Lettre ouverte de médecins belges quant à la crise grecque

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En février 2015, j'avais déjà longuement abordé les répercussions de la "crise économique" (les guillemets ne sont pas innocents) en matière de santé publique et fait allusion à la situation grecque dans un billet.

 

Ce 17 juillet, un groupe de médecins belges a publié une lettre ouverte adressée au premier ministre Charles Michel et à la ministre de la santé Maggie De Block, leur faisant part de leurs graves préoccupations quant à la situation sanitaire grecque.

 

Je me permet de la reproduire ci-dessous.


 

Bruxelles, le 17 juillet 2015

 

Monsieur le Premier Ministre,

 

Madame la Ministre de la Santé,

 

La présente parce que nous, Doyens de Facultés de Médecine, Présidents d’Ecoles de Santé publique, responsables médicaux, réunis à l’initiative de Médecins du Monde, sommes gravement préoccupés par la détérioration du système de santé grec et par la dégradation profonde de l’état de santé de la population grecque. Nous vous demandons d’user de votre influence pour que les accords européens d’aide à la Grèce sanctuarisent l’accès aux soins de santé.

 

Au moins 2,5 millions de Grecs vivent actuellement sous le seuil de pauvreté (1). En mars 2015, Eurostat évaluait le taux de chômage à 25,6%, et ce alors que les indemnités de chômage et la couverture maladie s’arrêtent au plus tard 12 mois après l’arrêt de l’activité. La pauvreté infantile est passée de 23% à 40,5% entre 2008 et 2012 (2). En 2014, 27,3% des Grecs vivaient dans des logements surpeuplés, 29,4% disaient ne plus pouvoir se chauffer pendant l’hiver et 57,9% des plus précarisés étaient contraints de repousser le paiement de factures de base (eau, électricité).

 

La crise économique et la politique d’austérité ont fait de la Grèce l’enfant malade de l’Europe. L’année dernière, l’OCDE annonçait qu’un tiers de la population ne disposait plus de couverture médicale (3) depuis la crise et les mesures de restrictions. De nombreuses recherches scientifiques nous prouvent encore et toujours que les groupes vulnérables sont les premiers touchés par ces mesures (4).

 

Le pourcentage de personnes déclarant des besoins de santé non satisfaits a presque doublé avec la crise, passant de 5,4% en 2008 à 9% en 2013 (5). Entre 2008 et 2011, le nombre de dépressions sévères s’est multiplié par 2,5. Durant la même période, les diagnostics HIV-positif ont presque doublés. Les enfants sont bien sûr les victimes silencieuses de cette crise. Selon l’OCDE, le nombre de bébés de faible poids a augmenté de 16% (6) entre 2008 et 2011. Le nombre d’enfants morts-nés a augmenté de 32% (7).

 

Avant la crise, Médecins du Monde Grèce recevait principalement des migrants dans ses centres de soins. Certaines de leurs salles d’attentes, comme à Perama, sont désormais occupées par plus de 80% de Grecs. 84,9% des patients qui se sont tournés vers Médecins du Monde n’avaient aucune couverture médicale. Seuls 69,7% des enfants étaient vaccinés contre le tétanos, et pas même 60% étaient protégés contre la rougeole, les oreillons ou la rubéole.

 

Nous en appelons à votre très grande attention : le sommet européen du 12 juillet ne garantit pas de préserver les mesures anti-crises prévues par le gouvernement grec.

 

Que souhaitons-nous?

 

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirme que les systèmes de santé nécessitent plus, et pas moins, de ressources dans une économie en crise. Par ailleurs, elle insiste sur les avantages économiques d’un plus fort investissement dans ce secteur. Toujours selon l’OMS, les précédents programmes UE-FMI n’ont pas suffisamment tenu compte de cette prescription (8).

 

Nous demandons au gouvernement belge d’aller dans le sens et de soutenir cette recommandation internationale. Concrètement, nous demandons que la Belgique se positionne dans le cadre des futures négociations européennes avec la Grèce pour exclure la santé du périmètre des réductions de dépenses. Dans les négociations pour un nouveau paquet social avec la Grèce, la Belgique peut plaider pour un système de soins de santé qui protège la population grecque, qui permet au Gouvernement grec de doter le système de santé des moyens permettant de reprendre le chemin d’indicateurs de santé positifs.

 

Nous vous demandons une rencontre afin de discuter de cela sous un éclairage scientifique et déontologique.

 

Avec notre considération très respectueuse,

 

Prof. Michel Roland, Président de Médecins du Monde, et : Prof. Dr. Lieven Annemans – Professeur d’économie de la santé. Université de Gand. Dr. Guy Beuken – Responsable de la maîtrise complémentaire en médecine générale. CAMG – UCL. Prof. Yves Coppieters – Professeur d'épidémiologie et de santé publique, Centre de recherche en Epidémiologie, Biostatistique et Recherche clinique, Centre de recherche en Politiques et systèmes de santé - Santé internationale. Ecole de santé publique – ULB. Prof. Bart Criel - Professeur au Département Santé Publique de l’IMT d’Anvers Prof .Dr. Michel Degueldre - Président de la Fondation CHU- St Pierre Prof. Jan De Maeseneer – Vice-doyen de la faculté de médecine de l’Université de Gand Prof. Dr. Petra Desutter- Professeur à l’Université de Gand, sénatrice Prof. William D’Hoore - Président de l’Institut de recherche santé et société Prof. Guy Durant - Professeur émérite à la Faculté de Santé Publique de l'UCL. Prof. Yvon Englert – Doyen de la Faculté de médecine de l’ULB Professeur Didier Giet – Président du Département de Médecine Générale. Faculté de Médecine - Université de Liège. Prof. Dr. Alain Leveque – Directeur du Centre de Recherche en épidémiologie, Biostatistiques et recherche clinique. Vice-President de l'Ecole de Santé Publique, ULB Prof. Fred Louckx – Professeur de sociologie de la santé, ULB Pascale Peraita – Présidente du CHU St Pierre. Prof. Roy Remmen – Président de l'unité de formation et de recherche des soins de première ligne et interdisciplinaire de la Faculté de médecine, (co)département. Discipline de médecine familiale. Université d'Anvers. Prof. Michel Roland - Professeur de médecine générale ULB/ Président de Médecins du Monde Prof. Dr Marco Schetgen – Vice-Doyen de la Faculté de Médecine, ULB Prof. Dr. Marleen Temmerman – Directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé (Genève) et professeur à l’Université de Gand Pr. Dr. Jean-Pierre Unger – Unité de soins du secteur public, ministère de la Santé Publique, Institut de Médecine Tropicale, Anvers; Hon.Senior Research Fellow, Queen Mary, University of London Prof. Guy Vanderstraeten – Doyen de la faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Gand. Prof. Dr. Guido Van Hal – Epidémiologie et médecine sociale. Sociologie médicale et politique de la santé. Université d’Anvers. Dr. Patrik Vankrunkelsven – Directeur du Centre belge pour l'Evidence-Based Medicine (CEBAM) Prof. Dr. Marc Vanmeerbeeck – Département de Médecine générale, ULg Prof. Dominique Vanpee – Doyen MEDE, UCL. Prof. Dr. Geert Verbeke – Directeur du département de la santé publique et des soins primaires, Institut interuniversitaire de biostatistique et de bioinformatique statistique, KU-Leuven-UHass

 

(1) Statistics on income and living conditions 2013. Athens: Hellenic Statistical Authority, 2013. (2) UNICEF Office of Research. Children of the Recession: The impact of the economic crisis on child well-being in rich countries. Florence, 2014. (3) OECD. Focus on inequality and growth. OECD Directorate for Employment, Labour and Social Affairs. Paris, December 2014. (4) Simou E, Koutsogeorgou E. Effects of the economic crisis on health and healthcare in Greece in the literature from 2009 to 2013: A systematic review. Health Policy 2014; 115: 111-9. (5) http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unmet_health_care_needs_statistics (6) http://stats.oecd.org/index.aspx?DataSetCode=HEALTH_STAT, dernière recherche le 14/07/2015 (7) Vlachadis N, Kornarou E. Increase in stillbirths in Greece is linked to the economic crisis. BMJ 2013; 346: f1061. (8) European Observatory on Health Systems and Policies. Economic crisis, health systems and health in Europe: impact and implications for policy. Geneva: WHO, 2014.

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