La mort - Thanatologie

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La mort

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la définition de la mort est toujours floue et objet de débats. Sur le plan légal, "est mort le sujet qui a été déclaré tel par un médecin"… D'un point de vue médical, le consensus actuel est la cessation irréversible des fonctions cérébrales supérieures (en cas de coma dépassé, il faut un électro-encéphalogramme plat pendant 10 minutes sans agent thérapeutique ni hypothermie susceptible d'interférer, à constater par trois médecins).

Tout décès doit être constaté par un médecin, qui devra attester son caractère naturel ou violent, et déclaré à l'état civil, dans les 48 heures, qui délivrera ou non le permis d'inhumer. Les articles 77 à 87 du code civil prévoient qu'une inhumation ne sera faite que sur autorisation de l'officier d'état civil qui ne pourra la délivrer qu'après s'être assuré du décès (s'être transporté auprès du mort) et que 24 heures après le décès (hormis les cas prévus par les règlements de police et uniquement si le certificat de décès mentionne "mort naturelle").

Modes de décès

Mort naturelle

= mort "endogène" = résultant de l'évolution terminale de l'état pathologique de l'individu. Peut survenir suite à un état morbide connu ou de manière subite. Elle survient généralement sur un état pathologique sous-jacent sur lequel viennent s'ajouter divers stimuli extérieurs (phase digestive, forte chaleur, froid intense, stress,…).

Les principales pathologies concernent le système cardiaque (insuffisance coronarienne, arythmies, anomalies valvulaires, insuffisance cardiaque, cardiomyopathies, cardites), vasculaire périphérique (embolie pulmonaire, ruptures d'anévrismes cérébraux ou aortiques, embolies cérébrales), endocrinien (hyper et hypoglycémies), neurologique (causes d'hypertension intracrâniennes), respiratoire (corps étrangers, bronchopneumopathies chroniques obstructives, asthme, hémoptysies,…), digestif (hémorragies aiguës, pancréatites aiguës, autodigestion).

Notons qu'on estime que 5 à 10% des morts réputées "naturelles" ne le sont pas.

Mort violente

= mort "exogène" = provoquée de manière directe, indirecte ou éloignée par une force extérieure ou d'une violence extérieure avec ou sans participation d'un tiers.

Exemples de causes (élément exogène) :

  • évident : tir balistique, coup de couteau,…
  • embolie pulmonaire suite à l'alitement prolongé en relation avec une fracture de bassin
  • décès par septicémie suite à un séjour en soins intensifs rendu indispensable par des éléments lésionnels

Sur le plan légal, on distingue : homicide volontaire (meurtre, assassinat), homicide involontaire ("accidentel"), accident sans participation de tiers (domestique, travail, transport,…), suicide

Mort suspecte

Elle correspond à un décès dans des circonstances jugées "anormales" sans répondre aux critères précédents.

Mort subite

Elle correspond à une mort inopinée (soudaine et inattendue), sans cause apparente chez un sujet en bonne santé apparente et dans des circonstances qui ne sont pas jugées anormales. Le concept de soudaineté est à prendre au sens large (instantané à quelques heures). Le concept d'inattendu également (ex: le décédé était porteur d'affections chroniques graves, mais rien ne laissait présager une mort à brève échéance). 

95% des morts subites ont une cause naturelle. Chez l'adulte, elle est souvent en relation avec des troubles du rythme ventriculaire.

Mort subite du nourrisson et du jeune enfant (SIDS)

Loi de 2003 → autopsie automatique en cas de décès inopiné et médicalement inexpliqué d'un enfant < 18 mois sous réserve de l'autorisation parentale et de la communication des résultats aux parents. L'étiologie la plus fréquente est une immaturité des centres respiratoires. Le SIDS reste un diagnostic d'exclusion.

Le cas de l'euthanasie

L'article 15 de la loi de 2002 prévoit que l'euthanasie effectuée dans le respect de la loi soit considérée comme "mort naturelle" pour l'exécution des contrats du patient (assurances,…).

Certificat de décès 

Etabli par un médecin (volets A et C du certificat), il certifie la mort, son type et sa cause. Son coût est à charge des héritiers, aucun tarif n'étant prévu…

A noter que les cas ayant nécessité une autopsie ont démontré une erreur du diagnostic indiqué sur le certificat de décès dans 75% des cas !

Type de décès (volet A)

  • cause naturelle
  • accident de la circulation
  • autre accident
  • suicide
  • homicide
  • sous investigation
  • n'a pu être déterminé

Cause du décès (volet C)

Mentionner toute maladie ou affection morbide ayant directement provoqué le décès. Mentionner le mécanisme initial. Ex : bronchopneumonie suite à une fracture du fémur (→ sera considéré comme mort violente)

Autopsie et examens complémentaires

En cours, prévue, non ou ne sait pas

→ transmission à l'officier d'état civil qui a délégué ses pouvoirs au médecin. Le permis d'inhumer est délivré 24 heures après le certificat s'il mentionne "mort naturelle". En cas d'autre mention → déclenchement d'une enquête de police.

Le cadavre

Destination du corps

Interdiction du commerce de cadavres (un squelette peut par contre être vendu...). Interdiction de violer une sépulture. Possibilité de donner son corps à une école de médecine.

L'incinération

Depuis 1971, on peut procéder à une incinération s'il n'y a pas opposition de la famille (en cas de désaccord : compétence du président du tribunal de 1ère instance). Auparavant il fallait que le défunt en ait exprimé le souhait.

L'exhumation

Lorsqu'elle est jugée nécessaire, son autorisation est donnée par l'officier de l'Etat civil (au nom du bourgmestre) → il ne s'agit pas légalement d'une violation de sépulture.

L'autopsie

Peut être de trois types :

  • l'autopsie pénale = autopsie de police = autopsie médico-légale
    • en cas de mort suspecte ou de mort violente avec suspicion de participation de tiers
    • = mesure d'expertise pénale décidée par le juge d'instruction
      • En cas d'évidence, le Procureur du Roi peut théoriquement l'initier (peu réalisé en pratique car plus facilement attaquable pour vice de procédure)
    • Procédure :
      • Décès violent ou suspect → le Procureur est averti et ouvre une information
      • → les services de polices requièrent, à la demande du Procureur, un médecin (de première ligne) ou le Procureur saisit directement le médecin légiste
      • → conclut à une mort naturelle, violente ou suspecte
      • → le Procureur saisit le juge d'instruction qui peut ordonner une autopsie médico-légale
    • La famille ne peut pas s'y opposer
    • Le corps devient une pièce à conviction saisie temporairement par les autorités judiciaires
    • → autopsie complète et systématique pratiquée par deux médecins légistes
  • l'autopsie civile = autopsie judiciaire
    • lorsque des intérêts civils sont en jeu (ex : accident du travail ayant entraîné la mort, décès tardif suite à un accident) sans enjeu pénal
    • Les proches peuvent s'y opposer sauf dans les cas où :
      • Le défunt a donné l'autorisation de son vivant
      • Le juge passe outre du fait d'enjeux estimés très importants
  • l'autopsie médico-scientifique
    • en l'absence d'enjeu civil ou pénal. Généralement réalisée à visée épidémiologique (confirmation d'un diagnostic,...)
    • seulement en cas de mort naturelle
    • les proches peuvent s'y opposer

Le prélèvement d'organes

Régit par la loi de 1986. Doit être effectué par un médecin en hôpital, en respectant la dépouille mortelle, en ménageant les sentiments de la famille, en conservant l'anonymat du don. Pas de bénéfice, pas de droit du donneur et de ses ayant-droits sur le receveur. 

En cas de décès, devant être constaté par trois médecins, il est possible ("présomption de consentement"), sauf opposition expresse du vivant du donneur (consulter le registre national des personnes physiques) ou des proches, qui doivent être informés du prélèvement. Si le donneur avait exprimé par écrit son autorisation de son vivant, les proches doivent être informés mais ne peuvent s'y opposer.

Dispositions en matière d'euthanasie en Belgique

Elles sont définies par la loi de 2002 modifiée en 2014 (extension aux mineurs). Chacune des étapes et les différents rapports doivent être consignés dans le dossier médical du patient.

Dans tous les cas, tout médecin est libre, sans avoir à se justifier, de refuser (comme pour tout acte médical ne relevant pas d'une urgence médicale) une requête d'euthanasie émanant un patient. En cas de refus, le patient est libre de réitérer sa demande auprès d'un autre médecin à qui sera transmis le dossier médical.

De même, personne, quelque soit sa profession, n'est tenu de participer de quelque manière que ce soit à une euthanasie.

L'euthanasie, consistant en l'administration de produits dans le but d'obtenir la mort, est une procédure évidemment totalement différente du principe de décroissance thérapeutique ou de l'administration de sédatifs et d'antalgiques en fin de vie (même dans le cas où ceux-ci accélèrent le décès), depuis longtemps admises dans notre pays. La confusion entre ces différents concepts est fréquente, surtout dans les pays tels que la France qui n'ont pas légiféré en faveur de l'euthanasie.

Le cas des patients conscients

La demande doit être formulée spontanément par le patient auprès d'un médecin.

Le médecin est libre, sans avoir à se justifier, de donner suite ou de refuser (comme pour tout acte médical ne relevant pas d'une urgence médicale) une requête d'euthanasie par un patient. En cas de refus, le patient est libre de réitérer sa demande auprès d'un autre médecin. Dans le cas où cette demande est acceptée par un médecin, ce dernier devra :

  • s'assurer que le patient (ou s'il en est incapable, un majeur qu'il désigne et qui n'est pas intéressé matériellement à son décès) et, le cas échéant, ses représentants légaux actent la demande d'euthanasie par écrit
  • vérifier qu'il se trouve dans les critères légaux:
    • patient majeur, mineur émancipé ou mineur "capable de discernement" (après, dans ce dernier cas, expertise psychologique ou pédo-psychiatrique, et avec l'accord informé de ses parents ou tuteurs légaux)
    • demande formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée (à plusieurs intervalles dans un délai raisonnable) après information et concertation
    • pas de pression extérieure
    • souffrance physique ou psychique constante et insupportable suite à une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable (la souffrance psychique étant à prendre en compte uniquement pour les patients majeurs ou mineurs émancipés)
    • situation médicale sans issue
    • si le patient est un mineur "capable de discernement", le décès doit être estimé intervenir "à brève échéance"

Si ces critères sont respectés, le médecin devra consulter un confrère indépendant de lui-même et du patient afin qu'il se prononce sur base du dossier médical sur le caractère grave et incurable de l'affection, pour laquelle il doit être compétent. Il devra également consulter l'équipe soignante éventuelle en contact avec le patient. Si le patient en fait la demande, le médecin devra s'entretenir avec les proches désignés.

Si le patient est majeur ou mineur émancipé et que son décès n'est pas estimé intervenir "à brève échéance", le médecin doit consulter un nouveau confrère indépendant et spécialiste de l'affection concernée pour qu'il se prononce, après avoir pris connaissance du dossier médical et examiné lui-même le patient, sur la conformité des critères précédents. En outre, l'euthanasie ne peut dans ce cas survenir avant un mois suivant la demande écrite du patient.

La procédure peut être annulée à tout moment par le patient.

Le cas des patients inconscients : la déclaration anticipée

Il existe également une procédure de "déclaration anticipée" de demande d'euthanasie, ouverte aux majeurs et mineurs émancipés. Elle consiste à consigner par écrit sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie si celui-ci constate : une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qu'il est inconscient et que cet état est jugé "irréversible selon l'état actuel de la science". Cette déclaration peut désigner une ou des personnes de confiances (qui ne peuvent être le médecin traitant, un médecin consulté et les membres de l'équipe soignante) chargées d'informer le médecin traitant de son existence et doit être dressée en présence de deux témoins majeurs qui n'ont pas d'intérêt matériel au décès du patient. Elle doit être datée et signée par le déclarant, les témoins et le cas échéant les personnes de confiance.

Cette déclaration peut être retirée à tout moment par le déclarant. Elle peut être enregistrée à l'administration communale.

Lorsque cette demande est transmise à un médecin, par la personne de confiance ou les services du registre national, il doit, pour y donner suite, s'assurer que :

  • Les conditions ci-dessus sont remplies
  • Le patient présente une affection grave et incurable et est inconscient de manière irréversible
  • La déclaration ne date pas de plus de 5 ans

Il doit ensuite consulter un confrère indépendant et compétent quant à l'affection qui se prononcera après avoir pris connaissance du dossier médical et examiné le patient. Il doit également s'entretenir avec les éventuelles équipe soignante et personnes de confiance.

Après l'euthanasie

Le médecin ayant pratiqué l'euthanasie doit la déclarer au moyen d'un document d'enregistrement dans les 4 jours ouvrables suivants auprès de la commission fédérale de contrôle et d'évaluation (composée de 8 médecins, de 4 professeurs universitaires de droit et de 4 "issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable").

Cette commission se prononce endéans les deux mois sur la régularité de la procédure. Si elle juge, à la majorité des deux tiers, la procédure irrégulière, le dossier est envoyé au Procureur du Roi compétent. Dans le cas contraire, le décès est réputé de "mort naturelle".

Des limites de la loi et de ses résultats...

L'adoption du principe de l'euthanasie répond à une demande largement partagée tant du corps social que du corps médical. Trois problèmes majeurs sont cependant posés :

  • Tout d'abord, les critères fixés sont larges et d'interprétation très subjective, particulièrement en ce qui concerne le concept de "souffrance insupportable", laissant une lourde responsabilité au médecin. Comment objectiver une souffrance "insupportable" ? Quand une "souffrance psychique" devient-elle "insupportable" ?
  • A l'inverse, la procédure est extrêmement codifiée, lourde et complexe, ce qui demande une vigilance de tous les instants du médecin (sauf pour la procédure de demande anticipée où une partie de la charge de la procédure repose sur le patient) afin de s'assurer de sa conformité et un investissement important de temps en travail administratif, sous peine pour le médecin de s'exposer à des poursuites judiciaires pour homicide volontaire.
  • Enfin, les dispositions de 2014 (extension de la loi de 2002 aux mineurs) ont été adoptées sans réel débat de société. Ainsi, la Chambre des représentants a ouvert les débats sur le projet de loi le 12 février 2014 et la loi a été votée... le 13 février 2014. Les associations médicales n'ont quant à elles pas été consultées par les représentants. Des lettres ouvertes signées par un total de plus de deux cent pédiatres demandant au président de la Chambre de ne pas "hâter le débat", de laisser le temps à la réflexion et d'engager une consultation des médecins du pays ont été purement et simplement ignorées. Enfin, le "débat" public a été tellement discret que la grande majorité de la population n'a pris connaissance de ces dispositions qu'après le vote... voire les ignorent encore aujourd'hui. Il est probable (sur base de sondages) que la majorité de la population était non seulement favorable à la loi de 2002 mais également à son extension aux mineurs. Cependant, les conditions exécrables dans lesquelles cette dernière a été adoptée pose non seulement des questions quant aux préoccupations du consensus social de nos représentants mais, surtout, quant à leur incapacité à comprendre un fait pourtant simple : in fine, l'application correcte de ce type de lois repose tant sur l'information que sur l'adhésion du corps médical, sensé à la fois informer les patients, mener la procédure et pratiquer l'euthanasie. S'abstraire de ce fait, c'est prendre le risque de voir émerger des pratiques erratiques.

On peut tirer quelques constats mitigés de l'application de la loi de 2002 (il est trop tôt pour évaluer ceux de l'extension aux mineurs) :

  • Le principe même de l'euthanasie est indubitablement approuvé par la grande majorité du corps médical et de la population
  • Officiellement, de 1 à 2% des décès annuels résultent désormais d'euthanasies, en hausse constante. Par définition, et contrairement à des rumeurs propagées par diverses associations ou médias, il est évidemment impossible de connaître le nombre d'euthanasies "clandestines", que ce soit avant ou après la loi.
  • Environ 80% des euthanasies déclarées concernent la population néerlandophone. Or, celle-ci ne représente que 60% de la population du pays... et, qui plus est, pour des raisons de disparités géographiques socio-économiques, la morbi-mortalité globale est supérieure chez les francophones. Les pratiques sont donc très inhomogènes, quelles qu'en soient les raisons (conservatisme ? convictions philosophiques ? différences d'information ? des patients ? des médecins ?).
  • Plus de 95% des euthanasies concernent des patients conscients. La déclaration anticipée est peu utilisée. Imprévoyance ? Public peu ou pas informé ? Public rebuté par la partie administrative à sa charge spécifiquement dans ce cas ? Résistance du corps médical ?
  • Près de la moitié des euthanasies ont lieu en ambulatoire, ce qui témoigne d'une bonne adaptation des médecins généralistes et structures palliatives ambulatoires
  • Alors que près de 80% des cas sont motivés par des cancers, le médecin "spécialiste de l'affection" concernée consulté en deuxième intention est un psychiatre dans plus de la moitié aux trois-quarts des cas selon les années, ce qui paraît disproportionné. Cela témoigne-t-il du fait que le médecin de première ligne désire plus se rassurer quant au tempérament de son patient que de s'assurer du caractère "grave et incurable" de l'affection elle-même ?
  • Des "souffrances psychiques" sont fréquemment mentionnées mais rarement isolément (de 1 à 7,5% des cas selon les années). Ce pourcentage tend cependant à augmenter. Les dossiers étant confidentiels, il est impossible d'en tirer plus de conclusions.
    • Un cas particulier a cependant fait la une des médias. Il s'agissait d'un détenu reconnu souffrant de "troubles psychiques" emprisonné depuis 26 ans pour viols et meurtres. Estimant ne pas recevoir les soins qui lui semblaient nécessaires dans son centre pénitentiaire, il avait fait la demande d'être transféré dans une prison disposant des installations adéquates. Sa demande ayant été rejetée par le ministre de la Justice et ayant épuisé tous les recours, il avait alors formulé une demande d'euthanasie estimant ses souffrances psychiques insupportables du fait de ses conditions d'incarcérations. Cette demande ayant été validée par son médecin et par un médecin consultant, une date d'euthanasie fut fixée. Dans la foulée, plus d'une vingtaine de détenus firent une demande similaire. Le ministre de la justice confirma tout d'abord son refus. Cependant, suite à l'indignation tant d'une partie du public que de nombreux médecins et de la Ligue des Droits de l'Homme (dont le communiqué évoquait explicitement une "peine de mort déguisée"), le ministre accepta finalement de transférer le détenu, qui retira alors sa demande d'euthanasie, dans une prison disposant d'une aile psychiatrique.
    • Ce cas est évidemment tout à fait exceptionnel. Il rappelle cependant la problématique du flou entourant la "souffrance psychique insupportable" et pose la problématique des inégalités sociales face à la médecine qui apparaissent particulièrement crûment en ce qui concerne l'euthanasie. Au delà de ce cas, on a pu constater plusieurs cas de patients ayant effectué des demandes d'euthanasies pour des souffrances physiques et psychiques... et les ayant retiré lorsqu'une amélioration de leurs conditions sociales a pu être réalisée tel qu'un logement plus confortable ou une assistance humaine... Dès lors, la médecine apparaît une fois de plus comme un palliatif à de graves manquements socio-politiques.
  • Concernant le vécu des soignants, il n'y a évidemment pas de statistiques. Si les médecins spécialistes ou généralistes et le personnel paramédical semblent bien conscients de leurs droits, certains cas de médecins en formation débutant leur pratique semblent par contre problématiques. Dans certains services, ils sont en effet confrontés à des seniors qui se déchargent entièrement de la procédure sur eux, refusent d'y prendre part et ne les informent pas de leur droit de refus. C'est totalement inacceptable.
  • La commission valide directement environ 80% des dossiers transmis. Dans près de 20% des cas, elle décide cependant de lever l'anonymat afin de mieux s'informer auprès du médecin responsable sur base d'erreurs de procédures. Aucun dossier jusqu'ici ne semble cependant avoir été transmis au Procureur du Roi.

Thanatologie

Signes de la mort

Signes immédiats

  • arrêt des fonctions cérébrales
    • abolition de la conscience, de la sensibilité et de la motilité
    • flaccidité musculaire (abolition des réflexes myotatiques, mydriase bilatérale, relâchement éventuel des sphincters)
  • arrêt de la respiration
    • absence de mouvements thoraciques et signe du miroir (absence de buée témoignant d'une respiration)
  • arrêt de la circulation
    • absence de pouls central

Cependant, ces signes sont assez flous, le seul diagnostic de certitude précoce restant l'électro-encéphalogramme continu, même s'il est peu utilisé pour d'évidentes raisons pratiques.

Signes semi-tardifs et détermination d'un délai post-mortem court

L'examen externe permet alors d'établir le décès avec certitude et l'étude des paramètres thanatologiques d'estimer le délai post-mortem.

Hypostase (lividités cadavériques)

  • 1ère étape  = lividités non fixées : apparaissent en moins d'une heure post-mortem, toujours mobilisables et cédant à la vitropression (les liquides étant encore contenus dans les capillaires). Elles débutent dans les régions cervicales avant de s'étendre au reste du corps.
  • 2ème étape = fixation : hémoconcentration par stagnation et filtration des liquides plasmatiques vers le liquide interstitiel + rupture des capillaires + rupture des hématies et libération d'hémoglobine. Ce processus prend de 10-12 heures à 36 heures post-mortem. La coloration des lividités dépendant de l'état de l'hémoglobine : habituellement rose-bleutées, plus foncées en cas d'asphyxie, rouge carmin en cas d'intoxication au CO, absentes en cas d'anémie ou d'hypovolémie,…

L'hypostase ne se marque pas au niveau des points d'appui → élément important pour déterminer les mobilisations du cadavre. 

Ce n'est cependant pas toujours très clair → ex : hypostase cartonnée de coloration rougeâtre en raison du froid… ou… froid ? ou... évolution putréfactive ? ou... intoxication au CO ? ou...

Rigidité cadavérique 

Elle résulte du blocage des interactions ATP-dépendantes actine-myosine (consommation de l'ATP → libération de calcium → acto-myosine) et apparaît sur l'ensemble du corps en 6 heures (dès 3 heures au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire) touchant les membres supérieurs avant les membres inférieurs. Elle se résout en 48 heures (putréfaction). Ce temps peut fortement varier sous l'influence de facteurs :

  • endogènes : température centrale initiale, efforts importants (consommation d'ATP augmentée), plus court chez l'enfant et le cachectique
  • exogènes : température ambiante (retardée par le froid), isolants thermiques (vêtements, revêtement du sol,…)

Décroissance thermique post-mortem 

  • en moyenne : perte de 1°C/ heure…
    • mais stade de plateau durant les 2-3 premières heures
    • mais stade de plateau à l'approche des 24 heures post-mortem
    • → courbe sigmoïde décroissante
  • En outre, cette courbe de base peut varier selon :
    • La température ambiante
    • La température initiale du corps
    • La surface corporelle (voir calculateur sur le site)
    • Les éventuels vêtements, le fait que le corps ait été recouvert
    • Le coefficient de refroidissement thermique variant selon :
      • Intérieur ou extérieur ?
      • Conditions climatiques

Opacification cornéenne

Apparaît en 45 minutes si les yeux sont ouverts, en 24 heures si les yeux sont clos.

Dosage du potassium dans le corps vitré 

Avantage : utilisable pour les délais post-mortem > 24 heures. Il existe diverses formules prédisant l'augmentation de potassium.

Signes plus tardifs et délai post-mortem long

Phénomènes putréfactifs

La putréfaction résulte de l'action des bactéries anaérobies sur les protéines : décarboxylation des protéines → production de diamines (putrescine, cadavérine,…)

Séquence (très accélérée en cas de temps chaud,…):

  • Envahissement à partir des microbes du tube digestif (+++ clostridium car conditions cadavériques favorables aux anaérobies)
  • Tache verte abdominale (dilatation du tube digestif qui arrive au contact de la peau, catabolisme de l’Hb avec production de choléglobine) dans les 48 heures
  • Lacis veineux putréfactif, commence en axillaire pour s'étendre, se marque bien au cinquième jour
  • Infiltrations de gaz (méthane), la vésicule biliaire laisse sa bile couler sur les tissus avoisinants
  • Phlyctènes et liquide sanieux :
    • Les phlyctènes = décollements épidermiques (les gaz voyagent par les vaisseaux → dans les espaces sous-cutanés)
      • Boursouflures du visage → méconnaissable, yeux exorbités, langue protruse
      • Éclatement → liquide sanieux
      • Corps entier devient verdâtre
      • La tête devient noirâtre
      • Les phanères (cheveux,…) se détachent

La putréfaction dépend de :

  • la température
  • l'humidité
  • le pH
  • des facteurs propres au cadavre
  • des conditions d'une éventuelle inhumation :
    • Dans les sols sablonneux et chauds → momification, pas de putréfaction
    • Dans les marais tourbeux : absence d'air + acidité de la tourbe → pas de putréfaction

Apports de l'entomologie

Suite à la putréfaction → production d'amines, butyrate, NH3 → odeur → attire des insectes → ponte → larves → pupes (nymphes) → adultes → accroissent les dégradations biochimiques →… 8 escouades d'insectes au total, dont l'identification permet une estimation du délai post-mortem :

  • la première escouade : Musca – Calliphora (mouches)
    • cadavre frais, mort récente
    • ponte de plusieurs centaines d'œufs
    • éclosion après 8 à 14 heures
    • les larves (asticots) se nourrissent immédiatement
    • croissance complète après 4 jours
    • au 6ème jour : elles se cachent et se transforment en pupes
    • après le 11ème jour : apparition d'adultes (mouches)
  • 2ème escouade : Lucillia – Sarcophaga (mouches)
    • Odeur cadavérique du corps à l'air libre
    • Souvent : apparition jumelée avec la 1ère escouade
  • 3ème escouade : Dermestes et Aglossa (coléoptères et lépidoptères)
    • Arrivent 3-9 mois après la mort sous nos climats
    • Attirés par les acides gras volatils, l'acide butyrique,… provenant de la transformation des graisses
  • 4ème escouade : Pyophila et Corynètes (mouches et coléoptères)
    • Arrivent au stade de la fermentation caséique, suivant rapidement la fermentation butyrique.
    • ~10 à 12 mois après la mort si le cadavre se trouve à l'air libre.
  • 5ème escouade : Tyreophora, Lonchea, Ophyra, Phora, Necrophoris, Silpha (coléoptères)
    • Stade de la fermentation ammoniacale, avec liquéfaction noirâtre des matières encore présentes (non consommées par les précédentes escouades)
    • Survient entre 1 à 3 ans après la mort
  • 6ème escouade : les acariens
    • Achèvent l'absorption des humeurs imprégnant encore le corps
    • → dessiccation complète ou momification des zones ayant résisté à la putréfaction
    • Survient entre 1 à 3 ans après la mort
  • 7ème escouade : Aglossa, Tineola, Attegenus, Anthrenus,… (coléoptères)
    • Rongent les tissus parcheminés et font disparaître poils et cheveux.
    • Rongent aussi les vêtements, laines, tapis, fourrures,…
    • Leurs excréments constituent la poudre retrouvée
    • Survient 2,5 à 4 ans après la mort
  • 8ème escouade : Tenebrio et Ptinus
    • Font disparaître tous les débris
    • Signent un délai post-mortem > 3 ans. 

Les évolutions cadavériques alternatives à la putréfaction

Momification

Elle survient en cas de chaleur sèche prolongée et consiste en une déshydratation-dessiccation (→ réduction de volume et parcheminement des téguments).

Elle se déroule idéalement à > 40°C mais pas seulement, la condition indispensable étant une PH2O (humidité relative) proche de 0.

Elle se rencontre fréquemment dans les pays sahariens. Dans nos pays on peut la rencontrer dans des locaux longés par des conduits de cheminés,…

La "cryogénisation"

Une température < - 40°C permettrait une conservation quasi-indéfinie d'un cadavre.

La transformation adipocireuse ou saponification - adipocire ("gras du cadavre")

Résulte d'une transformation post-mortem du tissu adipeux (graisses sous-cutanées, péri-rénales, omentales, mésentériques) qui prend l'aspect de cire:

  • tissu ferme et dur au froid
  • tissu plus mou et huileux à température normale
  • coloration initialement blanc-grisâtre (coloration possible par la dégradation du sang)
  • odeur nauséabonde

Cette transformation résulte de l'hydrolyse des graisses par les lipases intrinsèques et puis par des enzymes bactériens (clostridium), l'eau nécessaire provenant du corps → mélange d'acides gras et de savons. 

Elle peut par exemple survenir suite au blocage de la putréfaction par une immersion ou une inhumation → l'hydrolyse et l'hydrogénation "prennent le dessus" → formation d'adipocire.

La formation de l'adipocire est lente : entre 15 jours et 3 mois et demande une grande humidité. Elle peut être favorisée par:

  • l'obésité
  • le recouvrement du corps par des vêtements
  • l'immersion
  • l'inhumation (++ en cas de température d'inhumation > 0°C)
  • le confinement

Elle peut persister des années à plusieurs siècles.

Evolution cadavérique

En bref :

  • Si le cadavre est à l'air libre :
    • Mode de transformation habituelle (++ en cas de température > 5°C et pas de sécheresse) → PUTREFACTION LIQUEFACTIVE +++
    • En cas de chaleur + sécheresse → MOMIFICATION ++
  • Si le cadavre est inhumé, immergé ou confiné dans un espace restreint → TRANSFORMATION ADIPOCIREUSE ++
  • (Conservation du cadavre à une température < - 40°C → cryogénisation)