagulabilité
    • Augmentation de l'activité des facteurs de coagulation + diminution de l'activité fibrinolytique
    • Maximum au cours du troisième trimestre et normalisation quelques semaines post-partum
  • Facteurs hormonaux
    • Rôle des oestrogènes dans une vasodilatation susceptible de favoriser des malformations vasculaires ?
  • Facteurs hémodynamiques
    • Elévation progressive du débit cardiaque au cours de la grossesse (jusqu'à 50 % à terme)
    • Diminution des résistances vasculaires et de la tension artérielle, normalisation en fin de grossesse
    • Durant le travail
      • Chaque contraction augmente de 20% le débit cardiaque + transfert de 250 à 300 cc de sang de la circulation utérine vers la circulation systémique → augmentation du débit cérébral, de la tension artérielle et de la pression veineuse centrale
      • Manœuvres de valsalva → pics de tension artérielle et de pression intracrânienne
    • Perte sanguine de l'accouchement → diminution du débit cérébral (favorise les thromboses veineuses)
    • Modification de l'histologie artérielle (épaississement de la média, fragmentation des fibres, hyperplasie musculaire)

Epidémiologie

Outre les habituels facteurs de risque cardio-vasculaires, les facteurs de risque suivant sont à considérer : âge maternel élevé, thrombophilie, ethnies noires, complication obstétricales (infection, hémorragies).

Les complications cérébro-vasculaires sont la cause de 4 à 11% des décès maternels en péri-partum. Les plus fréquentes sont les hémorragies cérébrales, les thromboses veineuses cérébrales (TVC) et les complications secondaires à une éclampsie.

Les données de la littérature ne permettent cependant pas de conclure quant à une augmentation significative du risque relatif des différents types d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) durant la grossesse, possiblement du fait de biais de recrutement.

Généralités quant à des spécificités de la prise en charge en cours de grossesse et en post-partum

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Discuter la prise en charge thérapeutique entre gynécologues, intensivistes ou internistes et neurologues. De façon générale :

  • Eviter l'acide acétylsalicylique (AAS) durant le 1er trimestre (tératogénicité de faibles doses ?). Doses réduites à 60-80 mg pour le reste de la grossesse si nécessaire (risque d'anomalies de fermeture du canal artériel).
  • En cas d'indication d'anticoagulation, 2 schémas possibles (tératogénicité des antagonistes de la vitamine K [AVK]) :
    • Le plus simple : héparines avec relais par AVK 1 semaine post-partum
    • Héparines durant le premier trimestre → AVK de la 13ème à 36ème semaine d'âge gestationnel (SAG) → héparines → AVK 1 semaine post-partum
    • Pour les thromboses veineuses cérébrales, l'anticoagulation doit durer un total de minimum 6 mois avec minimum 6 semaines en post-partum
  • Pas de contraception orale au décours de l'accouchement en cas d'accident vasculaire cérébral ischémique
  • Données insuffisantes quant aux risques d'une thrombolyse durant la grossesse…
  • En cas de thrombose veineuse cérébrale : HBPM à doses prophylactiques en post-partum des grossesses ultérieures
  • Non codifié, mais consensus quant à une HBPM prophylactique durant les grossesses ultérieures en cas de déficit en AT III
  • Si indiqués, pas de contre-indication particulière à la neurochirurgie ou aux traitements endovasculaires mais pratiquer une césarienne en urgence avant si le fœtus est suffisament mature + détresse fœtale ou risque maternel majeur ou raisons obstétricales
  • Eviter l'hypotension artérielle contrôlée et le mannitol au cours des grossesses
  • Ne pas oublier qu'en cas d'éclampsie, le premier "traitement" reste l'accouchement ou l'interruption de grossesse. Toujours à discuter.
  • Si une radiothérapie stéréotaxique a été effectuée pour une malformation artério-veineuse (MAV) → attendre minimum 2 ans avant une nouvelle grossesse.

20 à 25% des bilans étiologiques des événements cérébro-vasculaires survenant durant la grossesse ou en post-partum reviennent négatifs. Outre les causes habituelles, on retrouve spécifiquement ou plus fréquemment que pour les autres patients certaines étiologies :

Accidents vasculaires cérébraux ischémiques artériels

Eclampsie

  • Rare en occident (2/ 1000 grossesses) mais constituant une des principales causes de mortalité maternelle.
  • Clinique classique : céphalées + troubles visuels (< atteintes rétiniennes ou occipitales) + troubles de la conscience + crises épileptiques
    • 2-12% → HELLP syndrome
  • Formes sévères → similaires aux encéphalopathies hypertensives
    • IRM séquences T2, densité de proton, FLAIR : zones hyperintenses sous-corticales (+- tronc ou cervelet) confluentes. La diffusion montre des hypersignaux associés à une augmentation du coefficient de diffusion de l'eau. +- pétéchies à l'écho de gradient. +- zones hémorragiques.
  • ARM : possibles zones de vasoconstriction focale segmentaire
  • Evolution clinico-radiologique habituellement favorable mais séquelles possibles.

Angiopathie cérébrale spastique aiguë du post-partum

Syndrome clinico-radiologique rare bien que classique. Le tableau clinique initial est généralement sévère (mimant parfois une hémorragie sous-arachnoïdienne : céphalées violentes, vomissements, crises épileptiques +- déficits focaux régressifs) mais d'évolution généralement bénigne. Facteurs de risque : administration d'ocytociques ou bromocriptine.

L'ARM révèle de multiples rétrécissements artériels intracérébraux (! parfois positive seulement après quelques jours) disparaissant à un contrôle après quelques semaines. Parfois on observe également des plages oedémateuses ou des infarctus cérébraux.

Il n'y a pas d'evidence quant à une prise en charge spécifique. Considérer un contrôle tensionnel similaire à celui d'une encéphalopathie hypertensive ou d'un accident vasculaire cérébral ischémique le cas échéant et l'administration de nimotop (6 x 60 mg/ jour PO) pour prévenir l'extension des vasospasmes. Les indications thérapeutiques endovasculaires afin de lever les vasospasmes ne sont pas déterminées.

Les angiopathies cérébrales spastiques ne sont pas spécifiques du post-partum (toxicomanes - ++ amphétamines et cocaïne, dérivés de l'ergot et antimigraineux, secondaire à une éclampsie, intoxication aux sympathicomimétiques,...).

Syndrome de Sheenan = Apoplexie de la tige pituitaire

Il correspond à une nécrose ischémique hypophysaire sur défaillance hémodynamique. Il n'est pas spécifique à la grossesse mais favorisé par une éventuelle hémorragie de la délivrance ainsi que l'augmentation du volume hypophysaire et de sa vascularisation lors de la grossesse. Clinique typique : pâleur, asthénie, absence de montée de lait +- céphalées et troubles visuels. Le diagnostic repose sur le CT-scanner ou l'IRM. La prise en charge est essentiellement supportive + gestion des troubles endocriniens.

Choriocarcinome

Un choriocarcinome est une tumeur trophoblastique concernant 1/ 40.000 grossesses → métastases cérébrales dans 1 cas sur 5. Possibles lésions des parois vasculaires entraînant une ischémie, parfois des mois avant la survenue du syndrome tumoral.

Arythmies

Bien qu'il y ait peu de données, il est communément admis que la grossesse puisse décompenser des arythmies cardiaque sous-jacente (++ fibrillation auriculaire), potentiellement sources d'accidents vasculaires cérébraux cardio-emboliques.

Embolies amniotiques

Embolies amniotiques survenant à l'occasion d'un avortement ou accouchement par voie basse. ++ femmes âgées, multipares, travail prolongé, déchirure vaginale ou cervicale.

Clinique classique : dyspnée brutale, cyanose, choc, convulsions sur hypoxie sévère +- déficits focaux. Rares lésions cérébrales sur embolie cérébrale paradoxale.

Prise en charge symptomatique à l'USI.

Cardiomyopathie du péri-partum

Représente < 1% des complications cardiaques de la grossesse. ≈ 1/ 3000 grossesses en occident. ++ durant le dernier mois de grossesse et post-partum.

Elle se présente typiquement par un tableau d'insuffisance cardiaque dilatée. Possible révélation par une embolie cérébrale. Fréquents emboles systémiques et pulmonaires. La mortalité est élevée et les récidives fréquentes au cours des grossesses ultérieures.

Traitement : prise en charge de l'insuffisance cardiaque. Anticoagulation systématique en cas de mise en évidence d'arythmies, de syncopes inexpliquées ou d'événements thrombo-emboliques. L'anticoagulation prophylactique est controversée, à discuter au cas par cas avec les cardiologues.

Thromboses veineuses cérébrales

Malgré l'insuffisance des données disponibles, il est communément admis une augmentation de la fréquence des thromboses veineuses cérébrales (TVC) en post-partum (débattu durant la grossesse). Pic de fréquence 10 à 20 jours post-partum. Faire néanmoins systématiquement un bilan de thrombophilie. NB : on rapporte également de rares toxémies gravidiques avec coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) compliquées de TVC.

Accidents vasculaires cérébraux hémorragiques

Malgré l'absence de données significatives, un risque globalement augmenté est communément admis.

Hémorragies intra-parenchymateuses

Causes favorisantes principales :

  • Eclampsie → hémorragies pétéchiales mutiples, ++ (sous)-corticales, ou plus rarement véritables hématomes. Pronostic sombre (mortalité marternelle ≈ 40% et fœtale ≈ 30%).
  • Métastase cérébrale d'un choriocarcinome
  • Facteurs favorisants pré-existants : Moya-Moya, hypertension artérielle chronique, vasculites, troubles de la coagulation, toxicomanie

Pas de risque particulier démontré de rupture de malformation artério-veineuse ou de cavernomes... les avis d'experts sur la question sont divergents.

Hémorragies sous-arachnoïdiennes

Pas de démonstration d'une incidence accrue... les avis d'experts sur la question sont divergents.

Bilan étiologique

Malgré les facteurs de risque propres à la grossesse, tout événement cérébro-vasculaire impose le même bilan étiologique que s'il survenait chez un patient jeune en dehors d'une grossesse. Cf les chapitres correspondants.

Concernant les examens complémentaires, éviter le CT-scanner et préférer l'IRM (éviter gadolinium si possible en pré-partum). Pas de contre-indication absolue à une angiographie pré-partale en limitant le nombre de scopies (mais possible dysthyroïdie fœtale transitoire à rechercher et traiter si nécessaire à la naissance) et en respectant les précautions d'usage. Pas de contre-indication à la réalisation d'une échographie trans-oesophagienne.

Le cas des femmes enceintes (ou désirant une grossesse) porteuses d'une malformation vasculaire intracrânienne asymptomatique

La découverte incidentelle d'une malformation vasculaire intracrânienne non rompue chez une femme enceinte ou désirant une grossesse est un fréquent motif d'inquiétude pour les patientes et les gynécologues.

Qu'il s'agisse de malformations artério-veineuses, d'anévrismes ou de fistules, il n'y a aucune evidence quant à un risque majoré de rupture durant la grossesse ni quant à une attitude particulière pour ces patientes. Elles sont à traiter (ou non) selon les considérations habituelles. On ne peut que se borner à recommander une surveillance clinique et tensionnelle plus étroite.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD