Maladie de Behçet

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La maladie de Behçet est une vasculite primaire à prédominance lymphocytaire ou polynucléaire selon l'âge des lésions, touchant les vaisseaux de tout calibres mais préférentiellement les petits vaisseaux. 

Il s'agit d'une maladie rare dont la prévalence varie de 0,1 à 7,5/ 100.000 habitants en Europe à 80 à 370/ 100.000 en Turquie. Elle débute préférentiellement entre 20 et 30 ans. La mortalité est très faible (atteintes cardiaques et vasculaires, perforations intestinales) mais le pronostic fonctionnel se dégrade rapidement (++ séquelles cumulatives des atteintes neurologiques et ophtalmologiques).

Son étiologie est inconnue, supposée multifactorielle (prédisposition génétique, virus, toxiques, hormones,…). Certains la considèrent comme une spondylarthropathie séronégative.

Clinique

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Evolue par poussées irrégulières, sans parallélisme entre les lésions cutanéo-muqueuses et viscérales. Des états inflammatoires francs / fièvre sont rares. Le pronostic est conditionné par les atteintes oculaires et neurologiques.

Atteintes articulaires (5-70%)

++ précoces (qq années avant les autres atteintes), ++ arthralgies/ oligoarthrites fixes des grosses articulations rarement destructrices, récidivantes et asymétriques. Rx (quasi)-N, ponctions → liquide visqueux inflammatoire. Possibles kystes poplités dont la rupture est difficile à différencier d'une TV ! Description des cas d'ostéonécroses (mais secondaire à corticoth ?). Des lombalgies avec raideur pseudopottique peuvent être l'expression d'un anévrisme Ao / thrombose de la VCI !

Association décrite à de véritables spondylarthrites ankylosantes.

Atteintes musculaires

+++ myalgies diffuses / proximales. Cas décrits de véritables myosites. Biopsie montre une dégénérescence des fibres musculaires et une infiltration par des cellules mono/polynucléées. Les CK sont habituellement normales → si élevées, discuter une myopathie versus une rhabdomyolyse iatrogène sur colchicine.

Atteintes cutanéo-muqueuses (quasi 100%)

A rechercher systématiquement, indispensables pour le diag. Parfois tardives

  • Aphtes buccaux (98%) : ulcérations douloureuses isolées/ multiples, bords nets, tapisée d'un enduit "beurre frais", pourtour inflammatoire
  • Aphtes génitaux (60-65%). Chez l'homme : bourses > verge > urêtre. Femme : vulve, vagin. Laissent des cicatrices dépigmentées.
  • Aphtes sur œsophage, estomac, intestin, marge anale… cause exceptionnellement de perforations.
  • Divers : érythème noueux, papules, vésicules, pustules, purpura, pseudo-folliculite, hyperréactivité aux agressions de l'épithélium

Atteintes oculaires

→ poussées récidivantes d'inflammation endo-oculaires avec destruction rétinienne progressive. Bilatéralisation fréquente, en 2 ans en moyenne. Uvéite ant à hypopion, uvéite postérieure très fqte (vasculites occlusives et nécrosantes, HH, œdème rétinien, néovascu pré-rétinienne), aphte conjonctival, épisclérite, kératite.

Evolution généralement sévère → cataracte, hypertonie oculaire, cécité (50% des cas dans les 5 ans) par atteinte du segment post.

Atteintes neurologiques (4-42% des cas, ++ vers 40-50 ans)

Très variables. Peuvent survenir dans le contexte d'une maladie floride, après un sevrage thérapeutique inapproprié, après qq années d'évolution de lésions cutanéo-muqueuses aspécifiques,… et rarement être inaugurales (→ problème diag majeur !). Légère prédominance masculine.

Les signes neurologiques peuvent être précédés/ accompagnés d'inconstantes céphalées/ fièvre… et comportent :

  • Céphalées (83%)
  • Atteintes des nerfs crâniens (33%) : POM, V, VII, VIII
  • Syndrome pyramidal (33%) avec ou sans déficit (hémi/mono/paraplégie)
  • Troubles sensitifs (25%) subjectifs/ objectifs
  • Œdème papillaire bilat (21%)
  • Syndrome cérébelleux (21%)
  • Troubles de la déglutition (4%), incontinence (4%), dysarthrie (4%), ophtalmoplégie internucléaire (4%), névrite optique rétrobulbaire (4%)
  • Troubles psychiatriques (13% ! DD difficile avec ES d'une corticoth / tr psy réactionnels)

Les principales atteintes neuro sont :

  • Atteintes méningo-parenchymateuses (60-80% des manifestations neuro)
    • Lésions : inflammatoires avec méningo-encéphalite et infiltrations périvasculaires témoignant de la vasculite / foyers de nécroses autour de vaisseaux de moyens et petits calibres témoignants de la thrombose vasculaire / altérations neuronales avec discrètes démyélinisation et gliose
    • L'IRM et la PL sont peu Sp
  • Thromboses veineuses cérébrales plus rares (jusqu'à 30% des formes neuro dans certaines séries), diag difficile (fréquents symptômes d'HTIC spontanément résolutifs), à évoquer systématiquement face à des céphalées/ déficits neuros fluctuants ou mal systématisés/ convulsions/ troubles visuels avec œdème papillaire
  • Angio-Behçet avec atteinte des artères cervico-encéphaliques très rare, l'atteinte des petites artères est exceptionnelle
  • Atteintes du SNP (exceptionnel) : VII et VIII, PNP des MI

Atteintes vasculaires

Très variées (DD d'un tableau vasculaire floride = Sd des Ac antiphospholipides → à écarter systématiquement par une biol, tout comme les anticardiolipines, résistance à la protéine C).

  • Thromboses veineuses (30% des patients) : TVS (++ fugaces et migrantes), TVP (! Fréquement les gros troncs : ilio-fémoraux, VCI/S ! thromboses des veines sus-hépatiques = sd de Budd-Chiari), TVC. Moins emboligènes que les TV idiopathiques.
  • Atteintes artérielles : thromboses, anévrismes à haut risque de rupture

Atteintes pulmonaires

++ infiltrats parenchymateux +- hémoptysies +- pleurésies. Exclure systématiquement une EP, un anévrisme des art pulm ou une surinfection favorisée par les tts.

Atteintes cardiaques

Rares. Myocardites (! arythmies), endocardites (! valvulopathies Ao/ Mi, thrombus endocavitaires), péricardites (svt récédivantes ! associations à des coronopathies), coronopathies (anévrismes et thromboses → risque d'infar / hémopéricarde / mort subite).

Atteintes gastro-intestinales

Tableaux similaires à la RCUH ou au Crohn

Atteintes diverses

  • Rénales : exceptionnelles. Glomérulopathies prolifératives/ amyloïdes.
  • Testiculaire/ épididymaire/ urétrale

Diagnostic

Le diag est essentiellement clinique, les examens complémentaires sont peu Se/ Sp :

  • Biol : hyper leucocytose à PNN durant les poussées, aN de la fibrinolyse, facteur VIII élevé, complexes immuns circulants, cryoglobulinémie
  • Ophtalmo (FO + angio fluo)
  • Biopsie cutanée d'une intradermo au sérum phy → vasculite avec dépôts de complément
  • En cas de poussées neuro :
    • PL → habituelle méningite lymphocytaire + hyperprotéinorachie
    • IRM → hypersignaux T2 (hypo T1) diffus (très évocateurs si confluents en de larges plages vers le TC/ diencéphale/ noyaux gris) persistants à moyen terme bien que s'atténuant. Possibles lésions vasculitiques punctiformes hyper en T2.
  • Examens angiographiques (CT/IRM/conventionnelle) en cas de manifestations vascu

Critères diags internationaux de 1990 (Se 91%, Sp 96%) :

Ulcérations orales récurrentes, récidivant > 3 x sur 12 mois + 2 critères parmi :

  • Ulcérations génitales récurrentes
  • Lésions oculaires (uvéite/ vasculite) objectivées par ophtalmo
  • Lésions cutanées (érythème noueux/ lésions papulo-pustuleuses/ nodules acnéiformes)
  • Pathergy-test positif (lu à 24-48h post ponction cutanée avec aiguille 21G) – peu Se

! Le Behçet est à évoquer systématiquement face à une TV chez un jeune sans FR identifié.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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Colchicine (1-2mg/j) + antiagrégation (160 mg/j) : pour les formes mineures (articulaires, cutanéo-muqueuses)

Corticothérapie :

  • Indications : formes oculaires, formes neurologiques, autres atteintes si grave
    • Eventuellement locale si uvéite ant
    • Bolus d'attaques (1g/j de solumédrol sur 3h durant 3-5j) si forme grave/ évolutive
    • Commencer à 1mg/kg/j durant 6 sem puis à diminuer de 10% / sem
    • ! risque de rechute important au sevrage → maintenir une dose d'entretien (5-10 mg/j) et prévenir les complications d'une corticoth au long cours
  • + anticoagulation si atteinte des vaisseaux prédominante (ex : TVC !) ! potentialise l'ostéoporose cortisonique

Immunodépresseurs :

  • ! Risque oncogène → pour les atteintes majeures / sévères
  • Permettent un sevrage cortisonique mais à distance (latence d'action !)
  • Azathioprine 2,5mg/kg/j
  • Cyclophosphamide 2mg/kg/j PO ou 750-1000mg IV 1x/mois
  • Chlorambucil 0,1-0,2mg/kg/j
  • Méthotrexate 7,5mg en 3 prises PO 1x/sem

Utilisation controversée du disulone et thalidomide. Plasmaphérèses, Ig IV, interférons, ABth → rien de démontré

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD