Endocardite infectieuse

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Une endocardite infectieuse correspond au dévellopement de lésions ulcéro-végétantes suite à la greffe endocardique d'un micro-organisme (++ bactéries). La mortalité est de 15 à 25%. Sex-ratio de 2 à 3 hommes pour 1 femme, pic à 75 ans (facteurs favorisants : dégénérescence endocardique et endocardites nosocomiales). Dans 50 à 70% des cas, une cardiopathie antérieure est connue. 20% des malades sont porteurs d'un matériel intracardiaque, 16% d'une prothèse valvulaire (1% des remplacements valvulaires se compliquent d'une endocardite précoce et 0,5%/ an d'une endocardite tardive).

Physiopathogénie

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En cas de bactériémie l'endothélium sain résiste normalement à la greffe microbienne. Habituellement, l'endocardite infectieuse complique donc une lésion stérile recouverte d'un clou fibrino-plaquettaire (souvent provoquée par des turbulences secondaires à une pathologie valvulaire ou un shunt cardiaque). Cependant, dans ~30% des cas une endocardite survient sur un "cœur sain" : induction de lésions endothéliales par des endotoxines ou lésions dégénératives méconnues. L'endocardite se caractérise par des lésions destructives (ulcérations, perforations) et constructives (végétations extensives, non vascularisées, à  risques d'embolisation septique).

La majorité des lésions sont situées dans le cœur gauche. Elles concernent la valve aortique >> mitrale >>> tricuspide > pulmonaire. Les greffes pariétales primitives sont exceptionnelles, hormis en cas de communication congénitale ou d'immunodépression (septicopyohémies fongiques avec végétations volumineuses pouvant combler les cavités). 20 à 30% des endocardites concernent des valves prothétiques.

Cardiopathies à risque d'endocardite

  • Haut risque : valves prothétiques, cardiopathies congénitales cyanogènes (ex : tétralogie de Fallot), antécédents d'endocardite
  • Risque moyen : sténose ou insuffisance aortique, insuffisance mitrale, cardiopathies congénitales non cyanogènes (communication interventriculaire, bicuspidie aortique, canal artériel perméable, coarctation aortique)
  • Risque faible : sténose mitrale, prolapsus mitral sans régurgitation, communication interauriculaire, pace-maker, pontages coronaires

Autres facteurs de risque

Immunodépression (SIDA ++), toxicomanie IV, patients dyalisés, cirrhotiques, sujets âgés, porteurs de cathéters intravasculaires

Voies d'entrées et germes pathogènes

Germes retrouvés :

  • 60% : streptocoques (viridans, deficient, bovis, entérocoques, béta-hémolytique,…)
  • 20-30% : staphylocoques (doré, épidermidis)
  • Divers : chlamydia, coxiella, bartonnella, tropheryma whipplei (d'emblée ou dans le cadre d'une maladie de Whipple connue),…
  • < 1% : aspergillus, candida
  • Rares mais très graves, devant faire discuter une indication de remplacement valvulaire précoce : pneumocoque, staphylocoque lugdunensis

Voies d'entrée :

  • Infections ORL et dentaires
  • Infections ou chirurgie digestive (~20%) et urologique : entérocoques, streptocoques bovis (= gallolyticus), bactéries gram négatif
  • Infections cutanées et cathéters : staphylocoques dorés et épidermidis
  • Infection ou chirurgie gynécologique : streptocoques et entérocoques

En cas d'endocardite sur valve prothétique (++ aortique), les germes les plus retrouvés sont le staphylocoque doré (en cas d'endocardite précoce) et les streptocoques viridans (en cas d'endocardite tardive).

Clinique

Clinique généralement pauvre en dehors d'une fièvre souvent légère à modérée mais quasi-constante (92% des cas).

Endocardite sub-aiguë

Létale en quelques semaines à mois en l'absence de traitement.

  • (sub)-pyrexie fluctuante < 39°C (souvent absente chez les patients âgés, insuffisants rénaux chroniques, sous antibiothérapie ou très dégradés)
  • Arthralgies, myalgies
  • Souffle de régurgitation en aggravation
  • Insuffisance cardiaque sur valvulopathie
  • Splénomégalie
  • Insuffisance rénale aiguë, hématurie, protéinurie,... sur glomérulonéphrite aiguë
  • Signes cutanés : pétéchies (muqueuse buccale, conjonctives, extrémités), hémorragies sous unguéales, panaris d'Osler rouge-bleuté sur les doigts ou orteils
  • Erythème irrégulier non douloureux palmoplantaire
  • Taches de Roth (hémorragies rétiniennes au fonds d'oeil)

Endocardite aiguë

Généralement due à des germes virulents : staphylocoque doré, pseudomonas, streptocoque béta-hémolytique.

Habituellement létale en quelques jours à semaines en l'absence de traitement.

  • Début brutal, fièvre > 39°C et frissons
  • Splénomégalie
  • Purpura nécrotique
  • Apparition rapide d'un souffle nouveau ou en aggravation

Complications

  • Abcès cardiaques (plus fréquemment sur prothèse que  sur valve native, ++ aortique)
    • Possibles troubles de la conduction, souvent définitifs
    • Possible évolution vers une fistule intracardiaque ou aortocavitaire
    • Possibles péricardites suppurées
  • Myocardites sur embolisation septique coronaire
  • Infarctus (cause de 15% des décès) sur embolisation coronaire ou enclavement dans un ostium coronaire d'une végétation aortique
  • (Aggravation d'une) insufissance cardiaque (les insuffisances cardiaques aiguës rendant compte de 30% des décès) ++ sur atteinte aortique
  • Accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques (sur anévrismes "mycotiques"), abcès cérébraux, méningites (causes de > 20% des décès)
  • Embolies pulmonaires septiques massive (cause de 3% des décès)
  • Mort subite (15% des décès) < ++ sur troubles de conduction sur abcès myocardique
  • Décès du fait de la septicémie (10%)
  • Infarctus rénal, glomérulonéphrite aiguë, insuffisance rénale aiguë pré-rénale
  • Infarctus, abcès et ruptures spléniques
  • Ostéo-arthrites, spondylodiscites

Rechutes précoces dans 2 à 3% des cas. Récidives estimées à 5/ 1000 années-patients, de même pronostic que l'atteinte initiale.

Examens complémentaires

  • Electro-cardiogramme :
    • Bloc auriculo-ventriculaire non connu → suspecter un abcès de l'anneau aortique
    • Possible infarctus
  • Biologie
    • CRP et VS augmentées, anémie normochrome normocytaire, leucocytose, thrombopénie, hypocomplémentarité, insuffisance rénale aiguë
  • Sédiment urinaire : possibles anomalies compatibles avec une glomérulonéphrite
  • Echographie cardiaque (++ trans-oesophagienne, systématique en cas de prothèse valvulaire ou d'échographie cardiaque trans-thoracique de mauvaise qualité ou négative avec forte suspicion clinique) :
    • Distinction difficile entre une végétation infectieuse, ancienne, non infectieuse ou un thrombus
    • Risque emboligène majeur des végétations > 1 cm
  • Hémocultures systématiques même à blanc, répétées, prolongées, sur tous les milieux de cultures possibles
    • Positives dans 85-90% des cas
    • Possible négativité en cas d'antibiothérapie préalable, de germes à croissance lente (HACEK, brucella, champignons) ou intracellulaires (coxiella, chlamydia, bartonella, tropheryma)
    • A répéter même sous antibiothérapie pour vérifier leur négativité

Critères diagnostiques (Duke University)

Le diagnostic est "certain" si :

  • Germes découverts à la culture ou l'histologie d'une végétation ou d'un abcès intracardiaque
  • 2 critères majeurs ou 1 critère majeur + 3 critères mineurs ou 5 critères mineurs

Le diagnostic est "possible" si

  • 1 critère majeur + 1 critère mineur ou 3 critères mineurs

Critères majeurs :

  • 2 hémocultures positives à germes fréquents (streptocoque viridans ou bovis, HACEK, staphylocoque doré, entérocoque)
  • Hémocultures positives pour des germes compatibles avec une endocardite
    • 2 hémocultures à > 12 heures d'intervalle
    • 3 hémocs à > 1 heure d'intervalle entre le premier et le dernier prélèvement
  • Atteinte endocardique à l'échographie cardiaque : masse intracardiaque oscillante implantée sur une valve ou un matériel intracardiaque ou dans un jet de régurgitation, abcès, déhiscence nouvelle d'une prothèse, nouvelle régurgitation valvulaire
  • Nouveau souffle d'insuffisance valvulaire

Critères mineurs :

  • Cardiopathie prédisposante (à facteur de risque haut ou modéré) ou toxicomanie IV
  • Tempépature > 38°C
  • Vasculaires : embolie artérielle ou infarctus pulmonaire septique ou anévrisme "mycotique" ou hémorragie intracrânienne ou hémorragies conjonctivales ou lésions de Janeway
  • Immunologiques : glomérulonéphrite ou nodules d'Osler ou taches de Roth ou présence d'un facteur rhumatoïde
  • Hémoculture ou sérologie positive pour un germe compatible avec une endocardite

Une endocardite est toujours à suspecter en cas d'accident vasculaire cérébral fébrile chez un sujet jeune (< 45 ans).

Diagnostic différentiel

Comprend tous les syndromes fébriles… Penser particulièrement à :

  • Rupture de cordage sur dystrophie ou dégénerescence
  • Thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, infarctus pulmonaire
  • Fièvre post-chirurgie cardiaque (exclure endocardite par hémocultures, rechercher une myocardite ou péricardite virale)
  • Endocardites stériles (connectivites, vasculites, syndrome d'hypercoagulabilité, néoplasies, infections chroniques)

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Traitement médical

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  • Eviter de règle une anticoagulation (risque de rupture d'anévrismes "mycotiques"), une antiagrégation ou une corticothérapie (sauf si indication absolue comme une fibrillation auriculaire ou la présence d'une valve mécanique). Si nécessaire, remplacer les AVK par de l'héparine (antidote efficace disponible en cas d'hémorragie).
  • Suivi : clinique, température, biologie, électro-encéphalogramme, échographie cardiaque, imagerie radiologique (cérébrale, rate, reins, rachis)
  • Antibiothérapie IV minimum 6 semaines : administration empirique dès après la prise des hémocultures en cas de clinique sévère. Sinon attendre les résultats des cultures pour pouvoir débuter une antibiothérapie ciblée. Exemple de schéma d'antibiothérapie empirique :
    • Endocardite sur valve native :
      • Aiguë et chez toxicomanes : oxacilline 2 g x 6/ jour + penicilline G 4.10^6 UI x 6/ jour + gentamicine 3 mg/ kg x 1/ jour IV
        • Si allergie aux penicillines : vancomycine 15 mg/ kg x 2/ jour + gentamicine 3 mg/ kg x 1/ jour IV
      • Sub-aiguë : ampicilline 2 g x 6/ jour (ou penicilline G) + gentamicine 3 mg/ kg x 1/ jour IV
    • Endocardite sur prothèse : vancomycine 15 mg/ kg x 2/ jour IV (42j) + rifampicine 300 mg x 3/ jour PO (1 heure avant les repas durant 42 jours) + gentamicine 3 mg/ kg x 1/ jour IV durant 42 jours +- ceftriaxone 2 g x 1/ jour IV (si suspicion de bactérie gram négatif du groupe HACEK)

Arguments en faveur d'une efficacité du traitement : disparition de la fièvre en 1 à 2 semaines (90%), normalisation du syndrome inflammatoire en plusieurs semaines, diminution puis disparition des végétations. Dans le cas contraire, suspecter une abcédation ou un foyer extracardiaque.

Traitement chirurgical

  • Indications (jusqu'à 50% des patients subissent une opération avant la fin de l'antibiothérapie selon les séries) :
    • Formelles : insuffisance cardiaque sur dysfonction prothétique, infection non contrôlée malgré une antibiothérapie adaptée, instabilité hémodynamique
    • Généralement admises : obstruction ou fuite périprothétique, abcès périprothétique sévère, fistule, persistance d'une végétation > 15 mm ou mobile après un épisode embolique, endocardite à staphylocoque doré ou fongique
    • A discuter : endocardite post-opératoire non compliquée, végétation > 15 mm non compliquée, petit abcès non compliqué stable et d'évolution favorable sous traitement médical

Prévention de l'endocardite chez les patients à risque

  • Hygiène dentaire scrupuleuse
  • Antibioprophylaxie
    • avant inverventions dentaires, ORL, respiratoires et œsophagiennes : ampicilline 2 g PO 1 heure avant l'intervention
    • en cas d'autres interventions digestives ou uro-génitales : ampicilline + gentamycine IM ou IV 30 minutes avant et 6 heures après

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD