Myocardites (sub)-aiguës

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Une myocardite (sub)-aiguë est ici définie comme une inflammation myocardique s'installant sur quelques heures à quelques jours et s'accompagnant d'une dysfonction ventriculaire, les phénomènes inflammatoires secondaires à des pathologies coronariennes étant exclus de notre propos. Bien que généralement virales, les étiologies des myocardites sont très nombreuses et leur expression clinique variable. Elles sont réputées rares bien que leur incidence soit difficile à évaluer du fait de l'absence de consensus quant à des critères diagnostiques (tout comme pour les péricardites, nombre de myocardites virales non ou peu symptomatiques sont probablement ignorées).

Etiologies

  • Infections du myocarde
    • Virus ++ (myocardites lymphocytaires) - cause de la majorité des cas (jusqu'à > 80% ?)
      • Cytomégalovirus (++ immunodéprimés), HIV (controversé : effet direct du virus ? Des antirétroviraux ? De toxicomanies ? De la dénutrition? Des infections opportunistes ? Mécanisme dysimmunitaire ?), adénovirus, hépatites A, B et C, herpès simplex, VZV, EBV, Coxsackies, poliovirus, échovirus, rougeole, oreillons, RSV, rage, orthopoxvirus, influenza, para-influenza, virus amaril (fièvre jaune), arbovirus groupe B (Dengue)
    • Bactéries
      • Diphtérie, maladie de Lyme, tuberculose, syphilis, maladie de Whipple, salmonelles, brucellose, chlamydia, streptocoques, staphylocoques, pneumocoques, méningocoques, gonocoques, cholera, clostridium perfringens, légionella pneumophilia, ricksetties, mycoplasme, borrelia burgdorferi
    • Champignons (++ immunodéprimés)
      • Candida albicans, cryptocoques, antinomycètes, aspergillus,…
    • Parasites
      • Toxoplasmose, trypanosomiases, plasmodium falciparum, échinocoque, bilharziose, trichinose, toxocara canis et catis
  • Toxiques (myocardites à éosinophiles)
    • Alcool, anthracyclines, amphets, arsenicaux, catécholamines, cyclophosphamide, émétine, interféron α, interleukine 2, lithium, venins, hypersensibilité à un médicament (amphotéricine B, ampicilline, chloraphénicol, minocydine, pénicilline, sulfadiazine, tétracycline, phénindione, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, indométacine, phénylbutazone, isoniazide, acétazolamide, chlortalidone, hydrochlorothiazide, dobutamine, clozapine, sérum antitétanique, méthyldopa, amitryptiline, éphédrine,…)
  • Allergiques
  • Dys-immunitaires
    • On estime que 5% des viroses entraînent indirectement une atteinte myocardique par mécanisme auto-immun
    • Maladies de système : polyarthrite rhumatoïde, myasthénie, Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique, thyroïdite d'Hashimoto, sarcoïdose, vasculites, syndrome des anti-phospholipides, SHARP syndrome, lupus érythémateux disséminé,...
    • Rejet de greffe cardiaque

Clinique

La présentation clinique est variable :

  • Asymptomatique
  • Etat (sub)-fébrile, myalgies diffuses, palpitations, fatigue, douleurs précordiales atypiques, dyspnée à l'effort,...
  • Insuffisance cardiaque fulminante avec douleurs thoraciques mimant un syndrome coronarien aigu (++ en cas de péricardite associée), une cardiomyopathie de stress ou une arythmie, jusqu'au choc cardiogénique. Rare, pouvant survenir jusqu'à quelques semaines après une virose → toujours évoquer une myocardite devant une insuffisance cardiaque aiguë fébrile. La notion d'une virose récente est évocatrice.

On peut parfois retrouver à l'examen clinique : tachycardie, galop proto-diastolique, souffle d'insuffisance mitrale fonctionnelle, frottement péricardique, crépitants pulmonaires bibasaux, signes d'insuffisance cardiaque congestive périphérique (oedèmes des membres inférieurs, turgescence jugulaire, hépatomégalie sensible, ascite), signes de choc.

L'évolution se fait généralement vers la résolution endéans 1 à 3 mois. Possible évolution vers une inflammation chronique et développement d'une cardiomyopathie dilatée. C'est généralement à ce stade qu'est fait à posteriori le diag de myocardite.

Examens complémentaires

Examens systématiques :

  • Biologie : discrète mais fréquente élévation des CK et troponines durant quelques jours, syndrome inflammatoire, sérologies virales et auto-anticorps
  • Radiographie thoracique : éventuels signes de décompensation cardiaque (oedème pulmonaire, épanchements pleuraux)
  • Electro-cardiogramme : tachycardie, extrasystoles, altérations diffuses du segment ST et de T, rares arythmies
  • Echographie cardiaque : dysfonction ventriculaire, hypokinésie généralement diffuse (parfois segmentaire comme dans une cardiopathie ischémique), péricardite éventuellement associée

Examens non systématiques (doute quant à une étiologie nécessitant un traitement spécifique ou avec un autre type de cardiomyopathie) :

  • Biopsie myocardique : reste l'examen de référence mais invasif et de faible sensibilité (50% des biopsies sont normales, l'inflammation étant généralement focale). Elle n'est plus que rarement pratiquée.
  • IRM cardiaque : intensité anormale en T2
  • Scintigraphie myocardique : non indiquée en routine

Traitements et prise en charge

Selon la sévérité clinique, l'échographie cardiaque et l'étiologie présumée, on discutera :

  • Traitement symptomatique d'une insuffisance cardiaque congestive systolique : IEC + diurétiques +- digoxine (prudence car les arythmies ventriculaires ne sont pas exceptionnelles). Prise en charge d'un état de choc le cas échéant. Pas de β-bloquants en aigu mais après 1 mois.
  • Anticoagulation à discuter si : ventricule gauche très dilaté, fraction d'éjection ventriculaire < 30%, épisodes de fibrillation auriculaire ou thrombose intra-cavitaire
  • Repos strict au lit quelques jours en cas de myocardite aiguë, éviction du sport avant normalisation de la fonction ventriculaire
  • Anti-infectieux selon les résultats biologiques
  • L'utilisaiton d'immuno-dépresseurs (prednisone +- cyclosporine ou azathioprine) est toujours en débat. Pas d'EBM quant aux indications

Auteur : Shanan Khairi, MD