Pancréatite aiguë

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Une pancréatite aiguë est une inflammation aiguë du parenchyme pancréatique, dont ~ 15% des cas surviennent sur un fond de pancréatite chronique. Son incidence est ~ 10 cas/ 100.000 habitants /an, survenant principalement chez les 30-70 ans et à 60% chez les hommes.

Ses deux principales étiologies sont les lithiases biliaires (~ 50% des cas) et l'éthylisme (~ 20 à 30% des cas). Elle représente une des principales urgences abdominales dont la mortalité globale est de ~ 10%.

Eléments de physiopathologie

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Deux hypothèses quant aux mécanismes étiopathogéniques généraux existent :

  • Perturbation du fonctionnement des cellules acineuses → destruction → largage d’enzymes activées secondairement
  • Obstruction canalaire avec reflux de bile → augmentation de la pression intra-canalaire → effusion des enzymes à partir des canaux vers  l’espace interstitiel et activation secondaire

Diagnostic

Le diagnostic est établi en pratique clinique par l'association de douleurs abdominales aiguës et d'un taux sérique de lipase > 3 x normale.

  • Douleurs abdominales (jugulées par les anti-d+) sup-G transfixiante/ en coup de poignard/ épigastriques en barre/ diffuses +++,  V+ (50%), iléus, dyspnée, choc (10%), oligo/anurie, signe neuro, hypoV, dyspnée, hypoCa, coagulopathie,…
    • 10-15% des PA sont fulminantes
    • Notion d’alcoolisme ?
  • Lipase > 3 x N
    • Augmentation dans les 12h, retour à la N dans les 3-10j
    • L’amylase présente peu d’intérêt pour le diagnostic : trop peu sensible et surtout peu spécifique (parotidite, lithiase biliaire, lésions intestinales, insuffisance rénale,…). Intérêt cependant dans le bilan étiologique.
    • L’élévation des enzymes pancréatiques peut être moindre en cas d’insuffisance rénale ou de poussée aiguë sur fond de pancréatite chronique
  • L’imagerie : le CT-scan avec PCI tient un rôle diagnostique (en cas de doute) et, surtout, pronostique (classification de Balthazar, à > 48h du début des d+)
  • Trypsinogène-2 (test urinaire) :
    • Élévation précoce (12h), retour à la N dans les 3j
    • VPN 99% → utile pour exclure une PA !!!
  • L’élastase (selles) est le marqueur à l’élévation la plus précoce. Dosage peu dispo en routine.

Marqueurs de gravité

  • Evaluation clinique (complications : infection, fistule, pseudo-anévrysme, thrombose veineuse, ascite, pleurésie, défaillance multi-viscérale, pseudo-kystes, hémorragie, dénutrition) et anamnèse
  • Scores de facteurs de risque (mais valables pour un court délai – 48h – et complexes) :
    • Glasgow, Apache II,…
    • Score de Ranson (gravité d’une pancréatite aiguë, autre score : Imrie): 11 points ( < 3 : bénin ; 3-5 : modérée (mortalité de 10-20%) ; > 5 : sévère (mortalité ~50%)
      • Facteurs à l’entrée :
        • > 55 ans
        • GB > 16000/mm³
        • Glycémie > 2 g/L = 11 mmol/l
        • LDH > 350 UI/L
        • ASAT > 250 UI/L
      • Facteurs à 48h
        • Chute de l’Htc > 10%
        • Élévation de l’urée de > 1,8 mmol/L
        • Calcémie < 80 mg/L = 2 mmol/l
        • Pa02 < 60 mmHg
        • Déficit en base > 4 mmol/l
        • Rétention liquidienne estimée > 6L
  • La CRP est un marqueur peu spécifique mais très sensible, et, sans doute, le meilleur et le plus accessibles des marqueurs de sévérité d’une pancréatite aiguë. Bénin si < 15 (si norme = < 1) à 48h, sévère si > 120.
  • Un grade de Balthazar (CT+PCI) D ou E à J3 est corrélé à une mortalité accrue (10% sans infection abdo, 30% sinon… au lieu de 1%)
    • A : pancréas d'aspect N
    • B : hypertrophie pancréatique/ contours irréguliers
    • C : infiltration de la graisse péri-pancréatique, hypertrophie et hétérogénéité du pancréas
    • D : phlegmon/ collection unique = pancréatite exsudative
    • E : phlegmons/ collections multiples et/ ou gaz intra/péripancréatique          
  • Le TAP (peptide activateur de la trypsine) est un bon indicateur de gravité et peut être détecté précocement dans les urines mais est peu accessible en routine
  • IL 23/6/8 font toujours débat
  • Elastase
  • Défaillances viscérales : créat > 170, TAS < 90, Pa02 < 60, Glasgow < 13, Pq < 80.000/mm³

Bilan étiologique

Les étiologies alcooliques et biliaires représentent > 80% des causes de pancréatites aiguës. 10% sont "idiopathiques"… mais avant de conclure à cet aveu d’ignorance il faudra également exclure les causes obstructives, métaboliques, les dysfonctions du sphincter d’Oddi, iatrogènes, génétiques, traumatiques, auto-immunes ou infectieuses. Ne pas perdre de vue que « l’alcoolisme » est courant dans notre société… et que les pancréatites ayant une toute autre étiologie se déclarent souvent sur un terrain qualifié "d’alcoolique" → ne pas étiqueter trop vite les patients !

Le bilan étiologique de base comportera :

  • US vésicule, CT, IRM/CP +- EE
  • Dosage des transaminases à l’admission, de la CDT, du Ca++ et des triglycérides
  • Divers selon la clinique/ l’anamnèse

Etiologie alcoolique – 20-30% (en augmentation)

  • La CDT (Carboxy Deficient Transferinne) est le meilleur marqueur d’un alcoolisme ancien
  • VGM (très faible Se, bonne Sp), GGT (faible Se, médiocre Sp), des GOT > GPT plaident pour une origine alcoolique.
  • Test de sevrage…
  • Certains pensent qu’une pancréatite aiguë alcoolique ne peut survenir que sur un fond de pancréatite chronique alcoolique → suivre le patient, particulièrement en cas de récidives.

Etiologie biliaire – 50% (meilleur pronostic que les PA alcooliques)

  • L’élévation précoce (redescend à 48h) des GOT/GPT est un bon marqueur d’une étiologie lithiasique biliaire. Des GPT > GOT plaident pour une origine biliaire
  • Le score de Blamey donne un score variant de 0 à 5, correspondant à une probabilité de 0 à 100% d’une étiologie lithiasique
    • Âge > 50 ans
    • Sexe F (2 F pour 1 H)
    • PAL > 300 UI/L
    • ALAT (GPT) > 100 UI/L = 3xN = le critère majeur.
    • Amylasémie > 4000 UI/L
  • Pour démontrer une étiologie lithiasique :
    • L’écho-endoscopie reste l’examen de référence
    • L’IRM/ CT peut être utile bien que moins sensible
    • A défaut, une écho est à pratiquer dans les 24h (pour éviter d’être trompé par la formation de sludge) à répéter si elle est négative. On pratiquera une CPRE en urgence en cas de suspicion d’angiocholite. En cas d’écho négative, on pratiquera une écho-endoscopie à distance.

Etiologie auto-immune – 10%

+++ 30-40 ans.

Un bilan biologique pourra retrouver :

  • Une augmentation des gamma-globulines
  • Une augmentation des IgG4 (plus spécifique) mais faible VPP ( pas pour un screening, très bon par contre pour le suivi
  • La présence de divers auto-Ac (dans 24% des cas)
    • Ac antinucléaires,…
    • La présence d’auto-Ac anti anhydrase carbonique est fortement corrélée à la présence concomitante d’un syndrome de Sjögren

L’imagerie montre typiquement des canaux pancréatiques irréguliers avec de nombreuses sténoses et un pancréas augmenté de volume (forme cholestatique)… cependant, la forme est parfois pseudo-tumorale, auquel cas un DD ardu s’impose !

L’histologie peut s’avérer nécessaire.

Une fois ce diagnostic posé, il faudra rechercher la présence :

  • D’une autre pathologie auto-immune : Sjögren, RCUH, Crohn,…
  • D’un diabète (association dans près de 50%)

Le traitement repose sur les corticoïdes, voire si besoin sur les immunosuppresseurs.

Autres étiologies obstructives

  • Cancers et dysplasies pancréatiques sont à identifier absolument ! Une pancréatite aiguë en est souvent le premier signe et si l’étiologie est détectée précocement, un traitement curatif pour ces cancers généralement de très mauvais pronostic sera envisageable !
  • Tumeurs bénignes
  • Calcifications et lésions kystiques

Dans tous les cas, l’identification d’une telle masse nécessitera une biopsie… car même une lésion kystique ou calcifiée à l’imagerie peut révéler un néo à l’anapath !

Le CA 19-9 est un marqueur tumoral pancréatique d’une médiocre sensibilité (10% de la population sont incapables de le synthétiser, souvent négatif pour les petites tumeurs,…) et peu spécifique (autres pathologies pancréatiques, autres tumeurs, cirrhose, cholestase, lithiase, diabète,…) → aucune utilité diagnostique mais intérêt pour le suivi et le pronostic.

Causes métaboliques

  • hyperCa > 3 mmol/L
  • hypertriglycéridémie > 10-30 mmol/L
    • toxique en soi
    • peut être secondaire à une autre cause de pancréatite
  • alcoolisme
  • diabète décompensé
  • iatrogène (β-bloquants, anti-protéases,…)

Dysfonction du sphincter d'Oddi

Survient +++ en post-cholécystectomie. Cause de pancréatites aiguës récidivantes. Se manifeste par des douleurs biliaires/ pancréatiques + tests hépatiques perturbés + dilatation des voies biliaires. On peut utiliser la classification de Milwauke. Le diagnostic repose sur la manométrie/ la scintigraphie biliaire (2 examens pouvant causer… une pancréatite). Le traitement réside en une sphinctérotomie endoscopique.

Iatrogènes

De nombreux médicaments sont impliqués : azathioprime, G-MP, mezalaprine, anti-rétroviraux, valproate, salicylés, IEC, asparaginase, cimétidine, corticoïdes, danazole, ergotamine, oestrogènes, fuurosémide, mercaptopurine, méthyldopa, métronidazole, nitrofurantoïne, pentamidine, ranitidine, sulfasalazine, tétracyclines, thiazides,… Le diagnostic d’une pancréatite médicamenteuse est généralement difficile et passe malheureusement par le constat d’une amélioration après exclusion du médoc suspect et d’une récidive lors de sa réintroduction. La RXth, la CPRE et la nutrition parentérale sont également des étiologies occasionnelles.

Etiologies génétiques

  • Autosomales récessives :
    • CFTR (muco), SPINK 1, déficit en α-1-antitrypsine
      • ! pas d’histoire familiale, pas toujours de manifestations pulmonaires
  • Autosomales dominantes :
    • PRSS1 (doser le trypsinogène cationique)
      • ++ commence dans l’enfance

Etiologies traumatiques

Le contexte est généralement évocateur et implique le plus souvent des enfants.

Etiologies infectieuses

Salmonelles, campylobacter, légionelle, leptospirose, mycobactéries, mycoplasmes, brucellose, yersinia, ascaris,  microsporidies, coxsaclies, CMV, EBV, echoV, hépatites A/B/C/E, HIV, oreillons, rubéole, varicelle, entéroV, adénoV,… dans le doute on fera des sérologies.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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Tt des complics, corriger hypoglycémie/ troubles ioniques/…

Formes bénignes (= œdémateuses non nécrotiques, 70-80%)

  • Maintien à jeun
  • Réhydratation IV massive, ++ 3-4l de mixte G5-NaCl 0,45% (3ème espace)
  • Aspiration et sonde naso-gastrique si iléus paralytique ou V+ incoercibles
  • Anti-d+ : perfusalgan +- péthidine (dolantine) 50-100 mg IV toutes les 2-6h / 10 mg de morphine IV par litre de perf/…
    • Les morphiniques sont évités du fait d’un présumé effet sur le sphincter d’Oddi. Cependant, aucune étude n’a jamais démontré d’effet péjoratif sur l’évolution de la PA → à éviter si possible mais ne pas hésiter à y recourir en cas de d+ non contrôlables (++ recours direct à la morphine sans essai de dolantine)
  • Réalimentation progressive (sucres puis lipides et protéines) dans les 48h en l’absence de d+, max dans les 10 j
  • CPRE (avec papillotomie, "forage" et extraction du calcul) avec lithotripsie extra-corporelle si nécessaire dans les 24-(48)h en cas de pancréatite biliaire / envisager en urgence si angiocholite ou ictère obstructif

Formes nécrotico-hémorragiques (~20-30%)

Idem supra + :

  • USI +- sonde de Swan-Ganz
  • Majoration à 140% des besoins caloriques
  • Toujours maintenir la nutrition entérale (sonde sur site gastrique ou jéjunal) (maintien du flux digestif, minimisation du risque infectieux,…) si possible
  • ABth uniquement en cas d’infection documentée/ importantes co-morbidités/ signes de sepsis / nécrose > 30% au CT et CRP > 15
  • Envisager ABth prophylactique imipenem 4x500mg/j 7-10j si nécrose au CT à 3-5j avec dégradation clinique malgré un bon tt supportif
  • Drainer les coulées de nécrose à 4-6 sem de distance (laisser le temps à la nécrose de se liquéfier et de se collecter) ou rapidement en cas de persistance de d+ sévères/ renutrition orale impossible/ nécrose infectée. Débridement chir dans les cas extrêmes.

Evolution naturelle et complications

Une  PA peut se révéler :

  • Œdémateuse
    • Évolution vers une collection liquidienne aiguë (endéans le mois)
      • Résolution
      • Evolution vers un pseudokyste
        • Infecté
        • Stérile
  • Nécrosante
    • Evolution vers une collection liquidienne aiguë (endéans le mois
      • Résolution
        • Evolution vers un pseudo-kyste
          • Infecté
          • Stérile
    • Évolution vers une collection post-nécrotique (endéans le mois)
      • Évolution vers un pseudo-kyste
        • Infecté
        • Stérile
      • Evolution vers une nécrose organisée (nécrose entourée
        • Infectée
        • Stérile

Infections

PA avec nécrose → 30-50% d’infection de la nécrose, dont la moitié dans les 15j… mais parfois seulement dans les 2 mois… La symptomatologie est non Sp (la t° et l’hyperleuco peuvent être attribuées à un SIRS), mais on sera alerté par une t° > 38, Ht < 35%, base excess < 4 mmol/l, PaO2 < 60, PaCO2 < 30, Alb < 30 g/l, Pq > 450000/ mm³, une augmentation brutale du score de Ranson ou de la CRP, défaillance viscérale, DEG,… chez un patient présentant une nécrose significative au CT (qui peut également, rarement, présenter des signes tardifs telles que des bulles de gaz dans la nécrose). Le diag repose sur la ponction à l’aiguille fine de la collection sous guidage écho/CT → examen direct et cultures (y compris des mycoses en cas d’ABth préalable).

Complications locales digestives

  • Infarctus mésentériques/ coliques : exceptionnels mais redoutables (20% de gangrènes et perforations).
  • Complications vasculaires (HH sur pseudoanévrysme/ pseudokyste, HH digestives importantes)
  • Thromboses veineuses (mésentérique, porte,…).
  • Fistules pancréatiques (ascite, épanchement pleural) : 10%.
  • Nécroses sous-cutanées

Complications systémiques

SIRS (libération de médiateurs inflammatoires, rapide), sepsis (phase plus tardive), MOF, choc septique/ hypoV, ARDS et IR (80% de mortalité !),…

Complications fonctionnelles

Insuffisance endocrine (hyperglycémie hypo-insulinique) et exocrine variables.

Pseudo-kystes (liquide pancréatique entouré d'une paroi fibreuse, pas de nécrose)

Secondaires à la rupture du canal pancréatique, ils surviennent dans 10-25% des PA nécrosantes. S’ils sont symptomatiques (d+ abdo, amaigrissement, masse palpable) et ne régressent pas spontanément (++ si > 5 cm) : tt endoscopique à distance/  RXth/ chir. Complication : rupture de pseudo-kyste.

Divers

  • Un diabète (définitif) peut survenir
  • Une insuffisance exocrine est constante durant la crise mais se résout généralement. Pratiquer des explorations fonctionnelles si elles persistent
  • Rechercher des anomalies canalaires en cas de PA récidivante inexpliquée
  • Fistules → tt med/ endoscopique ou chir en cas d’échec.

Bref…

  • Un diagnostic de pancréatite aiguë doit être évoqué en première intention en cas de d+ abdominales avec lipases > 3xN
  • A l’admission : minimum = dosage de la lipase, des transaminases, du Ca++ et des triglycérides + réalisation d’une échographie
  • Un CT doit être réalisé à > 48h du début des d+ pour évaluer la sévérité ou immédiatement en cas de doute diagnostic/ de signes de complications
  • La CRP (> 15 mg/dl = modérée, > 120 = sévère) est le meilleur marqueur de gravité
  • Une étiologie biliaire doit être évoquée en cas d’ALAT (GPT) > 3xN
  • Une étiologie auto-immune doit être évoquée en cas d’IgG4 > 280 mg/dl
  • Comme antidouleurs, préférer le paracétamol / la morphine si nécessaire
  • Une CPRE doit être réalisée dans les 24-48h en cas d’étiologie biliaire.
  • En dehors d’une infection documentée, une ABth ne se justifie pas. On peut cependant en discuter en cas de PA nécrotique avec  dégradation clinique malgré un tt bien conduit.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD