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<p style="text-align: justify">Le <b>Crohn</b> ou <b>maladie de Crohn</b> est une maladie inflammatoire chronique idiopathique du tube digestif. Elle se caractérise par des atteintes segmentaires transmurales, la présence de granulomes et de fibrose et de fréquentes atteintes ano-périnéales et extra-digestives. Ces lésions résultent d’une réponse immune anormale envers la flore intestinale (rupture de tolérance qui serait favorisée par des&nbsp; facteurs environnementaux et génétiques [des mutations du gène CARD 15 sur locus IBD-1 présentes chez 3 à 15% des malades]).</p><p style="text-align: justify">Il s'agit d'une maladie rare (incidence de ~ 3 à 10/ 100.000 habitants/ an), touchant préférentiellement les sujets blancs d'Europe et d'Amérique du Nord. Son pic de déclaration clinique se situe entre 20 et 30 ans et il existe une légère prédominance féminine. Ses facteurs de risque sont le tabagisme (déclaration et rechutes, y compris tabagisme passif) et les antécédents familiaux.</p>
<p style="text-align: left">Le <b>Crohn</b> ou <b>maladie de Crohn</b> est une maladie inflammatoire chronique idiopathique du tube digestif. Elle se caractérise par des atteintes segmentaires transmurales, la présence de granulomes et de fibrose et de fréquentes atteintes anopérinéales et extra-digestives. Ces lésions résultent d’une réponse immune anormale envers la flore intestinale (rupture de tolérance qui serait favorisée par des&nbsp; facteurs environnementaux et génétiques [des mutations du gène CARD 15 sur locus IBD-1 présentes chez 3 à 15% des malades]).</p><p style="text-align: left">Il s'agit d'une maladie rare (incidence d'environ 3 à 10/ 100.000 habitants/ an), touchant préférentiellement les sujets blancs d'Europe et d'Amérique du Nord. Son pic de déclaration clinique se situe entre 20 et 30 ans et il existe une légère prédominance féminine. Ses facteurs de risque sont le tabagisme (déclaration et rechutes, y compris tabagisme passif) et les antécédents familiaux.</p>
== Eléments de physiopathogénie et facteurs de risque ==
 
=== Eléments de physiopathogénie ===
== Facteurs de risque ==
{{Modèle:Pub}}<p style="text-align: justify">xxxx.</p>
<p style="text-align: left">Les seuls facteurs de risque démontrés du Crohn sont le tabagisme (risque relatif multiplié jusque par deux) et les antécédents familiaux de Crohn. D'autres facteurs de risque (régime alimentaire, hygiène, antécédents d'infections, contraception,...) ont été évoqués mais leur rôle n'a jamais pu être démontré.</p>
=== Facteurs de risque ===
==Clinique ==
<p style="text-align: justify">Les seuls facteurs de risque démontrés du Crohn sont le tabagisme (risque relatif multiplié jusque par deux) et les antécédents familiaux de Crohn. D'autres facteurs de risque (régime alimentaire, hygiène, antécédents d'infections, contraception,...) ont été évoqués mais leur rôle n'a jamais pu être démontré.</p>
<p style="text-align: left">La maladie de Crohn évolue par poussées d’intensité variable entrecoupées de rémissions plus ou moins complètes et prolongées.</p>
== Clinique ==
<p style="text-align: left">La clinique, dominée par la diarrhée et les douleurs abdominales, dépend essentiellement du siège et de la nature (inflammation pariétale, sténoses, abcès, perforations) des lésions. Zones du tube digestif atteintes&nbsp;: iléon + colon (40%) - iléon (30%) - colon +- anopérinéal (30%).</p>
<p style="text-align: justify">La maladie de Crohn évolue par poussées d’intensité variable entrecoupées de rémissions plus ou moins complètes et prolongées. La clinique, dominée par la diarrhée et les douleurs abdominales, dépend essentiellement du siège et de la nature (inflammation pariétale, sténoses, abcès, perforations) des lésions. Zones du tube digestif atteintes&nbsp;: iléon + colon (40%) - iléon (30%) - colon +- anopérinéal (30%). Les manifestations extra-digestives sont fréquentes.</p>
<p style="text-align: left">Les manifestations extra-digestives sont fréquentes. Elles prédominent fréquemment sur les manifestations digestives dans les cas pédiatriques.</p>
=== Inflammation pariétale ===
===Inflammation pariétale===


*Diarrhée de caractéristiques variables (motrice, glairo-sanglante, syndrome rectal)
*Diarrhée de caractéristiques variables (motrice, glairo-sanglante, syndrome rectal)
*HH digestives basses
*Hémorragies digestives basses - plus rares que dans la RCUH
*Hémorragies massives&nbsp;: rares mais graves et récidivantes
**Hémorragies massives&nbsp;: rares mais graves et récidivantes
*Masse abdominale palpable sous forme de «&nbsp;boudin&nbsp;» sensible en FID
*Masse abdominale palpable sous forme de "boudin" sensible en fosse iliaque droite


=== Sténoses digestives ===
=== Sténoses digestives===
<p style="text-align: justify">Syndrome de König = d+ post-prandiale tardive fixe (généralement en FID = «&nbsp;pseudo-appendicite&nbsp;») d’instensité rapidement progressive avvec météorisme, borborygmes, sensation de blocage des gaz, le tout cédant dans une débacle gazeuse ou fécale. Reconnaissance souvent tardive lors de la survenue d’un épisode occlusif.</p>
<p style="text-align: left">Elles se manifestent fréquemment par un syndrome de König : douleur post-prandiale tardive fixe (généralement en fosse iliaque droite = "pseudo-appendicite") d’intensité rapidement progressive avec météorisme, borborygmes, sensation de blocage des gaz, le tout cédant dans une débâcle gazeuse ou fécale. Reconnaissance souvent tardive lors de la survenue d’un épisode occlusif.</p>
=== Suppurations et abcès abdominaux ===
===Suppurations et abcès abdominaux===
<p style="text-align: justify">Secondaires à des fistules internes, siégeant surtout en amont de zones sténosées ( d+ fixes lancinantes, associées ou non à une masse abdo, svt associées à des manifestations systémiques marquées.</p>
<p style="text-align: left">Secondaires à des fistules internes, siégeant surtout en amont de zones sténosées (douleurs fixes lancinantes, associées ou non à une masse abdominale), souvent associées à des manifestations systémiques marquées.</p>
=== Lésions anopérinéales et fistules ===
===Lésions anopérinéales et fistules===
<p style="text-align: justify">Si présentes, elles constituent un argument diagnostic majeur&nbsp;: ulcérations, fissures, fistules, abcès, sténoses.</p>
<p style="text-align: left">Si présentes, elles constituent un argument diagnostic majeur&nbsp;: ulcérations, fissures, fistules, abcès, sténoses.</p>
=== Manifestations systémiques ===
===Manifestations systémiques===
<p style="text-align: justify">Amaigrissement quasi constant en phase active, anorexie, asthénie, modérée (38-38,5°C, plus si abcès).</p>
<p style="text-align: left">Amaigrissement quasi constant en phase active, anorexie, asthénie, fièvre modérée (38 à 38,5°C, plus si abcès).</p>
=== Manifestations extra-digestives ===
===Manifestations extra-digestives===
<p style="text-align: justify">D’activité parallèle à l’entérocolopathie&nbsp;:</p>
<p style="text-align: left">L'intensité de leur activité est généralement parallèle à celle de l’entérocolopathie&nbsp;:</p>
*Lésions cutanées&nbsp;: érythème noueux, dermatoses
*Lésions cutanées&nbsp;: érythème noueux, dermatoses
*Aphtes bucaux/ génitaux
*Aphtes buccaux et/ ou génitaux
*Lésions oculaires (uvéite)
*Lésions oculaires (uvéite)
*Arthralgies/ (arthrites)
*Arthralgies/ (arthrites)
*Thromboses, amylose rénale, anémie hémolytiquue auto-immune, péri-myocardite,…
*Thromboses, amylose rénale, anémie hémolytique auto-immune, péri-myocardite,…
*Associées à la malabsorption&nbsp;:
*Associées à la malabsorption&nbsp;:
**Lithiases rénales oxaliques
** Lithiases rénales oxaliques
**Ostéomalacie
**Ostéomalacie
**Ostéonécrose
**Ostéonécrose
**Hippocratisme digital
**Hippocratisme digital
*Associées mais d’évolution indépendante&nbsp;:
*Associées mais d’évolution indépendante&nbsp;:
**Arthropathies séronégatives (spondylarthrite ankylosante ie)
**Arthropathies séronégatives (spondylarthrite ankylosante par ex)
**Cholangite sclérosante primitive
**Cholangite sclérosante primitive
**Plus rares&nbsp;: asthme, maladies démyélinisantes
**Plus rares : asthme, maladies neurologiques démyélinisantes


== Complications ==
==Complications==
<p style="text-align: justify">Carences (malabsorption), sténoses et iléus, colectasie et mégacolon toxique (bien moins fréquents que dans la RCUH), perforation intestinale et hémorragie massive, dysplasies, cancer colorectal (risque semblant plus faible que dans la RCUH du fait des atteintes inflammatoires segmentaires plutôt que continues comme dans la RCUH).</p>
<p style="text-align: left">Carences (sur malabsorption chronique), sténoses et iléus, colectasie et mégacolon toxique (bien moins fréquents que dans la RCUH), perforation intestinale et hémorragie massive, dysplasies, cancer colorectal (risque semblant plus faible que dans la RCUH du fait des atteintes inflammatoires segmentaires plutôt que continues comme dans la RCUH).</p>
== Diagnostic et mise au point ==
==Diagnostic et mise au point==
<p style="text-align: justify">Déterminants = anamnèse et clinique.</p>
<p style="text-align: left">L'évocation diagnostique repose de façon déterminante sur l'anamnèse et clinique.</p>
=== Biologie ===
=== Biologie===
<p style="text-align: justify">Augmentation des GB/ CRP (++ pour suivre l’activité de la maladie)/ VS/ Pq, anémie inflammatoire et carentielle, déficits vitaminiques (++ folates et B12), hypoalbuminémie, hypocholestérolémie. Surtout utile pour le DD avec un trouble intestinal fonctionnel.</p><p style="text-align: justify">Sérologies&nbsp;: fréquence&nbsp; élevée d’ASCA et de pANCA (comme dans la RCUH), anti-I2 et OmpC.</p>
<p style="text-align: left">Augmentation des leucocytes et/ ou de la CRP (++ pour suivre l’activité de la maladie), de la VS, des plaquettes, anémie inflammatoire et carentielle, déficits vitaminiques (++ folates et B12), hypoalbuminémie, hypocholestérolémie.</p><p style="text-align: left">Les anomalies sont peu spécifiques mais surtout utiles pour le diagnostic différentiel avec un trouble intestinal fonctionnel.</p><p style="text-align: left">Sérologies&nbsp;: fréquence&nbsp; élevée d’ASCA et de pANCA (comme dans la RCUH), anti-I2 et OmpC.</p>
=== Imagerie ===
===Imagerie===


*AAB&nbsp;: utile dans les formes graves pour dépister un pneumopéritoine, une colectasie ou une sacro-iliite.
*RX AAB&nbsp;: utile dans les formes graves pour dépister un pneumopéritoine, une colectasie ou une sacro-iliite.
*Transit du grêle&nbsp;: exam de 1ère ligne le plus utile (exploration endoscopique du grêle difficile)&nbsp;: ulcérations, sténoses, fistules, masses&nbsp; inflammatoires (relief en pavé)
*Transit du grêle&nbsp;: exam de première ligne le plus utile (exploration endoscopique du grêle difficile)&nbsp;: ulcérations, sténoses, fistules, masses&nbsp; inflammatoires (relief en pavé)
*CT abdo/ entéro-scanner
*CT-scanner abdominal ou entéroscanner
*Entéro-IRM
*Entéro-IRM


=== Endoscopie et biopsies ===
===Endoscopie et biopsies===
<p style="text-align: justify">Inspection de l’ensemble du TD (iléocoloscopie, OGDuodénoscopie)&nbsp;! Ulcérations d’étendue et de profondeur variable sur muqueuse (sub)N,… L’endoscopie peut être également thérapeutique (dilatation de sténoses, endoprothèse,…) + dépistage de dysplasies. L’anapath permet le DD avec des colites infectieuses/ ischémiques/ toxiques.</p>
<p style="text-align: left">Souvent réalisée d'emblée désormais en cas de forte suspicion clinique.</p>
=== Capsule endoscopique ===
<p style="text-align: left">Inspection de l’ensemble du tube digestif (iléocoloscopie + OGDuodénoscopie). Ulcérations d’étendue et de profondeur variable sur muqueuse (sub)-normale,… L’endoscopie peut être également thérapeutique (dilatation de sténoses, pose d'endoprothèses,…) + dépistage de dysplasies. Les prélèvements histologiques permettent le diagnostic différentiel avec des colites infectieuses, ischémiques ou toxiques.</p>
<p style="text-align: justify">En cas d’endoscopie et imagerie négatives. CI&nbsp;: signes de sténoses.</p>
===Capsule endoscopique===
=== Evaluation de la sévérité ===
<p style="text-align: left">En cas d’endoscopie et imagerie négatives. Contre-indication&nbsp;: signes de sténoses.</p>
<p style="text-align: justify">Utilisation de la CDAI (Crohn’s disease activity index).</p>
===Evaluation de la sévérité===
<p style="text-align: left">Utilisation de la CDAI (Crohn’s disease activity index).</p>
== Prise en charge thérapeutique - Traitements ==
== Prise en charge thérapeutique - Traitements ==
{{Modèle:Pub}}
A noter qu'un Crohn asymptomatique ne nécessite qu'un simple suivi et aucun traitement.
<p style="text-align: justify">Chez la femme enceinte&nbsp;: avis gynéco, mais de toute façon&nbsp;:</p>
 
*Ne pas dépasser 2g/j pour le 5-ASA
=== Particularité chez la femme enceinte ===
*Allaitement est CI si azathioprine ou 6-mercaptopurine
<p style="text-align: left">Avis gynécologique systématique avant instauration du traitement, mais de toute façon :</p>
*Méthotrexate est proscrit durant la grossesse
*Ne pas dépasser 2 g/ j pour le 5-ASA
*Eviter l’infliximab durant au moins le dernier trimestre.
*L'allaitement est contre-indiqué en cas de traitement par azathioprine ou 6-mercaptopurine
<p style="text-align: justify"><u>Pas de traitement en cas de Crohn asymptomatique, même en cas de lésion RX/ endoscopique</u></p>
*Le méthotrexate est proscrit durant la grossesse
=== Mesures générales ===
*Eviter l’infliximab durant au moins le dernier trimestre
===Mesures générales===


*Arrêt du tabac
*Arrêt du tabac
*Diète lors des crises&nbsp;: régime sans fibres +- compléments (vitamines,…)
*Diète lors des crises : régime sans fibres +- compléments (vitamines,…)


=== Traitement chronique = de fonds en cas de poussées récidivantes ===
===Traitement chronique = de fonds en cas de poussées récidivantes===


*1er choix = immunosuppresseurs classiques&nbsp;: azathioprine (2-2,5 mg/kg/j)/ 6-mercaptopurine (1,5 mg/kg/j) sur > 18 mois. Surveillance tous les trimestres de la formule sanguine et des enzymes hépatiques.
*Premier choix : immunosuppresseurs classiques. Azathioprine (2-2,5 mg/kg/j) ou 6-mercaptopurine (1,5 mg/kg/j) durant plus de 18 mois. Surveillance tous les trimestres de la formule sanguine et des enzymes hépatiques.
*Méthotrexate (25 mg/sem IM/SC) + 5-10 mg de folates le lendemain de chaque injection = 2ème choix.
*Deuxième choix : Méthotrexate (25 mg/ semaine IM/SC) + 5-10 mg de folates le lendemain de chaque injection.
*Biothérapies&nbsp;: Infliximab (anti-TNF-α)&nbsp; = 3ème choix
*Troisième choix : biothérapies. Infliximab (anti-TNF-α).
*Certains préconisent le 5-ASA en tt de fond, pas de preuve d'efficacité
*Certains préconisent le 5-ASA en traitement de fond, sans preuve d'efficacité.


=== Traitement en phase aiguë ===
=== Traitement en phase aiguë===


*Traitement symptomatique.
*Traitement symptomatique.
*5-ASA (mézalasine) 4g/j (&nbsp;! surveiller la créatinine) et/ou corticoïdes per os 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone 3-7 semaines → si échec&nbsp;: corticoth IV prednisone 1mg/kg/j (et/ ou ABth ciprofloxacine, contesté) et/ ou (nutrition parentérale, utilisée avant l’introduction de l’infliximab pour les patients refusant les corticoïdes). On peut également utiliser des corticoïdes locaux (budénoside, 9mg/j durant 6 semaines). L’Infliximab peut-être utilisé en cas de R aux corticoïdes ou d’emblées pour les poussées sévères.
*5-ASA (mézalasine) 4g/ j (! surveiller la créatinine) et/ou corticoïdes per os 1 mg/ kg/ j d’équivalent prednisone durant 3 à 7 semaines → si échec : corticothérapie IV par prednisone 1mg/ kg/ j (et/ ou antibiothérapie par ciprofloxacine, contesté) et/ ou (nutrition parentérale, utilisée avant l’introduction de l’infliximab pour les patients refusant les corticoïdes). On peut également utiliser des corticoïdes locaux (budénoside, 9 mg/ j durant 6 semaines). L’Infliximab peut-être utilisé en cas de résistance aux corticoïdes ou d’emblée pour les poussées sévères.
<p style="text-align: justify">! la limitation de l’’utilisation des corticoïdes est l’enjeu majeur de la stratégie thérapeutique (acné, oedèmes, troubles du sommeil/ de l’humeur, troubles psys, HTA, intolérance au glucose, hypoK, ostéoporose, cataracte, myopathie, infections,…)&nbsp;! Commencer à doses maximales, arrêter par paliers de 10-20 mg toutes les semaines. Adjoindre vit D + Ca +- bisphosphonate (en cas d’ostéoporose avérée)</p><p style="text-align: justify">La corticodépendance est définie comme l’impossibilité de réduire la dose à moins de 10mg/j 3 mois après le début de la cure ou la survenue d’une récidive moins de 3 mois après la fin de la cure. La corticorésistance est définie comme la persistance d’une maladie active malgré une dose d’au moins 0,75mg/kg/j durant 4 sem.</p><p style="text-align: justify">Schéma décisionnel&nbsp;:</p>
<p style="text-align: left">La limitation de l’utilisation des corticoïdes est l’enjeu majeur de la stratégie thérapeutique de fait de ses effets secondaires (acné, oedèmes, troubles du sommeil et de l’humeur, troubles psychiatriques variables, hypertension artérielle, intolérance au glucose, hypokaliémie, ostéoporose, cataracte, myopathie, infections,…) ! Commencer à doses maximales, arrêter par paliers de 10 à 20 mg toutes les semaines. Adjoindre un supplément de vitamine D et calcium (+- bisphosphonate en cas d’ostéoporose avérée)</p><p style="text-align: left">La corticodépendance est définie comme l’impossibilité de réduire la dose à moins de 10mg/ j 3 mois après le début de la cure ou la survenue d’une récidive moins de 3 mois après la fin de la cure. La corticorésistance est définie comme la persistance d’une maladie active malgré une dose d’au moins 0,75 mg/ kg/ j durant 4 semaines.</p><p style="text-align: left">Schéma décisionnel&nbsp;:</p>
*Poussée légère/ modérée&nbsp;:
*Poussée légère à modérée&nbsp;:
**Iléale +- colique D&nbsp;:
**Iléale +- colique droite :
***Budésonide
***Budésonide
**Colique&nbsp;:
**Colique :
***Mésalazine
***Mésalazine
**Colique G / rectale&nbsp;:
**Colique gauche ou rectale :
***Budésonide et/ ou mésalazine orale et topique
***Budésonide et/ ou mésalazine orale et topique
*Poussée sévère ou échec des tts précédents&nbsp;:
*Poussée sévère ou échec des traitements précédents&nbsp;:
**Prednisone orale
**Prednisone orale
***Echec de la Predisone per os&nbsp;:
***Echec de la prednisone per os :
****Tenter prednisone IV
****Tenter prednisone IV
*****Si corticorésistance&nbsp;: diminuer Infliximab +- azathioprine / 6-mercaptopurine
*****Si corticorésistance : diminuer Infliximab +- instaurer azathioprine ou la 6-mercaptopurine
******En cas d'échec&nbsp;: chirurgie
******En cas d'échec : chirurgie
*****Corticodépendance&nbsp;:
*****Corticodépendance :
******Azathioprine / 6-mercaptopurine
******Azathioprine ou 6-mercaptopurine
*****En cas d'échec / intolérance&nbsp;: infliximab +- méthotrexate
*****En cas d'échec ou intolérance&nbsp;: infliximab +- méthotrexate


=== Traitement des formes ano-périnéales ===
===Traitement des formes ano-périnéales===


*Ecoulement purulent&nbsp;: AB, immunomodulateurs
*Ecoulement purulent&nbsp;: antibioathérapie, immunomodulateurs
*Abcès collecté&nbsp;: incision + drainage
*Abcès collecté&nbsp;: incision + drainage
*Fistules&nbsp;: drainages par fils de séton
*Fistules&nbsp;: drainages par fils de séton
*Echec de ces traitements&nbsp;: infliximab
*Echec de ces traitements&nbsp;: infliximab


== Evolution ==
== Evolution==
<p style="text-align: justify">Profils évolutifs très variables, imprévisibles. 80% des patients sont opérés à 20 ans. Récidives post-chir à 10 ans de 40-80%. Peu de corrélation entre rémissions clinique/ biologique/ endoscopique, la CRP est néanmoins un bon marqueur d’activité. 75-90% des patients maintiennent leurs activités professionnelles. La plus grande prévalence de troubles intestinaux fonctionnels chez ces patients complique le suivi (risque d’escalade thérapeutique injustifiée).</p>
<p style="text-align: left">Les profils évolutifs sont très variables, imprévisibles. 80% des patients sont opérés à 20 ans. Les récidives post-chirurgie à 10 ans sont de 40 à 80%.</p>
== Auteur(s) ==
<p style="text-align: left">Il y a peu de corrélation entre les rémissions clinique, biologique et endoscopique. La CRP est néanmoins un bon marqueur d’activité de la maladie.</p>
<p style="text-align: left">75 à 90% des patients maintiennent leurs activités professionnelles. La plus grande prévalence de troubles intestinaux fonctionnels surajoutés chez ces patients complique le suivi (risque d’escalade thérapeutique injustifiée).</p>
==Auteur(s)==


[[Utilisateur:Nanash|Shanan Khairi]], MD
Dr [[Utilisateur:Shanan Khairi|Shanan Khairi]], MD
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Version actuelle datée du 7 novembre 2022 à 18:43

Le Crohn ou maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique idiopathique du tube digestif. Elle se caractérise par des atteintes segmentaires transmurales, la présence de granulomes et de fibrose et de fréquentes atteintes anopérinéales et extra-digestives. Ces lésions résultent d’une réponse immune anormale envers la flore intestinale (rupture de tolérance qui serait favorisée par des  facteurs environnementaux et génétiques [des mutations du gène CARD 15 sur locus IBD-1 présentes chez 3 à 15% des malades]).

Il s'agit d'une maladie rare (incidence d'environ 3 à 10/ 100.000 habitants/ an), touchant préférentiellement les sujets blancs d'Europe et d'Amérique du Nord. Son pic de déclaration clinique se situe entre 20 et 30 ans et il existe une légère prédominance féminine. Ses facteurs de risque sont le tabagisme (déclaration et rechutes, y compris tabagisme passif) et les antécédents familiaux.

Facteurs de risque

Les seuls facteurs de risque démontrés du Crohn sont le tabagisme (risque relatif multiplié jusque par deux) et les antécédents familiaux de Crohn. D'autres facteurs de risque (régime alimentaire, hygiène, antécédents d'infections, contraception,...) ont été évoqués mais leur rôle n'a jamais pu être démontré.

Clinique

La maladie de Crohn évolue par poussées d’intensité variable entrecoupées de rémissions plus ou moins complètes et prolongées.

La clinique, dominée par la diarrhée et les douleurs abdominales, dépend essentiellement du siège et de la nature (inflammation pariétale, sténoses, abcès, perforations) des lésions. Zones du tube digestif atteintes : iléon + colon (40%) - iléon (30%) - colon +- anopérinéal (30%).

Les manifestations extra-digestives sont fréquentes. Elles prédominent fréquemment sur les manifestations digestives dans les cas pédiatriques.

Inflammation pariétale

  • Diarrhée de caractéristiques variables (motrice, glairo-sanglante, syndrome rectal)
  • Hémorragies digestives basses - plus rares que dans la RCUH
    • Hémorragies massives : rares mais graves et récidivantes
  • Masse abdominale palpable sous forme de "boudin" sensible en fosse iliaque droite

Sténoses digestives

Elles se manifestent fréquemment par un syndrome de König : douleur post-prandiale tardive fixe (généralement en fosse iliaque droite = "pseudo-appendicite") d’intensité rapidement progressive avec météorisme, borborygmes, sensation de blocage des gaz, le tout cédant dans une débâcle gazeuse ou fécale. Reconnaissance souvent tardive lors de la survenue d’un épisode occlusif.

Suppurations et abcès abdominaux

Secondaires à des fistules internes, siégeant surtout en amont de zones sténosées (douleurs fixes lancinantes, associées ou non à une masse abdominale), souvent associées à des manifestations systémiques marquées.

Lésions anopérinéales et fistules

Si présentes, elles constituent un argument diagnostic majeur : ulcérations, fissures, fistules, abcès, sténoses.

Manifestations systémiques

Amaigrissement quasi constant en phase active, anorexie, asthénie, fièvre modérée (38 à 38,5°C, plus si abcès).

Manifestations extra-digestives

L'intensité de leur activité est généralement parallèle à celle de l’entérocolopathie :

  • Lésions cutanées : érythème noueux, dermatoses
  • Aphtes buccaux et/ ou génitaux
  • Lésions oculaires (uvéite)
  • Arthralgies/ (arthrites)
  • Thromboses, amylose rénale, anémie hémolytique auto-immune, péri-myocardite,…
  • Associées à la malabsorption :
    • Lithiases rénales oxaliques
    • Ostéomalacie
    • Ostéonécrose
    • Hippocratisme digital
  • Associées mais d’évolution indépendante :
    • Arthropathies séronégatives (spondylarthrite ankylosante par ex)
    • Cholangite sclérosante primitive
    • Plus rares : asthme, maladies neurologiques démyélinisantes

Complications

Carences (sur malabsorption chronique), sténoses et iléus, colectasie et mégacolon toxique (bien moins fréquents que dans la RCUH), perforation intestinale et hémorragie massive, dysplasies, cancer colorectal (risque semblant plus faible que dans la RCUH du fait des atteintes inflammatoires segmentaires plutôt que continues comme dans la RCUH).

Diagnostic et mise au point

L'évocation diagnostique repose de façon déterminante sur l'anamnèse et clinique.

Biologie

Augmentation des leucocytes et/ ou de la CRP (++ pour suivre l’activité de la maladie), de la VS, des plaquettes, anémie inflammatoire et carentielle, déficits vitaminiques (++ folates et B12), hypoalbuminémie, hypocholestérolémie.

Les anomalies sont peu spécifiques mais surtout utiles pour le diagnostic différentiel avec un trouble intestinal fonctionnel.

Sérologies : fréquence  élevée d’ASCA et de pANCA (comme dans la RCUH), anti-I2 et OmpC.

Imagerie

  • RX AAB : utile dans les formes graves pour dépister un pneumopéritoine, une colectasie ou une sacro-iliite.
  • Transit du grêle : exam de première ligne le plus utile (exploration endoscopique du grêle difficile) : ulcérations, sténoses, fistules, masses  inflammatoires (relief en pavé)
  • CT-scanner abdominal ou entéroscanner
  • Entéro-IRM

Endoscopie et biopsies

Souvent réalisée d'emblée désormais en cas de forte suspicion clinique.

Inspection de l’ensemble du tube digestif (iléocoloscopie + OGDuodénoscopie). Ulcérations d’étendue et de profondeur variable sur muqueuse (sub)-normale,… L’endoscopie peut être également thérapeutique (dilatation de sténoses, pose d'endoprothèses,…) + dépistage de dysplasies. Les prélèvements histologiques permettent le diagnostic différentiel avec des colites infectieuses, ischémiques ou toxiques.

Capsule endoscopique

En cas d’endoscopie et imagerie négatives. Contre-indication : signes de sténoses.

Evaluation de la sévérité

Utilisation de la CDAI (Crohn’s disease activity index).

Prise en charge thérapeutique - Traitements

A noter qu'un Crohn asymptomatique ne nécessite qu'un simple suivi et aucun traitement.

Particularité chez la femme enceinte

Avis gynécologique systématique avant instauration du traitement, mais de toute façon :

  • Ne pas dépasser 2 g/ j pour le 5-ASA
  • L'allaitement est contre-indiqué en cas de traitement par azathioprine ou 6-mercaptopurine
  • Le méthotrexate est proscrit durant la grossesse
  • Eviter l’infliximab durant au moins le dernier trimestre

Mesures générales

  • Arrêt du tabac
  • Diète lors des crises : régime sans fibres +- compléments (vitamines,…)

Traitement chronique = de fonds en cas de poussées récidivantes

  • Premier choix : immunosuppresseurs classiques. Azathioprine (2-2,5 mg/kg/j) ou 6-mercaptopurine (1,5 mg/kg/j) durant plus de 18 mois. Surveillance tous les trimestres de la formule sanguine et des enzymes hépatiques.
  • Deuxième choix : Méthotrexate (25 mg/ semaine IM/SC) + 5-10 mg de folates le lendemain de chaque injection.
  • Troisième choix : biothérapies. Infliximab (anti-TNF-α).
  • Certains préconisent le 5-ASA en traitement de fond, sans preuve d'efficacité.

Traitement en phase aiguë

  • Traitement symptomatique.
  • 5-ASA (mézalasine) 4g/ j (! surveiller la créatinine) et/ou corticoïdes per os 1 mg/ kg/ j d’équivalent prednisone durant 3 à 7 semaines → si échec : corticothérapie IV par prednisone 1mg/ kg/ j (et/ ou antibiothérapie par ciprofloxacine, contesté) et/ ou (nutrition parentérale, utilisée avant l’introduction de l’infliximab pour les patients refusant les corticoïdes). On peut également utiliser des corticoïdes locaux (budénoside, 9 mg/ j durant 6 semaines). L’Infliximab peut-être utilisé en cas de résistance aux corticoïdes ou d’emblée pour les poussées sévères.

La limitation de l’utilisation des corticoïdes est l’enjeu majeur de la stratégie thérapeutique de fait de ses effets secondaires (acné, oedèmes, troubles du sommeil et de l’humeur, troubles psychiatriques variables, hypertension artérielle, intolérance au glucose, hypokaliémie, ostéoporose, cataracte, myopathie, infections,…) ! Commencer à doses maximales, arrêter par paliers de 10 à 20 mg toutes les semaines. Adjoindre un supplément de vitamine D et calcium (+- bisphosphonate en cas d’ostéoporose avérée)

La corticodépendance est définie comme l’impossibilité de réduire la dose à moins de 10mg/ j 3 mois après le début de la cure ou la survenue d’une récidive moins de 3 mois après la fin de la cure. La corticorésistance est définie comme la persistance d’une maladie active malgré une dose d’au moins 0,75 mg/ kg/ j durant 4 semaines.

Schéma décisionnel :

  • Poussée légère à modérée :
    • Iléale +- colique droite :
      • Budésonide
    • Colique :
      • Mésalazine
    • Colique gauche ou rectale :
      • Budésonide et/ ou mésalazine orale et topique
  • Poussée sévère ou échec des traitements précédents :
    • Prednisone orale
      • Echec de la prednisone per os :
        • Tenter prednisone IV
          • Si corticorésistance : diminuer Infliximab +- instaurer azathioprine ou la 6-mercaptopurine
            • En cas d'échec : chirurgie
          • Corticodépendance :
            • Azathioprine ou 6-mercaptopurine
          • En cas d'échec ou intolérance : infliximab +- méthotrexate

Traitement des formes ano-périnéales

  • Ecoulement purulent : antibioathérapie, immunomodulateurs
  • Abcès collecté : incision + drainage
  • Fistules : drainages par fils de séton
  • Echec de ces traitements : infliximab

Evolution

Les profils évolutifs sont très variables, imprévisibles. 80% des patients sont opérés à 20 ans. Les récidives post-chirurgie à 10 ans sont de 40 à 80%.

Il y a peu de corrélation entre les rémissions clinique, biologique et endoscopique. La CRP est néanmoins un bon marqueur d’activité de la maladie.

75 à 90% des patients maintiennent leurs activités professionnelles. La plus grande prévalence de troubles intestinaux fonctionnels surajoutés chez ces patients complique le suivi (risque d’escalade thérapeutique injustifiée).

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD