Lymphohistiocytoses hémophagocytaires - syndrome d'activation macrophagique - syndromes hémophagocytaires

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Les lymphohistiocytoses hémophagocytaires sont caractérisées par une prolifération systémique de macrophages cytologiquement bénins phagocytant les éléments figurés sanguins associées à une dysfonction cytotoxique. Elles correspondent selon les classifications aux histiocytoses non langerhansiennes et aux histiocytoses à macrophages. 

Historiquement, elles étaient considérées comme des formes familiales des syndromes hémophagocytaires et étaient distinguées du syndrome d'activation macrophagique, défini de même façon mais survenant en association à une pathologie rhumatismale. Ces distinctions semblent aujourd'hui dépassées, ces divers syndromes étant considérés comme parties d'un même spectre pathologique pouvant survenir ou non sur un terrain génétique prédisposant.

Elles se rencontrent chez l'adulte mais concernent préférentiellement les enfants en bas âge. Elles se caractérisent cliniquement par l'association d'un état inflammatoire ("orage cytokinique") à des lésions organiques multiples. Evoluant fréquemment vers une défaillance multi-viscérale, leur pronostic spontané est sévère (mortalité supérieure à 50%) et reste sombre en cas de prise en charge adaptée (la mortalité demeurant de l'ordre de 50%).

Eléments d'épidémiologie

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Les données sont rares, particulièrement chez l'adulte. Le syndrome aurait une incidence de 1 cas/ million/ an chez l'enfant et concernerait 1 hospitalisation pédiatrique sur 3000. Une large série japonaise rapporte que 59% des cas concernaient des patients âgés de moins de 14 ans. Il n'y a pas de prédominance sexuelle rapportée.

Etiologies et classification

Actuellement on distingue les lymphohistiocytoses hémophagocytaires :

  • "Primaires" (représentant jusqu'à 25% des cas rapportés) :
    • Les LHF : "Lymphohistiocytoses Hémophagocytaires Familiales" (autosomiques récessives, survenant généralement avant 2 ans, d'évolution rapide et spontanément fatale). De nombreuses mutations ont été identifiées (gènes impliqués : PRF1, STX11, STXBP2, UNC13D).
    • Divers syndromes d'immunodéficiences primaires ont été associés à un risque accru de syndrome hémophagocytaire (Griscelli, Chediak-Higashi, Purtilo,...)
  • "Secondaires" :
  • Idiopathiques (pas de facteur déclenchant ni de terrain génétique favorisant retrouvé)

Il faut néanmoins garder à l'esprit que les formes "primaires" sont fréquemment déclenchées par les mêmes facteurs que les formes "secondaires", facteurs qui sont à rechercher et à corriger dans tous les cas.

Eléments de physiopathologie

Qu'il survienne ou non sur un terrain génétique prédisposant et quelque soit le facteur déclenchant, le syndrome se caractérise par l'activation et la prolifération anormale de macrophages cytologiquement bénins et l'incapacité des cellules NK et des lymphocytes T cytotoxiques à les éliminer. On observe dès lors une phagocytose d'éléments figurés sanguins par les macrophages et un "orage cytokinique" de par l'activation des macrophages, cellules NK et lymphocytes T cytotoxiques.

Caractéristiques cliniques et biologiques

CLINIQUE

BIOLOGIE

Début brutal (100%) puis vitesse d'évolution variable

Fièvre supérieure à 38,5°C (90%)

Hépatomégalie et/ ou splénomégalie (30-97%)

Adénopathies périphériques (20-40%)

Manifestations cutanées (ictère, purpura, hématomes, œdèmes, nodules, ulcères,…), infiltrats pulmonaires avec dyspnée/ toux sèches, signes neurologiques (irritabilité, confusion, ataxie, troubles visuels, signes méningés, PRES,…), hémorragies digestives, troubles du transit,…

Troubles hémodynamiques jusqu'au choc

Manifestations variables selon l'éventuelle pathologie déclenchante sous-jacente

Ferritine augmentée (92%)

Thrombopénie et/ ou anémie (90%)

Leucocytose précoce (75%) puis leucopénie (60%)

Cholestase et/ ou cytolyse hépatique (80%)

Augmentation des LDH (80%)

Augmentation des triglycérides (60%)

Fibrinogène effondré (43%)

Troubles de la coagulation et coagulation intravasculaire disséminée

Insuffisance rénale aiguë

A noter que les anomalies biologiques sont fréquemment retardées par rapport à la déclaration clinique.

Critères diagnostiques (2004)

Critères cliniques et biologiques (5 critères sur 8 nécessaires au diagnostic) :

  • Fièvre > 38,5°C
  • Splénomégalie
  • Bi- ou pancytopénie (Hb < 9 g/ dl, Pq < 100.000/ microL, PNN < 1000/ microL)
  • Triglycérides > 265 mg/ dl ou fibrinogène < 150 mg/ dl
  • Ferritine > 500 microg/ l
  • Activité NK absente ou diminuée
  • CD25 soluble > 2400 U/ ml
  • Démonstration d'une hémophagocytose dans la moelle osseuse, la rate ou les ganglions lymphatiques

Critères génétiques (formes "primaires") : identification d'une mutation associée aux lymphohistiocytoses hémophagocytaires.

A noter que ces critères ont été élaborés dans le cadre des formes pédiatriques familiales. En outre, au vu du haut taux de mortalité du syndrome, de la survenue fréquemment tardive de certaines anomalies et de l'importance d'un traitement précoce, ils sont surtout utiles pour conforter un diagnostic rétrospectif mais leur absence ne peut justifier un retard thérapeutique en cas de forte présomption clinico-biologique.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel est large et dépend de la présentation clinique. Les conditions suivantes prêtent cependant particulièrement à confusion : sepsis sévères et chocs septiques, défaillances multi-organiques de toutes origines, maladie de Kawasaki, syndromes lymphoprolifératifs, DRESS syndrome, PTT, SHU, réactions transfusionnelles, encéphalomyélite aiguë disséminée,...

Examens complémentaires

En cas d'évocation diagnostique, les examens complémentaires ont pour but de rechercher des arguments en faveur du diagnostic positif, des arguments étiologiques et des arguments en faveur de l'exclusion de diagnostics différentiels. Les analyses à réaliser ou les anomalies à mettre en évidence étant peu rencontrées en routine, un contact direct avec les médecins biologistes, radiologues, anatomo-pathologistes, généticiens,... est souhaitable.

  • Examens systématiques :
    • Biologie :
      • Hématogramme-formule-CRP, VS, coagulation avec fibrinogène et D-Dimères, ferritine, fonctions hépatique et rénale, sérologies (HIV, CMV, EBV,...), sCD25, évaluations fonctionnelles des NK, cytométrie de flux, électrophorèse des protéines, typage lymphocytaire, typage HLA
      • Hémocultures répétées
      • Examen microscopique et culture d'urines
    • Ponction de moelle osseuse
    • Radiographie thoracique
    • Electrocardiogramme et échographie cardiaque trans-thoracique
      • Importance tant pour établir d'éventuelles manifestations hémodynamiques et cardiaques que pour avoir un base-line avant de débuter des traitements potentiellement cardio-toxiques
  • Examens conditionnels (selon les impératifs cliniques) :
    • Ponction lombaire
    • Echographies et CT-scanner thoraco-abdomino-pelvien :
      • A la recherche de néoplasies
      • Pour objectiver une hépatomégalie ou une splénomégalie en cas de doute clinique
    • Analyses génétiques :
      • Utiles pour un diagnostic rétrospectif et un conseil génétique ainsi que pour le planning thérapeutique (greffe)
    • IRM cérébrale
    • Sérologies bactériologiques et parasitaires, coprocultures, divers selon la situation...

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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La prise en charge doit idéalement être débutée en milieu intensif sous monitoring clinico-biologique. Le schéma thérapeutique doit être élaboré au cas par cas en concertation entre intensivistes et hématologues.

De manière générale :

  • Prise en charge supportive adéquate, contrôle tensionnel strict (risque de PRES), transfusions et prophylaxie anti-infectieuse si nécessaire et mesures générales
  • Traitement étiologique lorsqu'un facteur déclenchant est identifié ou présumé :
    • Traitements anti-infectieux empiriques à établir sur base clinique. Ne pas attendre les résultats microbiologiques.
    • Envisager corticothérapie et/ ou immunosuppresseurs en cas de présomption d'une maladie rhumatologique
    • Envisager une chimiothérapie en cas de présomption d'un cancer sans attendre une confirmation histologique
  • Traitement spécifique au syndrome :
    • abstention discutable pour les formes "légères" (absence de manifestations hépatiques, neurologiques, cardiaques, pulmonaires et rénales) cliniquement stables. A instaurer dans tous les autres cas.
    • corticothérapie et/ ou immunosuppresseur + schéma etoposide-ciclosporine
      • en cas de contre-indication (ex : garder à l'esprit que la ciclosporine peut provoquer ou aggraver un PRES), d'autres schémas sont possibles. Ex : CHOP (cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, predinsolone).
    • envisager également une thérapie intrathécale en cas d'atteinte du système nerveux central
  • Greffe hématopoïétique allogénique :
    • A discuter en cas de :
      • Identification d'une mutation en rapport avec les lymphohistiocytoses familiales
      • Dégradation clinique malgré un traitement bien conduit
      • Atteinte du système nerveux central
      • Hémopathie maligne ne répondant pas au traitement
  • En cas de dégradation clinique sous traitement optimal ou de récidive, des anticorps monoclonaux (ex : alemtuzumab [lemtrada]), échanges plasmatiques ou immuno-globulines IV sont parfois utilisées sans autre evidence que des avis d'experts

Pronostic et suivi

Sur base des rares données disponibles, la mortalité globale en l'absence de traitement est supérieure à 50% à long terme et reste de l'ordre de 50% en cas de prise en charge adéquate... A noter cependant, concernant les formes familiales, que, sur le long terme, la mortalité est de 100% en l'absence de greffe hématopoïétique alors que le taux de survie rejoint celui des formes secondaires lorsqu'une telle greffe est réalisée.

De manière générale, sont de mauvais pronostic :

  • la présence d'un cancer sous-jacent
  • une ferritinémie élevée
  • un âge inférieur à 6 mois ou supérieur à 50 ans
  • des manifestations neurologiques
  • une cytolyse hépatique ou un taux de LDH élevé
  • hypoalbuminémie

Un risque de récidive, particulièrement pour les patients ayant des mutations génétiques prédisposantes, est clairement bien établi. On ne peut que se borner à recommander un conseil des patients (et leur famille en cas de mutation identifiée) quant à l'éviction des facteurs déclenchants potentiels ainsi qu'une attitude thérapeutique empirique plus agressive et un suivi médical plus étroit lors de la survenue de toute pathologie aiguë ou vaccination.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD

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