Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - éléments d'interprétation

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Les épreuves (ou explorations) fonctionnelles respiratoires (EFR) étudient la fonction respiratoire, essentiellement au travers de l'étude des volumes et débits respiratoires et des échanges gazeux au repos et à l'effort.

Bien que dépendantes de la collaboration du patient, les épreuves fonctionnelles respiratoires constituent l'un des principaux examens contributifs à la mise au point et au suivi d'une dyspnée chronique. Cet article ne vise pas à l'exhaustivité mais à fournir les éléments nécessaires à tout médecin quelque soit sa spécialité.

Volumes pulmonaires

Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - Tracé spirométrique
Tracé spirométrique (valeurs en % de la CPT). VRI = volume de réserve inspiratoire, VC = volume courant, VRE = volume de réserve expiratoire, VR = volume résiduel, CV = capacité vitale, CPT = capacité pulmonaire totale, CRF = capacité résiduelle fonctionnelle.

Les volumes pulmonaires sont mesurés par spirométrie (mesure des volumes mobilisables) et dilution d'un gaz inerte ou pléthysmographie (mesure des volumes inertes). Ces mesures sont très sensibles et permettent de différencier des :

  • Pathologies obstructives :
    • CPT et VR augmentés
    • Rapport VR / CPT augmenté
  • Pathologies restrictives :
    • CPT diminuée à < 80% de la valeur prédite
    • Rapport VR / CPT augmenté
    • VR variable selon la pathologie

Résistances au débit de l'air

Les résistances des voies aériennes sont déterminées par la mesure des volumes d'expiration et inspiration forcées en fonction du temps par un spiromètre. On présente habituellement les résultats sous forme de deux courbes :

Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - Courbe débit-volume
Courbe débit-volume. L'expiration est représentée par la courbe supérieure, l'inspiration par la courbe inférieure. CVF = capacité vitale forcée, DEP = débit expiratoire de pointe.
Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - Courbe volume-temps
Courbe volume-temps. 1 = CPT, 2 = capacité vitale statique, 3 = VEMS (volume expiratoire maximal par seconde), 4 = CVF, 5 = rapport de Tiffeneau = VEMS / CVF.

La mesure du rapport de Tiffeneau (VEMS / CVF) et la morphologie des courbes débit-volume permet de différencier les :

  • Pathologies obstructives :
    • VEMS diminué avec Tiffeneau < 0,7 (selon les critères GOLD - ne reconnaît pas les atteintes obstructives très distales)
    • On observe une courbe débit-volume expiratoire anormalement concave (diminution des débits expiratoires à bas volumes). Dans les cas d'obstruction les plus sévères, le DEP sera également diminué par rapport aux valeurs prédites.
    • Chez les patients gériatriques, une courbe caractérisant une obstruction légère est à considérer comme physiologique.
    • A noter que dans les obstructions des voies aériennes supérieures (larynx, trachée) ou parfois des bronches souches, on peut observer une courbe "en plateau".
Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - Courbes débit-volume dans un syndrome obstructif
Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) - Courbes débit-volume dans un syndrome obstructif
  • Pathologies restrictives
    • VEMS diminué avec Tiffeneau > 0,7 (diminution proportionnelle de la CVF). Un Tiffeneau > 1,1 suggère une fibrose pulmonaire.
    • La courbe débit-volume est un "modèle réduit" de la courbe normale : toutes les valeurs prédites sont diminuées de façon relativement harmonieuse, les pentes sont donc conservées (diminution des débits expiratoires et inspiratoires pour tous les volumes)

Test de réversibilité dans un syndrome obstructif

Une étape importante dans la mise au point d'un syndrome obstructif consiste à déterminer s'il est (partiellement) réversible à l'administration d'un bronchodilatateur. Une réversibilité est retenue si dix minutes après l'administration est observée une amélioration du VEMS ou de la CVF > 12% et 200 ml. Dans ce cas, si le Tiffeneau reste < 0,7, on retiendra une réversibilité partielle.

Si le test est négatif, il est utile de le répéter aux EFR de suivi (la susceptibilité aux bronchodilatateurs varie au cours du temps → nombreux faux négatifs). L'administration de bronchodilatateurs de longue durée d'action dans les heures précédant le test est une cause fréquente de faux négatifs.

Syndromes respiratoires

Les syndromes restrictifs

Caractéristiques aux EFR :

  • CPT et CV diminuées avec CPT < 80%
  • VEMS et CVF diminués avec Tiffeneau > 0,7

Etiologies :

  • Atteintes de la paroi thoracique :
    • Atteintes osseuses :
      • Scoliose, spondylarthrite ankylosante, thorax en entonnoir, obésité abdominale, atteintes pleurales, cardiomégalie, ascites abondantes, hernies diaphragmatiques
    • Atteintes neuro-musculaires :
      • Atteintes diaphragmatiques, lésions spinales, hémiplégie, poliomyélite, dystrophies musculaires, myopathies, sclérose latérale amyotrophique, Guillain-Barré, myasthénie, Lambert-Eaton, botulisme
  • Atteintes parenchymateuses :
    • Exérèse lobaire ou pulmonaire, atélectasie, pneumonies, œdème pulmonaire, pneumopathies interstitielles, fibrose pulmonaire, pneumoconioses, protéinoses alvéolaires, séquelles de tuberculose

Les syndromes obstructifs

Caractéristiques aux EFR :

  • Tiffeneau diminué < 0,7
  • VEMS et CV diminués. La valeur du VEMS traduit la sévérité du syndrome (léger si >  50%, modéré si 35-49%, sévère si < 35%)
  • CRF augmentée dans les cas sévères. La CPT est > 80%.
  • A noter que dans les atteintes obstructives des voies aériennes distales (= "syndrome des petites voies aériennes") (ex : atteinte débutante chez un fumeur), on peut observer un Tiffeneau encore normal. La courbe débit-volume sera cependant concave (à confronter à l'âge du patient) et le DEM 25-75 (débit expiratoire maximal médian) < 60% et les DEMM 25 et 50 diminués.

Etiologies des syndromes obstructifs bronchiques :

  • Non ou peu réversibles :
    • Broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO)
    • Bronchiolites chroniques
    • Bronchiectasies
    • Mucoviscidose
    • Dyskinésie ciliaire
  • Réversibles :
    • Asthme

Les syndromes mixtes

Définis par la coexistence d'un Tiffeneau < 0,7 et d'une CPT < 80%.

Ils se rencontrent fréquemment dans certaines pathologies particulières (bronchectasies, pneumoconioses, séquelles de tuberculose, sarcoïdose,...) et dans la combinaison des pathologies précédemment évoquées.

Capacité de diffusion (Dlco) = facteur de transfert (Tlco)

La capacité de diffusion (Dlco) ou facteur de transfert (Tlco) est la mesure de la capacité d'échange gazeux du poumon (normalement entre 75 et 125% des valeurs prédites, à corriger en cas d'anémie ou de polyglobulie). On définit également le coefficient de transfert Kco (= Tlco/ Va = coefficient de diffusion = efficacité d'une unité alvéolaire). Interprétation :

  • Tlco diminuée et Kco normal (ou augmenté) :
    • Pneumonectomie, atélectasies, cicatrices post-pneumonie ou tuberculose, sarcoïdose, certaines pneumopathies interstitielles non spécifiques,…
    • Obésité, déformations thoraciques, épanchements pleuraux,…
  • Tlco et Kco diminués (souvent inférieurs à 60%) : en cas d'atteintes alvéolaires, de la vascularisation pulmonaire ou secondaires à des cardiopathies ou des pathologies parenchymateuses diffuses
    • Fibroses alvéolaires cryptogéniques, pneumoconioses, connectivites infiltratives, alvéolite allergique extrinsèque,…
    • Hypertension artérielle pulmonaire primitive, syndrome hépato-pulmonaire, malformations artério-veineuses, vasculites
    • Hypertension veineuse pulmonaire, œdème pulmonaire, syndrome d'Eisenmenger
    • Emphysème, bronchectasies
  • Dans l'asthme, Tlco et Kco sont normaux
  • Tlco et Kco sont augmenté en cas de perfusion majorée (hauts débits cardiaques) ou d'hémorragies alvéolaires (Wegener, Goodpasture, lupus érythémateux disséminé,...) 

Evaluation du contrôle de la ventilation

Dans des conditions normales, la somme PaCO2 + PaO2 = 130 +- 5 mmHg. Face à une hypoxémie, on observera habituellement :

  • Pas de changement en cas d'hypoventilation
  • Somme diminuée en cas d'atteinte pulmonaire intrinsèque (hypoxémie disproportionnellement sévère)

En cas de valeurs inexplicables par les pathologies identifiées, on peut recourir à des tests à l'hypercapnie ou hypoxie provoquée.

Epreuves fonctionnelles respiratoires à l'effort

Indications :

  • Dyspnée d'effort dont la mise au point cardio-respiratoire au repos est normale
  • Evaluation du niveau d'entraînement (mise en incapacité : contre-indication aux travaux lourds si VO2max < 25 ml/kg/min ou très lourds si < 32 ml/ kg/ minute,…)
  • Evaluation du risque opératoire (une VO2max < 10 ml/ kg/ minute contre-indique formellement toute chirurgie thoracique)
  • Evaluation de l'efficacité d'un traitement ou d'une revalidation
  • Suspicion d'asthme à l'effort

Quelques données :

  • VO2 = consommation d'O2, VCO2 = production de CO2, VCO2/ VO2 = quotient respiratoire
  • Seuil ventilatoire = d'anaérobiose = seuil de cassure des courbes du quotient respiratoire et de la ventilation/min (croissance linéaire jusqu'au seuil), exprimé en % de la VO2max
  • StcO2 = saturation de l'Hb en O2
  • ERCO = équivalent respiratoire du CO2 (N : 29,1 +- 4,3)
  • Fréquence cardiaque (FC) maximale prédite = 220 - âge

Interprétation de la VO2 maximale : une VO2max < 80% de la valeur prédite marque une diminution de la capacité physique par

  • Sous-entraînement : pas de limitation cardio-respiratoire, pas de diminution de la StcO2 et seuil d'anaérobiose < 50% de la VO2max
  • Pathologie respiratoire : FC maximale non atteinte, seuil d'anaérobiose souvent non atteint, ERCO > 35, éventuelle diminution de StcO2 (emphysème, fibrose,…)
  • Pathologie cardiaque : FC maximale rapidement atteinte, pas de limitation respiratoire (réserve ventilatoire préservée = RV > 30%), seuil d'anaérobiose < 50%, possible chute de StcO2

Un asthme à l'effort est probable en cas de diminution du VEMS de plus de 10% à 1, 5, 10, 15 ou 30 minutes après l'effort (atteinte de 80% de la FC maximale prédite en 4 minutes).

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD