Leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP)

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La leucoencéphalite multifocale progressive ou leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une pathologie infectieuse démyélinisante du système nerveux central, exceptionnelle, due à la réactivation du polyomavirus JC (présent à l'état latent chez environ 80% des adultes) ou, exceptionnellement, d'autres virus (BK, SV40). Elle se caractérise cliniquement par l'installation sub-aiguë d'une sémiologie neurologique variable sans rémission spontanée.

La leucoencéphalite multifocale progressive n'a été décrite quasi exclusivement que dans un contexte de déficience de l'immunité cellulaire (principalement chez des HIV positifs) ou sous traitement immunosuppresseur. Il n'existe pas d'evidence quant à la prise en charge, cette dernière consistant empiriquement à restaurer la fonction immune.

Déficits immuns sous-jacents

Dans plus de 90% des cas de LEMP, un déficit immun est retrouvé, dont :

  • Infection HIV ou stade SIDA (≈ 80%)
  • Autres (≈ 20%)
    • Syndromes lymphoprolifératifs : leucémie lymphoïde chronique, lymphomes
    • Pathologies systémiques : lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, dermatomyosite, polymyosite, granulomatoses,…
    • Divers : cirrhose, fibrose pulmonaire, déficit immun génétique,…
    • Immunosuppresseurs : antirejets (greffes), alkylants, analogues des purines, anticorps monoclonaux (rituximab [Mabthera], natalizumab [Tysabri], alemtuzumab [Lemtrada], efalizumab [Raptiva],…)
      • Facteurs de risque de développer une LEMP sous traitement immunosuppresseur : sérologie sanguine JC positive, durée du traitement, autre traitement immunosuppresseur préalable

Clinique et pronostic

La leucoencéphalite multifocale progressive se caractérise par une installation sub-aiguë de signes neurologiques sans phase de rémission suivie de règle du décès endéans les 6 mois (survie à 1 an ≈ 10%).

Ces données sont cependant à relativiser de par la rareté des données épidémiologiques. En outre, alors que la LEMP était traditionnellement décrite chez les HIV positifs, des cas de survie ont été décrits pour des patient sous immunosuppresseurs dont les doses ont été réduites, ce qui suggère de faire considérer différement le pronostic de ce groupe de patients.

La sémiologie est variable selon la localisation des lésions :

  • Signes visuels (révélateurs dans ≈ 30%) : quadranopsie, hémianopsie latérale homonyme, agnosie visuelle, syndrome de Balint, cécité corticale
  • Troubles moteurs variables
  • Troubles neuropsychologiques (phasiques, mnésiques, troubles de la personnalité, confusion,…) jusqu'à une véritable démence (de règle irréversible à ce stade)
  • Signes sensitifs, troubles cérébelleux, épilepsie, mouvements anormaux,…

Une LEMP est définie comme inactive en cas de stabilité clinique sur les 3 derniers mois + absence d'extension des lésions à l'IRM + négativisation de la PCR.

Les principaux diagnostics différentiels à considérer sont les autres infections du système nerveux central (++ encéphalite à HIV, neurosyphilis et encéphalite herpétique) et un lymphome du système nerveux central.

Examens complémentaires et diagnostic

Critères diagnostiques et diagnostic différentiel

Les critères suivant sont utilisés pour établir le degré de vraisemblance du diagnostic :

 

Clinique

IRM

PCR LCR

Anatomo-pathologie

LEMP possible

Déficit focal progressif

Lésions de la substance blanche corrélées à la clinique

Négative

 Sans objet

LEMP virologique

Déficit focal progressif

Lésions de la substance blanche corrélées à la clinique

Positive

 Sans objet

LEMP histologique

Déficit focal progressif

Lésions de la substance blanche corrélées à la clinique

Positive ou négative

Positive

Cependant, si le diagnostic est facilement évoqué sur base du contexte, il suppose l'exclusion d'autres pathologies susceptibles d'expliquer le tableau clinico-radiologique (en particulier les autres encéphalites infectieuses). Dans les cas des patients atteints d'une sclérose en plaques traités par natalizumab (Tysabri), le diagnostic différentiel peut parfois être difficile avec une simple poussée de SEP et plus encore avec un passage à une forme secondairement progressive de SEP (l'évolution à court ou moyen terme fera alors la différence).

Imagerie cérébrale

  • CT-scanner cérébral : peu sensible, présence occasionnelle de plages hypodenses, généralement sans de prise de contraste à l'injection
  • IRM + gadolinium : lésions hypo-intenses en T1, hyper-intenses en T2 et FLAIR, ++ sous-corticales touchant les fibres en U, ++ supratentorielles, ++ bilatérales asymétriques, ++ peu ou pas d'effet de masse et (peu ou) pas de prise de contraste

Examens biologiques

  • Ponction lombaire : PCR JC virus (spécificité de 90 à 95%, sensibilité de > 75%) sur le liquide céphalo-rachidien (LCR), à répéter en cas de négativité et de forte suspicion clinico-radiologique.
  • Les sérologies sanguines sont inutiles pour le diagnostic positif (les IgG sont ubiquitaires et leur taux ne varie pas en cas de maladie, faux négatifs possibles du fait de l'immuno-dépression des patients).
  • Autres sérologies (et autres examens selon la clinique) sanguines et LCR pour exclure des diagnostics différentiels (encéphalites à HIV, HSV, VZV, HHV6, CMV, syphilis, borrélia,…)

Biopsie cérébrale

Elle peut permettre le diagnostic de certitude (démyélinisation, inclusions nucléaires basophiles dans les oligodendrocytes, astrocytes hypertrophiques, démonstration de virions) mais constitue un acte invasif → à réaliser uniquement en cas de doute avec des diagnostics différentiels curables.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Aucun traitement spécifique n'a fait la preuve de son efficacité → le but de la prise en charge empirique à établir au cas par cas consiste en la restauration immune (prise en charge à déterminer conjointement entre infectiologues, neurologues et éventuellement intensivistes). On ne peut se borner qu'à quelques considérations générales :

  • Patients HIV positifs : initier ou intensifier un traitement anti-rétroviral en préférant des combinaisons d'anti-rétroviraux neuro-actifs.
  • Patients non HIV positifs  :
    • Sous immunosuppresseurs : diminuer les doses ou interrompre le traitement
    • Traités par anticorps monoclonaux : idem + réalisation de plasmaphérèses précoces et répétées (augmenter la clearance de l'anticorps).

Le principal risque iatrogène d'une telle prise en charge réside dans la constitution d'un syndrome de reconstitution immune (IRIS).

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD

Bibliographie

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