Insuffisance rénale chronique

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Une insuffisance rénale chronique (IRC) est définie comme une altération progressive et irréversible de la fonction rénale, secondaire à une perte définitive du nombre de néphrons fonctionnels, quel qu'en soit la cause. En pratique on peut s'accorder sur des critères arbitraires tels que la démonstration d'une atteinte rénale ou d'un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 90 ml/ minute/ 1,73 m2 durant > 3 mois (la créatininémie ou la clearance de la créatinine sont de mauvais marqueurs et ne devraient être utilisés que comme éléments d'orientation).

Etiologies

Les causes principales (en augmentation) sont le diabète et les néphropathies hypertensives.

  • Néphropathie diabétique      ~15-30%
  • Néphro-angiosclérose hypertensive      ~20-30%
  • Glomérulonéphrites       ~15-20%
  • Néphrites interstitielles/ pyélonéphrites chroniques    ~15%
  • Polykystose rénale     ~10%
  • Néphropathie toxiques/ médicamenteuses
  • Néphropathies secondaires aux collagénoses et vasculites
  • Autres : néphropathies ischémiques, embols de cholestérol, myélome multiple, amyloïdose, syndrome d'Alport, obstacle sur les voies urinaires, manque d'apport chronique en H2O,…

Stadification

Stade

DFG

 Autre critère

 Attitude

1

N (> 90)

Atteinte rénale ou/ et HTA

Tter les comorbidités + prévention CV

2 = IRC minime

60-89

 

Idem + suivi rapproché

3 = IRC modérée

30-59

 

Prévenir, dépister et tter les complications

4 = IRC préterminale

15-29

 

Préparer le patient à une dialyse / greffe

5 = IRC terminale

< 15

 

Fatale en l'absence de substitution

Clinique

  • Signes variables selon l'étiologie
  • Signes d'urémie (cf IRA)
  • Cf complications

Le sexe masculin, une protéinurie importante, une HTA et une hyperlipidémie sont des facteurs prédictifs d'une IRC plus rapidement progressive.

Complications

Ostéodystrophie rénale

Insuffisance rénale chronique - complications

→ possibles d+ ostéo-articulaires, myopathie, pseudo-crises de goutte, déformations et fractures pathologiques + calcifications articulaires et vasculaires et majoration du risque CV. A noter qu'un tableau similaire peut se rencontrer en cas d'amylose à β-2-microglobuline qui est à exclure. Les patients IRC sont également plus à risque de développer une ostéoporose.

On définit également l'ostéopathie mixte (ostéopathies à remodelage osseux élevé mais avec un volume ostéoïde augmenté) considérée par certains comme une association d'ostéite fibreuse et d'ostéomalacie. Elle se rencontre principalement dans les cas d'ostéite fibreuse parathyroïdienne et d'intoxication aluminique secondaire.

La forme la plus fréquente d'ostéodystrophie est l'ostéite fibreuse. Seule une biopsie osseuse permet d'établir un diag histologique de certitude, mais elle ne semble indiquée qu'en cas d'ostéodystrophie symptomatique avec exposition aluminique préalable. Les ostéodystrophies aluminiques sont devenues exceptionnelles.

Moyens  diagnostiques non invasifs face à une ostéodystrophie :

  • RX : peu sensible
  • Scintigraphie osseuse : hyperfixation  diffuse en cas d'ostéite fibreuse, éventuelle hypofixation en cas d'ostéopathie adynamique. Aide si diag biologique incertain.
  • Ostéodensitométrie : surtout utile pour le suivi du degré d'ostéopénie
  • Biologie : Ca, P, protéines, bicar, PAL +- aluminium et ferritine, 25 OH-vit D, PTH intacte +- PAL osseuses. Orientation biologique :
Insuffisance rénale chronique - ostéodystrophie rénale - mise au point

Toute incohérence/ doute impose la réalisation d'une scintigraphie (fréquente surestimation de la PTHi du fait de la présence de fragments inactifs).

Hypertension artérielle secondaire

Insuffisance rénale chronique - Hypertension artérielle secondaire

Anémie rénale

Peut classiquement s'observer dès une IRC de stade 3. Multifactorielle, mécanisme principal : IRC → diminution EPO → anémie → diminution PaO2 → aggrave IRC. Typiquement normochrome normocytaire hyporégénérative (peut être microcytaire en cas de carence martiale ou macrocytaire en cas de carence en folates/ vit B12, fréquentes chez le patient IRC). Exclure toute autre cause d'anémie avant tt par EPO.

Troubles de l'hémostase

Complexes, ils font coexister une tendance hémorragique prédominante (sur anémie, hypoagrégabilité plaquettaire [toxines urémiques], thrombopénie [infections virales, carence en EPO, induite par l'héparine], perte de facteur de vW,…) et un état prothrombotique (sur diminution des inhibiteurs de la coagulation, [toxines urémiques ?], augmentation de la prévalence des Ac antiphospholipides, augmentation des microparticules plaquettaires,…).

Le meilleur test prédictif de saignements (de tous ordres) demeure le Temps de Saignement. Aucun marqueur d'hypercoagulabilité n'a encore été validé comme prédictif de phénomènes thrombotiques (thromboses d'accès vasculaires, AVC, syndromes coronariens et diminution du taux de succès des angioplasties, TVP et EP ?).

Malnutrition protéino-calorique

Multifactorielle : anorexie, hypercatabolisme, soustraction de nutriments par la dialyse, pertes sanguines (HH digestives, prélèvements, séquestration sur dialyse), résistance à l'insuline et IGF-1, accumulation de toxines. Evalutation par de multiples moyens, bons indicateurs :

  • Albumine en début/ cours de dialyse est bon indicateur du risque de mortalité (but = albumine > 4 g/dl, sinon faire une évaluation de malnutrition, ininterprétable en contexte inflammatoire).
  • Pool de protéines sériques : ~idem, limite à 30 mg/dl
  • Un cholestérol < 150 mg/dl impose également une évaluation
  • Poids, IMC, plis cutanés, circonférence brachiale

Complications de l'urémie

Cf Insuffisance rénale aiguë

Mise au point

Affirmer une IRC - éliminer une IRA

Pas toujours aisé lors d'une découverte d'une IR en l'absence de biologies préalables. Anamnèse + RX arbre urinaire + écho (atrophie rénale est très évocateur d'une IRC) +- CT + évolution

Etablir l'étiologie

  • Anamnèse et clinique
  • Biologie : au minimum hémogramme, CRP, VS, iono, albumine, TG et cholestérol, électrophorèse des protéines, glycémie
  • Tigette urinaire et urines de 24h (avec électrophorèse des protéines et clearance)
  • Echo-doppler, (angio-CT/ scinti-IEC)

Rechercher et corriger les éventuels facteurs récents d'aggravation

Infections, HTA, hyperlipidémie, néphrotoxiques.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Mesures générales

  • Supprimer/ réduire autant que possible les médocs néphrotoxiques (++ AINS, aminosides, cisplatine, PCI, ciclosporines). Adapter les posologies des médocs dont la pharmacocinétique est modifiée en cas d'IR et présentant un haut risque en cas d'accumulation (++ digitaliques, antiarythmiques, héparine, HBPM, antiprothrombiques, metformine et sulfamides hypoglycémiants, Chth, fibrates, statines) + surveiller leurs taux sériques.
  • Consultation diététique pour régime hypoprotidique à 0,8-1g/kg/j et 30-35 kcal/kg (sauf si malnutrition/ dialysé/ affection aiguë intercurrente), limitation des apports en K+ (éviter jus/ potages/ fèves/ pois)
  • Minimiser les facteurs aggravants = néphroprotection :
    • HTA (cible = < 13/8 si protéinurie < 1g/j, < 125/75 si protéinurie > 1g/j) et protéinurie (cible = < 0,5g/j)
      • 1er choix = IEC (! risque d'hyperK → surveillance et diététique !)
        • 2ème choix (1er si néphropathie sur diabéte de type 2) = antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II
          • Si protéinurie non contrôlée : IEC + ARA II
          • Si HTA non contrôlée : IEC/ ARA II + diurétique thiazidique/ de l'anse (en cas d'échec : tenter des associations avec un anticalcique puis un β-bloquant)
      • Associer restriction sodée (~100 mmol/j = 6g/j)
      • Contrôler au début du tt la [K+] et créatininémie (on peut tolérer une augmentation de 30% de la créat si elle n'est pas accompagnée d'une hyperK)
      • Si insuffisant : ajouter diurétique de l'anse / thiazidique selon tolérance
      • Chez le dialysé, le contrôle de la TA se fera en priorité par ultrafiltration
    • Cf restriction protidique, PEC de l'anémie rénale
    • Traitement plus agressif des dyslipidémies (régime et statines [risque de rhabdomyolyse majoré → surveiller CK)
  • Correction systématique des troubles ioniques et du pH (maintenir le bicar > de 22 mol/l à l'aide de carbonate/ acétate de Ca)

Traitement des complications

  • Ostéodystrophie rénale :
    • ! dès les 1ers stades de l'IRC la PTH doit être dosée dans l'optique d'un traitement préventif face à toute hyperPTH (certaines altérations de l'ostéite fibreuse sont irréversibles).
    • Valeurs cibles : P < 1,5 mmol/l (2,5-4,5 mg/dl), Ca 2,2-2,4 mmol/l (8,5-9,5 mg/dl), PTH dans la N (sauf si stade 4 ou 5 : 2-9 x valeurs N)
    • Tt étiologique si intox aluminique : déféroxamine 5mg/kg/sem (arrêt dès que [Al] < 50µg/l
    • Restriction des apports en phosphates à 800 mg/j
      • + chélateurs du P si nécessaire : carbonate/ acétate de Ca 2-3x500 mg/j
        • Si insuffisant et hyperCa : hydrochloride de Sevelamer / fosrenol
    • VitD3 active si nécessaire (doser 25(OH)vitD3) : calcitriol 0,25-0,5 µg/l
  • Anémie rénale :
    • Hb cible = 9,5-11,5 g/l
    • Exclure autres causes, corriger les carences en folates/ vit B12.
    • En cas de bilan martial aN : Maintenir la ferritine entre 200-500 mg/l et la sat de transferrine entre 30-50% par :
      • Si ferritine < 100 µg/l et/ ou sat transferrine < 20%:
        • Pré-test (éviter réaction anaphylactoïde) : venofer 50mg en 30min
          • Fer IV : venofer 100 mg en 15-60 min pour un total de 200-300mg/sem → chronique : 100mg/ mois si valeurs cibles ferritine et Tf atteintes
            • !!! jamais dans contexte infectieux !!!
      • Sinon : fer per os 1-3 x 200 mg/j
    • Sinon : EPO SC uniquement par néphrologue
    • Transfusions à évaluer uniquement si symptomatique / hémorragie / FRCV associé (diabète, coronopathie) / Hb < 8g/dl
  • Hémorragies :
    • Correction d'une anémie par transfusion de GR, EPO
    • Desmopressine (Minirin) 0,2-0,4 µg/kg. A évaluer également avant un acte invasif.
    • Acide tranexamique (Exacyl) 20mg IV puis 10mg/kg/48h PO durant 4 semaines
    • Œstradiol, patchs de 50-100 µg/24h tous les 3,5j durant 2 mois
    • Traitement selon le site et le mécanisme du saignement
  • Thromboses :
    • ! Prudence particulière car : risque hémorragique secondaire important + HBPM difficiles à adapter + pas de consensus !
    • Utilisation d'héparine non fractionnée impérative en cas d'IRC stade 4/5.
    • En cas de tt préventif de thrombose veineuse, l'utilisation de la calciparine semble préférable aux HBPM
    • Une anticoag n'a pas été démontrée efficace en prévention de thrombose d'accès vasculaires (excepté le cas des KT veineux centraux : aspirine 325mg / warfarine avec INR 2-3)

Traitement étiologique si possible

Mesures préventives

  • Vaccinations : HBV, BCG, tétanos, polio, grippe annuelle, pneumocoque
  • Dépistage hépatites virales
  • Prévention cardio-vasculaire générale
  • Prévention renforcée des cancers: arrêt du tabac, frottis cervicaux/ exam gynéco et si > 40 ans : mammo annuelle, surveillance des kystes rénaux et en cas de néphropathie aux AINS : des voies urinaires.
  • Prévention de la malnutrition protéino-calorique chez le patient dialysé (1/3 de dénutris) :
    • Bicar à corriger à > 22mmol/L avant dialyse
    • Apports protéiques en dialyse/ affection aiguë intercurrente : 1,2g/kg/j
      • Hormis ces cas : régime pauvre en protides 0,6g/kg/j
    • Apports caloriques : 35 kcal/kg/j si < 60 ans, 30-35 si > 60 ans
    • Consultation diététique
    • Privilégier nutrition orale > sonde gastrique > parentérale intradialytique (HD) ou "intraperitoneal amino acids" (DP)  > parentérale totale

Traitement de l'IRC terminale

Dialyse en attente d'une greffe. A préparer dès le stade d'IRC pré-terminale.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD