Métastases intracrâniennes

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Les métastases intracrâniennes (ou "métastases cérébrales") sont des tumeurs intra-crâniennes développées à partir de cellules malignes provenant d'une tumeur (dite "primitive") développée à distance. Elles représentent chez l'adulte plus de 50% des tumeurs intracrâniennes. Leur incidence varie de 2,8 à 11,5 / 100.000 habitants/ an selon les séries mais est probablement sous-estimée. Environ 25% des cancers se compliqueraient de métastases intracrâniennes. Leur âge médian de découverte est de 40 à 60 ans (plus jeune pour les métastases de mélanomes, les sarcomes et les tumeurs germinales).

Le pronostic vital est généralement déplorable, reflétant le plus souvent l'évolution du primitif. La médiane de survie est ainsi de 1 mois à partir du diagnostic en l'absence de traitement et de 3 à 6 mois en cas de traitement adéquat. Cependant, selon le nombre de métastases, la nature du primitif et son état d'avancement loco-régional, un essai de traitement à visée curative peut parfois être envisagé.

Cancers primitifs

Dissémination hématogène artérielle depuis ou via le filtre pulmonaire (→ 2/ 3 des patients ayant des métastases cérébrales d'origine non pulmonaire ont également des métastases pulmonaires) ou à rebours via les plexus de Batson (mécanisme théorique non démontré) ou, très rarement, via un foramen ovale perméable. Survenue généralement tardive dans l'histoire du cancer (sauf pour les néos broncho-pulmonaires).

Certaines présentations évoquent des primitifs particuliers :

  • Formes nodulaires nécrotiques : ++ cancers bronchiques anaplasiques à petites cellules
  • Formes abcédées : ++ cancers bronchopulmonaires surinfectés
  • Formes infiltrantes aux limites floues : ++ bronchopulmonaire
  • Formes périventriculaires  : ++ cancers anaplasiques à petites cellules
  • Formes pseudoangiomateuses à l'angiographie : ++ bronchopulmonaires, mammaire, rénal, thyroïde, mélanome
  • Formes miliaires (innombrables petites métastases) : ++ mélanomes
  • Métastases hémorragiques (14% des présentations) : +++ cancers bronchiques vu leur prépondérance générale, mais les métastastases les plus à risque de saigner sont celles des choriocarcinomes, des mélanomes et rénales
  • Métastases hypophysaires : 50% sont d'origine mammaire et 25% d'origine bronchopulmonaire
  • Métastases durales : ++ mammaire (50% des cas) et bronchopulmonaire (17% des cas), mélanome, prostate, neuroblastomes

Néoplasies broncho-pulmonaires (30%)

+++ carcinomes anaplasiques à petites cellules (se compliquent de métastases cérébrales dans 70% des cas en cours d'évolution, ++ métastases cérébrales multiples associées à d'autres localisations métastatique dans > 75% des cas) > adénocarcinomes (se compliquent de métastases cérébrales dans 50% des cas) > carcinomes épidermoïdes (se compliquent de métastases cérébrales dans 32% des cas).

Le potentiel métastatique semble plus grand pour les néoplasies de localisations périphériques et apicales ainsi que, pour les adénocarcinomes lorsqu'ils sont associés à un envahissement ganglionnaire.

Néoplasies mammaires (23%)

50% de leurs métastases cérébrales resteraient asymptomatiques. 10% de ces néoplasies métastasieraient en intra-crânien. Fréquente atteinte de la dure-mère → le diagnostic différentiel est parfois difficile avec un méningiome.

Néoplasies digestives (7%)

+++ néoplasies coliques et colo-rectales (responsables de 5-12% des métastases cérébrales → localisées ++ en fosse postérieure, association à des métastases pulmonaires dans 85% des cas et des métastases hépatiques dans 50% des cas) > pancréatique (dont 9% métastasient en intracrânien) > gastriques (6% métastasient en intracrânien) > œsophagiens.

Néoplasies rénales (7%)

4% d'entre-elles métastasieraient en intracrânien (10-24% sur base des séries autopsiques) → de localisations ++ supratentorielles, associées à des métastases d'autres organes dans 90% des cas. Hémorragies intratumorales fréquentes.

Mélanomes (6%)

Métastases cérébrales dans 50-92% des mélanomes, multiples dans 2/ 3 des cas. 30% d'entre-elles sont hémorragiques. Les méninges sont fréquemment atteints.

Autres (7%)

Prostate (++ métastase unique de la fosse postérieure), ovaires, col de l'utérus, choriocarcinome, sarcomes, myxomes cardiaques, mésothéliomes malins, tumeurs germinales du testicule, tumeurs carcinoïdes digestives, thyroïde, vessie, chordomes,…

Primitif non retrouvé (10-20%)

Clinique

A noter que dans 20% des cas, la découverte des métastases cérébrale précède celle du primitif et que dans 30% des cas, elles surviennent dans les 6 mois du diagnostic du primitif.

La clinique résulte de l'œdème vasogénique péritumoral, de la destruction et compression du tissu cérébral par la tumeur (accélérée en cas de transformation kystique, de nécrose ou d'hémorragie intratumorale), rarement d'emboles métastatiques, d'une hydrocéphalie obstructive ou par infiltration leptoméningée diffuse, de compressions vasculaires voir d'un hématome méningé secondaire.

  • Asymptomatiques (25-35% des cas, découvertes d'autopsies ou lors de bilans systématiques, ++ sur néoplasies mammaires)
  • Symptomatiques
  • Présentation aiguë (50% des cas)
    • Crises épileptiques (inaugurale dans 12-39% des cas, ++ crise focale)
    • Présentation pseudovasculaire (15% des cas) :
      • mono ou hémiparésie brutale, troubles du langage, paresthésies, hémianopsie latérale homonyme, mouvements choréo-athétosique → souvent amélioration transitoire avant réaggravation, ++ par embolisation métastatique puis récupération de l'ischémie puis croissance de la métastase ou par hémorragie intratumorale suivie d'une résorption de l'hématome puis croissance tumorale
      • épisodes déficitaires répétés évoquant des accidents ischémiques transitoires, ++ sur crises épileptiques focales
  • Présentation progressive (50% des cas) :
    • Céphalées (++ < déplacement de la dure-mère ou des sinus veineux ou sur compression ou traction des nerfs crâniens ou sur  hypertension intracrânienne) ++ nocturnes ou matinales → intensification et tendance à devenir permanentes + association à des nausées, vomissements, somnolence
    • Déficits focaux (faible valeur localisatrice !)
    • Troubles des fonctions supérieures
    • Ataxie (< tumeur cérébelleuse ou du tronc, volumineuse tumeur frontale ou hydrocéphalie, rarement sur tumeur pariétale)
    • Rares : hémiballisme, myoclonies rythmiques avec tremblement de repos, syndrome de Wallenberg, hypotension artérielle orthostatique, migraine avec aura, diabète insipide,…

Principaux diagnostics différentiels

Abcès cérébraux (constituent le principal diagnostic différentiel en cas de prise de contraste en anneau, DWI généralement augmenté avec ADC diminué ++), autres tumeurs cérébrales (++ gliomes de haut grade, diagnostic différentiel principal en cas de lésion unique, généralement plus diffuse, plus hétérogènes et de localisation plus profonde que les métastases), granulomatoses, accidents vasculaires cérébraux ischémiques, maladies démyélinisantes.

Examens complémentaires

CT-scanner cérébral

  • Sensibilité ~100% pour les métastases > 5 mm de diamètre. Sensibilité médiocre en dessous.
  • Sans injection de produit de contraste → hypodenses dans 50% des cas, légèrement hyperdenses dans 40%, isodenses dans 10%. Œdème péritumoral hypodense en "doigts de gant". Eventuels kystes hypodenses intratumoral. Faible spécificté (le caractère le plus évocateur est la multiplicité des lésions)
  • Avec injection de produit de contraste → prennent le contraste de façon très variable, dans 90% des cas (rupture de la barrière hémato-encéphalique intratumorale)
  • Un nodule hyperdense prenant le contraste de façon homogène évoque un adénocarcinome, une prise de contraste en anneau évoque un carcinome épidermoïde
  • Il n'y a généralement pas d'effet de masse à l'exception (90%) des métastases cérébrales uniques

IRM cérébrale

  • Détecterait 10 à 20% des lésions non visibles au CT-scanner
  • T2 → lésions généralement hypo-intenses, œdème hyperintense. T1+ gadolinium → prise de contraste quasi systématique.
  • DWI généralement normal, ADC généralement augmenté

Biopsies

Indispensable en cas de lésion cérébrale unique (exérèse totale), de contexte infectieux, en l'absence de primitif retrouvé ou en rémission pour éliminer les diagnostics différentiels.

Recherche du primitif

Examen clinique, CT-scanner thoraco-abdomino-pelvien +- PET-CT, scintigraphie osseuse,…

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Outre le traitement des complications, le choix de l'association des traitements doit être fait selon :

  • La  nature du primitif :
    • Cancers broncho-pulmonaires
      • Opérer les métastases cérébrales uniques accessibles (sauf si carcinome anaplasique à petites cellules). Sinon radiothérapie et chimiothérapie
    • Néoplasies mammaires → chirurgie + radiothérapie si métastases accessible et espérance de survie > 3 mois, sinon radiothérapie et chimiothérapie +- hormonothérapie
    • Mélanome → chirurgie si accessible, même en cas de métastases cérébrales multiples ou d'autre site métastatique + chimiothérapie. La radiothérapie (inefficace dans 2/ 3 des cas) est controversée.
    • Choriocarcinome → métastase fréquemment curable par seule chimiothérapie
    • Adénocarcinome rénal ou colique → généralement chimio- et radiorésistant...
  • L'état neurologique initial, le nombre, la taille et la localisation des métastases
  • Le bilan systémique : stade du primitif ? autres sites métastatiques ?

Il y a cependant peu d'evidence concernant les modalités des traitements et si l'association radiothérapie-chirurgie reste classiquement préférée aux chimiothérapies systémiques, il n'y a pas de démonstration de supériorité de cette attitude. De ce fait, la prise en charge doit être modulée selon les degrés d'expertises du centre de traitement et les préférences du patient.

Gluco-corticoïdes +-…

Ex : 16 mg/ jour de dexaméthasone ou 80 mg/ jour de méthylprednisone (médrol)… effet spectaculaire (résorption de l'oedème tumoral) mais transitoire… permet d'allonger brièvement la survie pour permettre aux autres traitements d'agir.

  • NB : La posologie a peu de bases rationnelles... des doses 4 x moindres auraient le même effet selon une étude…
  • En cas de menace d'engagement sur œdème → augmenter à 100 mg de dexaméthasone ou 500mg de méthylprednisone + mannitol + envisager hyperventilation

A diminuer progressivement après amélioration clinique et début du traitement de fond.

Anti-épileptiques

A instaurer systématiquement en cas de survenue d'une crise épileptique. Recommandé également par certains auteurs (pas de base rationnelles à cette attitude), mais transitoirement en l'absence de crise, au décours de la chirurgie.

NB : un traitement prophylactique peut se discuter pour les métastases cérébrales sur mélanome, classiquement plus épileptogènes... mais pas dans les autres cas.

Chirurgie

+++ associée à la radiothérapie.

  • Indications certaines :
    • Doute diagnostique → à visée anatomopathologique afin d'exclure des diagnostics différentiels
    • Métastase cérébrale unique accessible n'intéressant pas une zone fonctionnelle majeure ni vitale d'un primitif curable, contrôlé ou en rémission
  • Mais la chirurgie peut être également envisagée si :
    • Métastases cérébrales multiples si elles sont accessibles avec risque fonctionnel minime
    • Primitif en évolution si celui-ci a des chances de pouvoir être maîtrisé parallèlement
    • Ne répondant pas à ces critères mais si le pronostic fonctionnel ou vital est immédiatement menacé par l'évolutivité des lésions cérébrales et que les lésions extracérébrales laissent espérer une survie > 3 mois (durée de rémission neurologique généralement obtenue par radiothérapie seule)
    • Certaines complications : hydrocéphalie aiguë symptomatique,…

Radiothérapie

Radiothérapie conventionnelle

++ panencéphalique 30 à 40 Gy par fractions quotidiennes de 2 à 3Gy. Pas d'intérêt démontré d'une irradiation supplémentaire du lit tumoral. Principale complication à terme : démence radique tardive (10-20%).

Envisager l'adjonction d'une corticothérapie durant la radiothérapie.

Gamma-knife

1 fraction unique de 10 à 30 Gy. Envisageable pour les métastases cérébrales de diamètre < 3 cm. Idéale pour une métastase unique non opérable, en cas de primitif non contrôlable ou pour de petites métastases multiples (jusqu'à 4).

Curie-thérapie

A réserver dans le cadre d'études.

Chimiothérapie

De règle, la chimiothérapie est peu efficace pour les petites métastases qui n'ont pas encore acquis une néovascularisation abondante ou rompu la barrière hémato-encéphalique. Molécule à discuter selon la nature du primitif. Discuter une administration systémique versus intra-thécale.

Généralement utilisée en association à la radiothérapie et/ ou la chirurgie. Certains l'utilisent en 1ère intention pour les tumeurs primitives les plus chimio-sensibles (choriocarcinomes, bronchiques anaplasiques à petites cellules >> sein >> bronchique non à petites cellules, mélanomes malins).

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD