Myocardites (sub)-aiguës

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Une myocardite (sub)-aiguë est ici définie comme une inflammation myocardique s'installant sur quelques heures à quelques jours et s'accompagnant d'une dysfonction ventriculaire, les phénomènes inflammatoires secondaires à des pathologies coronariennes étant exclus de notre propos. Bien que généralement virales, les étiologies des myocardites sont très nombreuses et leur expression clinique variable. Elles sont réputées rares bien que leur incidence soit difficile à évaluer du fait de l'absence de consensus quant à des critères diagnostiques (tout comme pour les péricardites, nombre de myocardites virales non ou peu symptomatiques sont probablement ignorées). Les séries autopsiques réalisées chez des patients décédés d'une insuffisance cardiaque aiguë inexpliquée concluent à une myocardite dans 4 à 10% des cas.

Elles peuvent survenir à tout âge avec un pic entre 30 et 50 ans, l'immunodépression est un facteur favorisant et on note une légère prédominance féminine.

Etiologies

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  • Infections du myocarde
    • Virus ++ (myocardites lymphocytaires) - cause de la majorité des cas (jusqu'à > 80% ?)
      • Cytomégalovirus (++ immunodéprimés), HIV (controversé : effet direct du virus ? Des antirétroviraux ? De toxicomanies ? De la dénutrition? Des infections opportunistes ? Mécanisme dysimmunitaire ?), adénovirus, hépatites A, B et C, herpès simplex, VZV, EBV, Coxsackies, poliovirus, échovirus, rougeole, oreillons, RSV, rage, orthopoxvirus, influenza, para-influenza, virus amaril (fièvre jaune), arbovirus groupe B (Dengue)
    • Bactéries
      • Diphtérie, maladie de Lyme, tuberculose, syphilis, maladie de Whipple, salmonelles, brucellose, chlamydia, streptocoques, staphylocoques, pneumocoques, méningocoques, gonocoques, cholera, clostridium perfringens, légionella pneumophilia, ricksetties, mycoplasme, borrelia burgdorferi
    • Champignons (++ immunodéprimés)
      • Candida albicans, cryptocoques, antinomycètes, aspergillus,…
    • Parasites
      • Toxoplasmose, trypanosomiases, plasmodium falciparum, échinocoque, bilharziose, trichinose, toxocara canis et catis
  • Toxiques et hypersensibilité (myocardites à éosinophiles)
    • Alcool, anthracyclines, amphets, arsenicaux, catécholamines, cyclophosphamide, émétine, interféron α, interleukine 2, lithium, venins, hypersensibilité à un médicament (amphotéricine B, ampicilline, chloraphénicol, minocydine, pénicilline, sulfadiazine, tétracycline, phénindione, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, indométacine, phénylbutazone, isoniazide, acétazolamide, chlortalidone, hydrochlorothiazide, dobutamine, clozapine, sérum antitétanique, méthyldopa, amitryptiline, éphédrine,…)
    • Le classement de ces cardiomyopathies dans les myocardites est discutable, un processus inflammatoire n'étant parfois que discret voir absent...
  • Dys-immunitaires
    • On estime que 5% des viroses entraînent indirectement une atteinte myocardique par mécanisme auto-immun
    • Maladies de système : polyarthrite rhumatoïde, myasthénie, Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique, thyroïdite d'Hashimoto, sarcoïdose, vasculites, syndrome des anti-phospholipides, SHARP syndrome, lupus érythémateux disséminé,...
    • Rejet de greffe cardiaque

Clinique et errances diagnostiques...

La présentation clinique est variable :

  • Asymptomatique ou pauci-symptomatique...
    • Fréquence difficile à estimer par définition. Cependant, il n'est pas exceptionnel de porter un diagnostic rétrospectif de myocardite suite à la mise au point d'une cardiomyopathie dilatée d'allure primitive (pouvant se déclarer plusieurs mois après la myocardite)
  • Etat (sub)-fébrile, myalgies diffuses, palpitations, fatigue, douleurs précordiales atypiques, dyspnée à l'effort,...
  • Rarement : insuffisance cardiaque fulminante avec douleurs thoraciques ou dyspnée aiguë mimant un syndrome coronarien aigu (++ en cas de péricardite associée), une cardiomyopathie de stress, une embolie pulmonaire ou une arythmie, jusqu'au choc cardiogénique. Rare, pouvant survenir jusqu'à quelques semaines après une virose → bien que cette présentation soit rare, il faut toujours évoquer une myocardite (et, à fortiori, une endocardite) devant une insuffisance cardiaque aiguë fébrile chez un adulte jeune. La notion d'une virose récente est évocatrice.
  • Rarement, une myocardite peut se révéler par une embolie artérielle (ischémie aiguë de membre, accident vasculaire cérébral, infarctus rénaux,...). Le diagnostic est alors très difficile, la démarche s'arrêtant généralement à la mise en évidence et la prise en charge de l'accident embolique.
  • Exceptionnel : mort subite (++ par fibrillation ventriculaire)

On peut parfois retrouver à l'examen clinique : tachycardie, galop proto-diastolique, souffle d'insuffisance mitrale fonctionnelle, frottement péricardique, crépitants pulmonaires bibasaux, signes d'insuffisance cardiaque congestive périphérique (oedèmes des membres inférieurs, turgescence jugulaire, hépatomégalie sensible, ascite), signes de choc.

L'évolution se fait généralement vers la résolution endéans 1 à 3 mois. Possible évolution vers une inflammation chronique et développement d'une cardiomyopathie dilatée. C'est généralement à ce stade qu'est fait à posteriori le diag de myocardite.

Examens complémentaires

Examens systématiques :

  • Biologie : discrète mais fréquente élévation des CK et troponines durant quelques jours, syndrome inflammatoire habituellement discret à modéré, sérologies virales et auto-anticorps. Hémocultures à réaliser systématiquement et de manière répétée.
  • Radiographie thoracique : éventuels signes de décompensation cardiaque (oedème pulmonaire, épanchements pleuraux, index cardio-thoracique majoré)
  • Electro-cardiogramme : tachycardie, extrasystoles, altérations diffuses du segment ST et de T, rares troubles du rythme ou de la conduction, rares ondes Q
  • Echographie cardiaque : dysfonctions ventriculaires, hypokinésie généralement diffuse (parfois segmentaire comme dans une cardiopathie ischémique), péricardite éventuellement associée

Examens non systématiques (doute quant à une étiologie nécessitant un traitement spécifique ou avec un autre type de cardiomyopathie) :

  • Biopsie myocardique : reste l'examen de référence pour le diagnostic positif et étiologique... mais il est invasif et de faible sensibilité (50% des biopsies sont normales, l'inflammation étant généralement focale). Elle n'est que rarement pratiquée.
  • IRM cardiaque : intensité anormale en T2. La place de cet examen est encore mal définie
  • Scintigraphie myocardique : examen irradiant non indiquée en routine

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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Selon la sévérité clinique, l'échographie cardiaque et l'étiologie présumée, on discutera :

  • Traitement symptomatique d'une insuffisance cardiaque congestive systolique : IEC + diurétiques +- digoxine (prudence car les arythmies ventriculaires ne sont pas exceptionnelles). Prise en charge d'un état de choc le cas échéant. Pas de β-bloquants en aigu mais après 1 mois.
  • Anticoagulation à discuter si : ventricule gauche très dilaté, fraction d'éjection ventriculaire < 30%, épisodes de fibrillation auriculaire ou thrombose intra-cavitaire
  • Repos strict au lit quelques jours en cas de myocardite aiguë, éviction du sport avant normalisation de la fonction ventriculaire
  • Anti-infectieux selon les résultats biologiques
  • L'utilisation d'immuno-dépresseurs (prednisone +- cyclosporine ou azathioprine) est toujours en débat hors quelques indications bien établies (ex : rejet de greffe cardiaque).

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD