Neurosyphilis

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Syphilis (cf infectio – syphilis) = maladie < infestation par treponema pallidum (spirochète). Transmission sexuelle ++ (contact avec les lésions cutanées/ muqueuses, rarement transpacentaire, exceptionnellement transfusionnelle). La dissémination du tréponème est fréquente au stade primaire (tréponème mis en évidence chez 25% des patients) mais il peut être éliminé avant de devenir symptomatique ou au stade de méningite. Le stade primaire (2-5 / 100.000 hab/ an… mais incidence de 1-2% chez les prisonniers et ≈ 6% chez les héroïnomanes) est généralement exempt de manifestations neuro, des méningites généralement bénignes ne sont pas rares au stade secondaire, les atteintes les plus sévères sont l'apanage de la phase tertiaire → devenue exceptionnelle malgré la recrudescence des syphilis primaires (ne survient pas si ABth efficace au stade primaire, à l'exception des immunodépriméstoute manifestation neurologique chez un immunodéprimé - ++ HIV - doit faire suspecter une syphilis). Clinique pléiomorphe (→ toute atteinte neurologique évolutive inexpliquée doit faire évoquer une neurosyphilis).

Anamnèse et signes extra-neurologiques permettant d'évoquer le diagnostic

  • Recherche de pratiques à risque, d'atcdts de MST / d'ABth
  • Recherche de signes précoces d'infection : chancre syphilitique (survient 2-3sem après contact, dure 6-8 sem, érosion unique et indolore 1-2cm, ++ organes génitaux externe, sérosités claires, adp périphériques indolores, cicatrisation spontanée)
  • Recherche de signes extra-neuro de syphilis secondaire = dissémination bactérienne de 6 sem post chancre à 2 ans, asymptomatique / atteintes cutanéo-muqueuses (roséole syphilitique épargnant le visage de régression spontanée en 2-4 sem → résolution en 2-4 sem → syphilis papuleuse polymorphe 1-6mois, alopécie réversible) / DEG/ hépato-splénomégalie avec cytolyse hépatique / syndrome néphrotique / arthro-myalgies / arthrites / ostéites / uvéite.
  • Recherche de signes extra-neuro de syphilis tertiaire : gommes cutanées (multiples nodules indolores svt ulcérés) / osseuses /vasculaires (! Anévrismes aortiques, insuffisances valvulaires)

Atteintes neurologiques

Description schématique, ces atteintes classiques pouvant se rencontrer au cours de tous les stades de la maladie.  En outre, de très nombreux tableaux cliniques (troubles psychiatriques, démences, AVC, neuropathies optiques, myélopathies, crises E, atteintes du tronc cérébral, atteintes des nerfs crâniens, encéphalopathies,...) et modes évolutifs (++ sub-aigus à chronique, mais description de formes fulminantes graves mimant des encéphalités herpétiques) ont été décrits → Toute atteinte neurologique évolutive inexpliquée doit de règle faire réaliser une sérologie syphilitique.

Les symptômes les plus fréquemment rapportés sont : troubles psychiatriques / du comportement / cognitifs, ataxie, déficits focaux d'installation brutale (AVC) >> troubles visuels, troubles sphinctériens >> vertiges, céphalées, crises E,...

Les signes les plus fréquemment retrouvés sont : hyporéflexie (≈ 50% !) >> troubles proprioceptifs et ataxie sensorielle, anomalies pupillaires (≈ 40-50%) >> atteintes des nerfs crâniens (≈ 30-40%) >> atrophie optique (≈ 5-10%),...

Neurosyphilis asymptomatique

Une dissémination asymptomatique du tréponème dans le LCR peut survenir de qq sem à qq années post-contamination. De signification clinique incertaine, il est recommandé de la traiter commune une neurosyphilis symptomatique lorsqu'elle est découverte. Dépistage recommandé chez les patients atteints de syphilis et immunodéprimés (++ HIV).

Au cours de la syphilis secondaire

Se développe en l'absence de tt 6 semaines après le contage → dissémination sanguine / lymphatique → syndrome cutanéo-muqueux caractéristique + syndrome pseudo-grippal. Une méningite asymptomatique (pléiocytose  et sérologie + dans LCR) est fréquente.

Méningite syphilitique

Rare, survient ++ de qq mois à 2 ans après le chancre.

= syndrome méningé +- déficits focaux dans un contexte de fièvre modérée au long cours. Dans ≈ 15% : syndrome confusionnel / bradypsychie, dans ≈ 17% : crises E. Un œdème papillaire est fréquent mais les aN pupillaires (++ signe d'Argyll-Robertson) n'apparaissent généralement que très tardivement. L'atteinte des paires crâniennes est très fqte (≈45%) → DD = autres méningites de la base (Tbc !) et syndrome de Cogan. Evolution parfois aiguë mimant clinico-radiologiquement une encéphalite herpétique.

Le LCR est exceptionnellement N, la sérologie dans le LCR est tjr +.

Elle peut se compliquer d'une pachyméningite ou d'une hydrocéphalie chronique. Evolution généralement favorable sous ABth.

Au cours de la syphilis tertiaire

!! toute suspicion de syphilis tertiaire doit également faire rechercher les potentielles atteintes viscérales - ++ cardiaques, ophtalmo et articulaires (! Svt responsables de troubles de la marche +- troubles trophiques !) !!

Méningo-vascularite

Survient ++ 4-7 ans après début d'une syphilis non traitée (exceptionnellement au cours de la phase secondaire). Très rare chez l'immuno-compétent. Lésion initiale = endartérite à C géantes des vasa vasorum avec nécrose segmentaire de la média, prédominance territoire ACM. Se manifeste généralement par des prodromes (céphalées, asthénie, insomnies, troubles du comprotement) durant qq sem/ mois suivis d'occlusions vasculaires, rarement par la formation d'anévrismes fusiformes causant des HSA. A évoquer systématiquement en cas d'AVC chez un  HIV + / d'AVC touchant plusieurs territoires vasculaires / AVC < 50 ans sans FR ni autre étiologie retrouvée. En dehors de l'atteinte ischémique, atteinte fréquente des paires crâniennes (méningite de la base) et du parenchyme cérébral (++ gommes).

Autres types de présentation = syndrome cervical médian (→ déficit sensitivo-moteur épargnant la face), troubles de la conscience, état de mal E, paralysie isolée du XII,…

Angio-IRM → ++ lésions ischémiques non spécifiques / image de pachy-méningite / aspect de vasculite. L'angiographie peut montrer une image de vasculite du SNC. PL = essentielle → lymphocytose, sérologie toujours +.

Tabès

Les formes symptomatiques (évolution chronique de myélo (atteinte des cordons postérieurs)-radiculonévrites caractérisées par une ataxie proprioceptive et une aréflexie +- dysautonomies, neuropathies très douloureuses, troubles sphinctériens, troubles trophiques +- déficits moteurs tardifs) sont devenues exceptionnelles. Des formes infra-clinique peuvent cependant encore se rencontrer (anesthésie vibratoire et aréflexie, signe d'Argyll-Robertson).

Paralysie générale

Survient ++ 10-20 ans après l'infection primaire. Se caractérise par une perte neuronale + gliose diffuse et progressive + inflammation péri-vasculaire, se traduisant par une atrophie cortico-sous-corticale, prédominance fréquente en fronto-temporal, possible co-existence avec la méningo-vascularite syphilitique.

Clinique initiale : troubles mnésiques isolés modérés, lentement progressifs, troubles du comportement, troubles frontaux +- hyper-réflexie et signe d'Argyll-Robertson → évolue après 3-4 ans vers une phase d'état avec dysarthrie / tremblements de la langue, de la tête et des mains / troubles cognitifs majeurs / +- syndrome pyramidal. Révélation inhabituelle par des épisodes confusionnels / délirants.

L'IRM montrera une atrophie cortico-sous-corticale à prédominance fronto-temporale +- hypersignaux T2 en sous-cortical frontal. A la phase d'état le LCR montrera toujours une sérologie + et inconstament une hyperprotéinorachie / hypergammaglobulinémie / pléiocytose lymphocytaire discrète à modérée.

Evolution spontanée vers un état grabataire. Amélioration modérée des troubles cognitifs après traitement.

Myélopathie syphilitique

Possibles lésions de méningo-vasculites → myélite d'Erb, syndrome médullaire cervical médian,…

L'atteinte isolée / prédominante du motoneurone inf se rencontre rarement → amyotrophie progressive avec parésie, fasciculations, Sd tétrapyramidal. Extension bulbaire possible. Evolution favorable sous pen.

Gommes syphilitiques

= granulomes inflammatoires à centre nécrotique = hypersensibilité différée au tréponème ? Peuvent toucher tous les organes. Dans le SNC, elles se manifestent essentiellement par la survenue d'une HTIC. Prennent fortement le PC au CT/ IRM. Disparition après tt pen.

Divers

En dehors de ces grands tableaux cliniques classiques, de nombreuses présentations sont possibles : atteintes de la rétine et du nerf optique (gestion conjointe avec un ophtalmo), crises E, tableau hyper-aigu mimant une encéphalite herpétique ou sub-aigu mimant une encéphalite limbique, évolution insidieuse de signes peu spécifiques (tremblement, ataxie, troubles du langage,...) généralement considérés comme des formes frustres de paralysie générale et/ ou de syphilis méningo-vasculaire.

Réactivations syphilitiques

Sur nouvelle contamination (pas d'immunité conférée par primo-infection) chez un patient ayant atteint la phase tertiaire → association des atteintes classiques des phases secondaire (++ cutanéo-muqueuses) et tertiaire.

Neurosyphilis congénitale

Risque de transmission foeto-maternale = 75-95% si syphilis primaire non traitée (30% si infection de > 2 ans). Le tt de la mère avant la 16ème SAG prévient la foetopathie. ≈ 2 syphilis congénitales / 100 femmes parturientes au stade primaire / secondaire → 60% asymptomatiques, 40% : manifestations cutanéo-muqueuses vers 2 ans, manifestations tertiaires entre 5 et 25 ans.

Examens complémentaires

Pour le diagnostic positif

  • Examen direct sang / LCR : visualisation tréponème (faible Sp < tréponèmes saprophytes), IF est plus Se et Sp
  • Sérologies sanguines :
      • VDRL + / TPHA + :
      • Présence d'IgM et Nelson négatif → syphilis précoce ++
      • Absence d'IgM et Nelson positif → syphilis tardive ++ / cicatrice sérologique dans les mois suivant le tt /  réinfection
    • VDRL - / TPHA + : cicatrice sérologique / (infection très précoce) → rechercher IgM ou répéter séros
  • Examens du LCR :
    • ! des aN du LCR sont fréquentes en cas de syphilis même en l'absence de signe clinique → à ne pas réaliser systématiquement mais en cas de syphilis + clinique neurologique / ophtalmologique / otique ou patient immuno-déprimé (++ HIV +)
    • Se faible (30-70%) du VDRL mais très Sp (également témoin de la réponse thérapeutique pour suivi). TPHA plus sensible mais reste positif après tt (→ pas pour diag de réinfections). Elévation inconstante des Ig !
    • Critères biologiques d'une neurosyphilis (IUSTI 2008) :
      • TPHA + dans LCR et
        • VDRL + dans LCR ou > 5 mononucléaires /cc
        • Index TPHA > 70 (= TPHA LCR x albumine sérique / albumine LCR)
  • Examens radiologiques :
    • Peu d'utilité pour le diag positif en cas d'examen concluant du LCR, la plupart des aN étant aSp → principales utilités = diag différentiel, suivi et recherche d'arguments positifs en cas d'examen du LCR non concluant.
    • IRM cérébrale (+ gado) :
      • Lésions hyper T2 (diffus / prédominant en sous-cortical / temporal), atrophie CSC prédominant en frontal, hypodensités des noyaux de la base
      • AVC ischémiques anciens / récents / aigus
      • Gommes syphilitiques : masses hyper T2 prenant le contraste (DD : métas, gliomes, granulomes, abcès, infections fongiques)
    • Examens angiographiques (angio-CT / angio-IRM / angio conventionnelle) : arguments pour vasculite (tous les calibres peuvent être touchés) ? (DD principal chez les vieux : sténoses multiples athéromateuses)
    • IRM médullaire : en cas de Tabès, on peut retrouver un tableau similaire à celui de la sclérose combinée de la moelle (atrophie et/ou hypersignaux T2 prédominant dans les cordons post)
    • SPECT : peut aider à démontrer le caractère inflammatoire actif des lésions / aider pour le suivi
  • Examens électrophysiologiques
    • Aspécifiques, peu d'utilité pour le diag positif.
    • Potentiels évoqués somesthésiques : possibles altérations
    • VCN et EMG : possibles altération des VCN sensitives
    • EEG : utile en cas de suspicion de crise E, peut montrer un foyer épileptogène

! La présence des critères IUSTI permet de poser le diagnostic de neurosyphilis... mais leur absence ne permet pas de le récuser ! Si les critères ne sont pas remplis, la probabilité du diagnostic et l'opportunité d'administrer un traitement d'épreuve devra être évaluée sur base d'un faisceau d'arguments biologiques, cliniques (signes neurologiques inexpliqués et/ ou présence d'atteintes syphilitiques ophtalmo / cardio / articulaires) et radiologiques.

Examens complémentaires et diagnostic différentiel

Le DD est large et dépend de la présentation clinique. De façon générale, le DD d'une paralysie générale est celui d'un syndrome démentiel, celui d'un Tabès une carence en vitamine B12 et une hypocuprémie, celui des gommes syphilitiques les pathologies granulomateuses / tumorales / infectieuses, celui d'une méningo-vascularite le DD des AVC ischémiques et vasculites du SNC.

A la recherche d'atteintes extra-neurologiques et de pathologies associées

En cas de diag affirmé de neurosyphilis : recherche systématique d'atteintes ophtalmo (FO d'oeil +- IRM centrée sur l'orbite) et cardio-vasculaires (avis cardio + PET-scan +- angio-CT à la recherche d'une aortite syphilitique). Recherche systématique de MST associées (HIV, HBC, HCV).

Traitement

Toute neurosyphilis, même asymptomatique, doit être traitée.

L'évolution sous tt précoce est habituellement favorable : pen G IV 6 x 4 millions d'U /j durant 14j. Si CI → doxycycline 200 mg/j ou tétracycline 2g/j durant 4 semaines. ! si patient HIV + → prolonger le tt de 3 semaines. Après un tt efficace, les titres VDRL dans le sang et LCR doivent être diminuées d'au moins 4x à 6. Contrôle du LCR tous les 6 mois jusqu'à normalisation à 2 ans.

! Sd de Jarisch = fièvre, myalgies, céphalées, tachycardie, hypoTA, aggravation des lésions neuros… survient sous tt dans 25% des syphilis tertiaires, 90% des secondaires et 50% des primaires. Traitement par AINS (medrol SN). Administration prophylactique (IUSTI 2008 : medrol 20-60mg/j 3j, débuter l'ABth 24h après le début de la corticoth) recommandée en cas d'atteinte cardiaque / neurologique et névrite optique.

NB : MST très contagieuse → dépistage systématique de tous les partenaires !