« Encéphalopathies hypertensives aiguës » : différence entre les versions

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<p style="text-align: justify">= encéphalopathie dans le cadre d'une hypertension maligne, sans autre étiologie retrouvée et généralement réversible (dans > 90%) lors de la diminution des chiffres tensionnels.</p>
<p style="text-align: left">{{Lien Espagnol|Article=Encefalopatía hipertensiva aguda}}Les '''encéphalopathies hypertensives''' '''aiguës''' regroupent les encéphalopathies ({{Lien Anglais|Article=Acute hypertensive encephalopathies}}dysfonctionnemment cérébral global) rentrant dans le cadre d'une hypertension maligne, sans autre étiologie retrouvée. Elles peuvent être à l'origine de lésions cérébrales définitives mais sont généralement réversibles (dans > 90% des cas) lors de la diminution des valeurs tensionnelles. Il s'agit d'urgences médicales.</p><p style="text-align: left">Elles peuvent toucher tous les âges et les deux sexes. Il y a cependant un discret pic à 20-40 ans et une discrète prépondérance féminine du fait de l'implication de causes gynécologiques (éclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome).</p><p style="text-align: left">Historiquement, la forme la plus connue de cette pathologie est le '''PRES''' ("posterior reversible encephalopathy syndrome") hypertensif. Cependant cette dénomination est vectrice de confusion.</p>
== Etiologies ==
== Etiologies ==
<p style="text-align: justify">Toute cause d'HTA peut provoquer ce tableau, mais celles le plus souvent retrouvées sont&nbsp;:</p>
<p style="text-align: left">Les étiologies sont celles de l'hypertension artérielle, mais celles le plus souvent retrouvées sont&nbsp;:</p>
*Eclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome
*Eclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome
*HTA rénale&nbsp;: GNA, SHU/ PTT, sténose de l'artère rénale
*Hypertension rénale&nbsp;: glomérulonéphrites aiguës, SHU, PTT, sténose de l'artère rénale
*HTA chronique non/ mal contrôlée
*Hypertension artérielle chronique non ou mal contrôlée
*Douleur / attaque de panique
*Douleur, contextes aigus, attaque de panique
<p style="text-align: justify">Certaines causes plus rares sont à rechercher systématiquement&nbsp;:</p>
<p style="text-align: left">Certaines causes plus rares d'hypertension maligne sont à rechercher systématiquement&nbsp;:</p>
*Phéochromocytome
*Phéochromocytome
*Toxiques&nbsp;: cocaïne, amphétamines, LSD, anorexigènes,…
*Toxiques&nbsp;: cocaïne, amphétamines, LSD, anorexigènes,…
*Iatrogènes&nbsp;: cyclosporine, IMAO, EPO, vasoconstricteurs nasaux
*Iatrogènes&nbsp;: cyclosporine, IMAO, EPO, vasoconstricteurs nasaux
*Sevrage (incompliance ++) d'un antiHTA (central ++) ou interaction avec AINS/ pansement gastrique/
*Sevrage (généralement du fait d'une incompliance thérapeutique) d'un anti-hypertenseur (central ++) ou interaction avec un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) ou un pansement gastrique,
*Dysautonomie végétative
*Dysautonomie végétative


== Physiopathologie ==
== Eléments de physiopathologie ==
<p style="text-align: justify">Apparaît lorsque les capacités d'autorégulation du débit sanguin cérébral sont dépassées (généralement lors d'une installation rapide d'une TAM à <u>></u> 150mmHg) troubles de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, œdème cérébral vasogénique, vasospasmes réactionnels avec occlusions artériolaires diffuses.</p><p style="text-align: justify">Sur les pièces anapath on observe un œdème, des HH pétéchiales, des micro-infars disséminés et des lésions de nécrose fibrinoïde occluant les petits vaisseaux perforants.</p>
<p style="text-align: left">On considère classiquement que le syndrome apparaît lorsque les capacités d'autorégulation du débit sanguin cérébral sont dépassées (généralement lors d'une installation rapide d'une pression artérielle moyenne à <u>></u> 150 mmHg), entraînant une vasodilatation avec des troubles de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, un œdème cérébral vasogénique, des dysfonctionnements endothéliaux, des vasospasmes réactionnels avec occlusions artériolaires diffuses,...</p><p style="text-align: left">Sur les pièces anatomopathologiques, on observe un œdème, des hémorragies pétéchiales, des micro-infarctus disséminés et des lésions de nécrose fibrinoïde occluant les petits vaisseaux perforants.</p>
 
== Et le PRES dans tout ça ? ==
Le PRES ("posterior reversible encephalopathy syndrome") ou RPLS ("reversible posterior leukoencephalopathy syndrome") est une présentation clinico-radiologique particulière dont les lésions prédominent dans les régions pariéto-occipitales. Il est historiquement l'archétype des encéphalopathies hypertensives aiguës.
 
Cette dénomination est vectrice de confusion pour plusieurs raisons :
 
* les lésions ne sont le plus souvent pas limitées aux régions postérieures ("PRES atypiques") et peuvent prédominer dans d'autres régions cérébrales
* le nom du syndrome est faussement rassurant, les lésions n'étant pas toujours réversibles même en cas de traitement rapide et il peut y avoir des séquelles cliniques
* même si le PRES hypertensif est le plus fréquent, le même tableau radiologique peut s'observer dans d'autres conditions (métaboliques et toxiques) sans notion de pics hypertensifs
 
Quoi qu'il soit, les cliniciens et radiologues doivent avoir conscience qu'il s'agit d'une catégorie plus radiologique que clinique et non d'une pathologie en soi.
 
== Clinique ==
== Clinique ==
<p style="text-align: justify">!! mettre le patient sous monito et prendre sa TA à plusieurs reprises pour suivi et confirmer diag + diurèse&nbsp;!!</p><p style="text-align: justify">TA <u>></u> 180/110 (plus que les chiffres absolus, ce sont l'ampleur et la rapidité d'installation du pic HTA qui importent) +</p>
<p style="text-align: left">La <u>tension artérielle</u> est habituellement&nbsp;<u>></u> 180/ 110 mmHg (plus que les valeurs absolues, ce sont cependant l'ampleur et la rapidité d'installation du pic hypertensif qui importent) +</p>
*Par définition, on doit observer des <u>signes de dysfonctionnement cérébral global</u>&nbsp;: troubles de la conscience, confusion, troubles cognitifs aigus multiples, délires,...
*Céphalées (~50%)
*Céphalées (~50%)
*Vertiges (~35%)
*Vertiges, acouphènes (~35%)
*Troubles de la conscience (~30%)
*Nausées et/ ou vomissements (~30%)
*Nausées / Vomissements (~30%)
*Signes visuels&nbsp;: baisse de l'acuité visuelle, hallucinations élémentaires, hémianopsie, cécité corticale
*Signes visuels&nbsp;: baisse de l'AV, hallus, hémianopsie, cécité corticale
*Des déficits neurologiques focaux sont présents dans ~20% des cas
*Déficits neuros présents dans 20% mais '''doivent faire évoquer un AVC ischémique'''
*Crises convulsives,…
*Autres signes neuros&nbsp;: troubles cognitifs aigus, syndrome confusionnel, crises E,…
<p style="text-align: left">+- signes d'autres atteintes viscérales.</p>
<p style="text-align: justify">NB&nbsp;: des céphalées modérées/ pseudo-vertiges/ acouphènes ne sont pas à considérer comme signes de gravité&nbsp;!</p><p style="text-align: justify">+- signes d'autres atteintes viscérales&nbsp;! Rechercher surtout des signes d'atteinte cardiaque/ de dissection aortique&nbsp;!</p>
== Diagnostic différentiel ==
 
*Le DD principal à ne pas rater&nbsp;: AVC hémorragique / ischémique artériel ou veineux
**Un AVC HH doit systématiquement être éliminé par un CT-cérébral
**En cas de doute avec un AVC, il faut recourir à une angio-IRM (surtout pour exclure une TVC)
**! cependant, un AVC HH ou ischémique artériel peut être la complication d'une urgence hypertensive
*Encéphalopathies d'autre origine
*Méningites /&nbsp; encéphalites
 
== Examens complémentaires en urgence ==
== Examens complémentaires en urgence ==
<p style="text-align: justify">Bilan d'une suspicion d'HTA maligne&nbsp;:</p>
<p style="text-align: left">Bilan d'une suspicion d'urgence hypertensive&nbsp;:</p>
*<u>FO</u> → rétinopathie hypertensive&nbsp;?<u></u>
*<u>Glycémie au doigt</u>
*<u>EMU + tigette + biol</u> (fonction rénale, tropos, BNP iono, glycémie, hémato-CRP) → atteinte rénale/ cardiaque&nbsp;?<u></u>
*<u>Fonds d'oeil</u>&nbsp;→ rétinopathie hypertensive&nbsp;?
*<u>RX thorax</u><u></u>
*<u>Examen microscopique des urines + tigette</u>
*<u>CT cérébral</u> systématique → peut montrer des lésions diffuses ou contribuer au DD (AVC HH ou ischémique artériel si > 6h ou des signes de TVC)
*<u>Biologie</u> (fonction rénale, tropos, BNP, ionogramme, glycémie, hémato-CRP) → atteinte rénale/ cardiaque&nbsp;?
*<u>Radiographie thoracique</u>
*<u>CT-scanner cérébral</u> systématique → peut montrer des lésions diffuses ou contribuer au diagnostic différentiel
*<u>(angio)-IRM cérébrale</u>
*<u>(angio)-IRM cérébrale</u>
**'''Indispensable en cas de doute avec un AVC ischémique artériel/ veineux (à justifier auprès du radiologue par l'attitude thérapeutique différente envers la TA&nbsp;!)'''
**'''Indispensable en cas de doute avec un accident vasculaire cérébral ischémique (à justifier auprès du radiologue par la tolérance tensionnelle différente)'''
**Peut être normale
**Hypersignaux possibles en T2/ FLAIR&nbsp;:
**Hypersignaux possibles en T2/ FLAIR&nbsp;:
***lésions cérébrales diffuses et réversibles du cortex/ de la SB/ du tronc/ du cervelet
***lésions cérébrales diffuses et réversibles du cortex, de la substance blanche, du tronc cérébral, du cervelet
***lésions typiques d'un PRES&nbsp;: œdème de la SB des régions pariéto-occipitales
***lésions typiques d'un PRES&nbsp;: œdème de la substance blanche des régions pariéto-occipitales
**Diffusion&nbsp;: aspect d'œdème vasogénique
**Diffusion&nbsp;: séquence la plus sensible, montre fréquemment un aspect d'œdème vasogénique. Pas de respect des territoires vasculaires.
**Possible signes (vasospasmes multiples) d'angiopathie aiguë cérébrale réversible (complication)<u></u>
**Possible signes (vasospasmes multiples) d'angiopathie aiguë cérébrale réversible (complication)
*<u>ECG</u><u></u>
*<u>Electrocardiogramme</u>
*<u>Echo-cœur</u>
*<u>Echographie cardiaque</u>
<p style="text-align: justify">Recherche systématique d'une HTA secondaire à distance (cas de jusqu'à 20-40% des patients présentant une urgence hypertensive)</p>
<p style="text-align: left">Recherche systématique d'une hypertension artérielle secondaire à distance (cas de jusqu'à 20-40% des patients présentant une urgence hypertensive).</p>{{Images 2 légendées|Image 1=PRES atypique.png|Légende 1=IRM FLAIR - "PRES atypique" : lésions prédominante en pariéto-occipital co-existant avec des lésions thalamiques, de la capsule interne, du corps calleux et frontales|Image 2=EH.png|Légende 2=IRM T2 - encéphalopathie hypertensive avec lésions limitées aux thalamus (régression totale des lésions dans ce cas après abaissement agressif de la TA)}}
== Traitement - urgence médicale ==
 
<p style="text-align: justify">'''Transfert urgent à l'UC dès le diag '''(! l'urgence c'est corriger la TA&nbsp;!) → '''cf prise en charge d'une urgence hypertensive'''. Bilan en hospit ensuite. Envisager usage nimotop (prévention vasospasme)</p><p style="text-align: justify">'''! Jamais d'anti-HTA avant le CT-cérébral hors indication vitale (décompensation cardiaque aiguë mal tolérée, dissection aortique,...) !'''</p>
== Diagnostic positif et diagnostic différentiel ==
<p style="text-align: left;">Le diagnostic d'encéphalopathie hypertensive est un diagnostic d'exclusion. Il suppose l'association d'un pic hypertensif brutal, de signes de dysfonctionnement cérébral global et l'excusion des étiologies non hypertensives. L'association d'autres signes d'urgence hypertensive (atteintes rénales, cardio-vasculaires) est fréquentes.</p><p style="text-align: left;">Il n'est pas rare qu'il soit porté de façon rétrospective du fait de nombreuses difficultés à la phase aiguë&nbsp;:</p>
*Absence d'éléments pathognomoniques
*L'identification d'un pic hypertensif ne pose généralement pas problème. Cependant&nbsp;:
**C'est plus la rapidité d'installation des variations tensionnelles que leur valeur absolue qui est en cause. Des patients non traités ou mal contrôlés peuvent présenter une hypertension artérielle sévère chronique très bien tolérée et présenter une encéphalopathie d'une autre origine. Des patients présentant ordinairement une tension basse peuvent présenter une urgence hypertensive avec des valeurs tensionnelles dans des ranges modérés, qui n'attireront généralement pas l'attention.
**Toute pathologie aiguë potentiellement à l'origine d'une encéphalopathie et tout contexte de stress peut générer un pic hypertensif réactionnel susceptible d'évoquer à tort le diagnostic
*Il existe un large recouvrement entre diagnostics différentiels et complications des urgences hypertensives. Dans certains cas, il sera impossible de trancher. Ainsi&nbsp;:
**Accident vasculaire cérébral avec pic hypertensif réactionnel ou urgence hypertensive se compliquant d'un accident vasculaire cérébral&nbsp;? Idem pour un infarctus myocardique ou une dissection aortique.
*Fréquemment, le cas survient chez des patients déjà hospitalisés en unités (semi)-intensives et présentant de multiples anomalies susceptibles d'entraîner une encéphalopthie...
<p style="text-align: left;">Le diagnostic différentiel est large et comprend notamment selon la clinique&nbsp;:</p>
*Encéphalopathies d'autres origines&nbsp;: hypoglycémies, encéphalopathies toxico-métaboliques, sevrages, encéphalopathies anoxiques,...
*Méningites et encéphalites
*Accidents vasculaires cérébraux
*Etats de mal épileptiques non convulsivants
*Pathologies psychiatriques et troubles fonctionnels
 
== Prise en charge thérapeutique - Traitements ==
 
<p style="text-align: left;">De manière générale&nbsp;:</p>
*Monitoring, 2 perfusions IV, suivi de la diurése, prise en charge générale
*Ne pas administrer d'anti-hypertenseur avant la réalisation du CT-scanner cérébral, sauf indication vitale (dissection aortique, infarctus myocardique, insuffisance cardiaque aiguë)
*Maîtrise de la tension artérielle&nbsp;:
**De manière générale&nbsp;:
***diminuer lentement la tension artérielle en visant tout d'abord une réduction de 25% puis graduellement des valeurs <u><</u> 160/ 110 mmHg
***préférer la nicardipine ou le labétolol et éviter les anti-hypertenseur centraux
**En cas d'association à&nbsp;:
***insuffisance cardiaque aiguë&nbsp;: privilégier le furosémide, les dérivés nitrés, IEC. Eviter les béta-bloquants.
***infarctus myocardique&nbsp;: privilégier les dérivés nitrés, béta-bloquants et IEC
***(pré)-éclampsie&nbsp;: privilégier les béta-bloquants + magnésium. Avis gynéco urgent.
***insuffisance rénale aiguë&nbsp;: privilégier les IEC
***un accident vasculaire cérébral&nbsp;: plus grande tolérance tensionnelle théorique, à discuter cependant selon la clinique&nbsp;:
****Accident hémorragique&nbsp;: tolérance jusqu'à 180 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM).
****Accident ischémique&nbsp;: tolérance jusqu'à 220 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM). En cas de thrombolyse, obtenir cependant une tension préalable < 180/ 105 mmHg
*Prise en charge spécifique des autres défaillances organiques le cas échéant. Cf les chapitres correspondants.
*Envisager anxiolytique et/ ou morphinique au cas par cas
*Traitement étiologique le cas échéant. Cf chapitres correspondants.
*Hospitalisation, idéalement dans une unité coronaire ou de soins intensifs initialement
*Envisager (pas d'EBM) selon l'évolution l'usage de nimodipine (nimotop) 60 mg PO 6 x/ jour (ou 1-2 mg/ heure IV si voie PO impossible) en prévention d'un vasospasme
 
Pour rappel, exemple de schéma d'administration d'anti-hypertenseurs, à moduler selon la tolérance&nbsp;:
 
*Nicardipine (Rydène)&nbsp;: 10 mg/ heure IV
*Nitroprussiate&nbsp;: 0,5-10 µg/ kg/ minute IV
*Labétalol&nbsp;: 1 mg/ kg puis 0,5-2 mg/ minute IV
*Furosémide&nbsp;: 40-80 mg IV (++ si OPH)
*Enalapril/ captopril&nbsp;: 1,25-5 mg IV toutes les 6 heures
*Dinitrate d'isosorbide (cedocard)&nbsp;: 2-10 mg/ heure IV
 
== Auteur(s) ==
 
Dr [[Utilisateur:Shanan Khairi|Shanan Khairi]], MD
 
== Bibliographie ==
Bradley WG et al., Neurology in clinical practice, 5th ed., Butterworth-Heinemann, e-dition, 2007
 
Cambier J et al., Neurologie, 13e édition, Masson, 2012
 
Elliott WJ et al., Evaluation and treatment of hypertensive emergencies in adults, 2023
 
Elliott WJ et al., Moderate to severe hypertensive retinopathy and hypertensive encephalopathy in adults, 2022


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Neill TA, Reversible posterior leukoencephalopathy syndrome, UpToDate, 2022


Auteur&nbsp;: Shanan Khairi, MD
Osborn AG et al, Brain, Elsevier, 2018{{Modèle:Catégorie|Pathologie neurovasculaire}}{{Modèle:Catégorie|Angiologie (Pathologie vasculaire)}}{{Modèle:Catégorie|Urgences}}
[[Catégorie:Neurologie]]

Version actuelle datée du 7 octobre 2023 à 02:39

Les encéphalopathies hypertensives aiguës regroupent les encéphalopathies (dysfonctionnemment cérébral global) rentrant dans le cadre d'une hypertension maligne, sans autre étiologie retrouvée. Elles peuvent être à l'origine de lésions cérébrales définitives mais sont généralement réversibles (dans > 90% des cas) lors de la diminution des valeurs tensionnelles. Il s'agit d'urgences médicales.

Elles peuvent toucher tous les âges et les deux sexes. Il y a cependant un discret pic à 20-40 ans et une discrète prépondérance féminine du fait de l'implication de causes gynécologiques (éclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome).

Historiquement, la forme la plus connue de cette pathologie est le PRES ("posterior reversible encephalopathy syndrome") hypertensif. Cependant cette dénomination est vectrice de confusion.

Etiologies

Les étiologies sont celles de l'hypertension artérielle, mais celles le plus souvent retrouvées sont :

  • Eclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome
  • Hypertension rénale : glomérulonéphrites aiguës, SHU, PTT, sténose de l'artère rénale
  • Hypertension artérielle chronique non ou mal contrôlée
  • Douleur, contextes aigus, attaque de panique

Certaines causes plus rares d'hypertension maligne sont à rechercher systématiquement :

  • Phéochromocytome
  • Toxiques : cocaïne, amphétamines, LSD, anorexigènes,…
  • Iatrogènes : cyclosporine, IMAO, EPO, vasoconstricteurs nasaux
  • Sevrage (généralement du fait d'une incompliance thérapeutique) d'un anti-hypertenseur (central ++) ou interaction avec un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) ou un pansement gastrique,…
  • Dysautonomie végétative

Eléments de physiopathologie

On considère classiquement que le syndrome apparaît lorsque les capacités d'autorégulation du débit sanguin cérébral sont dépassées (généralement lors d'une installation rapide d'une pression artérielle moyenne à > 150 mmHg), entraînant une vasodilatation avec des troubles de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, un œdème cérébral vasogénique, des dysfonctionnements endothéliaux, des vasospasmes réactionnels avec occlusions artériolaires diffuses,...

Sur les pièces anatomopathologiques, on observe un œdème, des hémorragies pétéchiales, des micro-infarctus disséminés et des lésions de nécrose fibrinoïde occluant les petits vaisseaux perforants.

Et le PRES dans tout ça ?

Le PRES ("posterior reversible encephalopathy syndrome") ou RPLS ("reversible posterior leukoencephalopathy syndrome") est une présentation clinico-radiologique particulière dont les lésions prédominent dans les régions pariéto-occipitales. Il est historiquement l'archétype des encéphalopathies hypertensives aiguës.

Cette dénomination est vectrice de confusion pour plusieurs raisons :

  • les lésions ne sont le plus souvent pas limitées aux régions postérieures ("PRES atypiques") et peuvent prédominer dans d'autres régions cérébrales
  • le nom du syndrome est faussement rassurant, les lésions n'étant pas toujours réversibles même en cas de traitement rapide et il peut y avoir des séquelles cliniques
  • même si le PRES hypertensif est le plus fréquent, le même tableau radiologique peut s'observer dans d'autres conditions (métaboliques et toxiques) sans notion de pics hypertensifs

Quoi qu'il soit, les cliniciens et radiologues doivent avoir conscience qu'il s'agit d'une catégorie plus radiologique que clinique et non d'une pathologie en soi.

Clinique

La tension artérielle est habituellement > 180/ 110 mmHg (plus que les valeurs absolues, ce sont cependant l'ampleur et la rapidité d'installation du pic hypertensif qui importent) +

  • Par définition, on doit observer des signes de dysfonctionnement cérébral global : troubles de la conscience, confusion, troubles cognitifs aigus multiples, délires,...
  • Céphalées (~50%)
  • Vertiges, acouphènes (~35%)
  • Nausées et/ ou vomissements (~30%)
  • Signes visuels : baisse de l'acuité visuelle, hallucinations élémentaires, hémianopsie, cécité corticale
  • Des déficits neurologiques focaux sont présents dans ~20% des cas
  • Crises convulsives,…

+- signes d'autres atteintes viscérales.

Examens complémentaires en urgence

Bilan d'une suspicion d'urgence hypertensive :

  • Glycémie au doigt
  • Fonds d'oeil → rétinopathie hypertensive ?
  • Examen microscopique des urines + tigette
  • Biologie (fonction rénale, tropos, BNP, ionogramme, glycémie, hémato-CRP) → atteinte rénale/ cardiaque ?
  • Radiographie thoracique
  • CT-scanner cérébral systématique → peut montrer des lésions diffuses ou contribuer au diagnostic différentiel
  • (angio)-IRM cérébrale
    • Indispensable en cas de doute avec un accident vasculaire cérébral ischémique (à justifier auprès du radiologue par la tolérance tensionnelle différente)
    • Peut être normale
    • Hypersignaux possibles en T2/ FLAIR :
      • lésions cérébrales diffuses et réversibles du cortex, de la substance blanche, du tronc cérébral, du cervelet
      • lésions typiques d'un PRES : œdème de la substance blanche des régions pariéto-occipitales
    • Diffusion : séquence la plus sensible, montre fréquemment un aspect d'œdème vasogénique. Pas de respect des territoires vasculaires.
    • Possible signes (vasospasmes multiples) d'angiopathie aiguë cérébrale réversible (complication)
  • Electrocardiogramme
  • Echographie cardiaque

Recherche systématique d'une hypertension artérielle secondaire à distance (cas de jusqu'à 20-40% des patients présentant une urgence hypertensive).

IRM FLAIR - "PRES atypique" : lésions prédominante en pariéto-occipital co-existant avec des lésions thalamiques, de la capsule interne, du corps calleux et frontales

IRM T2 - encéphalopathie hypertensive avec lésions limitées aux thalamus (régression totale des lésions dans ce cas après abaissement agressif de la TA)

Diagnostic positif et diagnostic différentiel

Le diagnostic d'encéphalopathie hypertensive est un diagnostic d'exclusion. Il suppose l'association d'un pic hypertensif brutal, de signes de dysfonctionnement cérébral global et l'excusion des étiologies non hypertensives. L'association d'autres signes d'urgence hypertensive (atteintes rénales, cardio-vasculaires) est fréquentes.

Il n'est pas rare qu'il soit porté de façon rétrospective du fait de nombreuses difficultés à la phase aiguë :

  • Absence d'éléments pathognomoniques
  • L'identification d'un pic hypertensif ne pose généralement pas problème. Cependant :
    • C'est plus la rapidité d'installation des variations tensionnelles que leur valeur absolue qui est en cause. Des patients non traités ou mal contrôlés peuvent présenter une hypertension artérielle sévère chronique très bien tolérée et présenter une encéphalopathie d'une autre origine. Des patients présentant ordinairement une tension basse peuvent présenter une urgence hypertensive avec des valeurs tensionnelles dans des ranges modérés, qui n'attireront généralement pas l'attention.
    • Toute pathologie aiguë potentiellement à l'origine d'une encéphalopathie et tout contexte de stress peut générer un pic hypertensif réactionnel susceptible d'évoquer à tort le diagnostic
  • Il existe un large recouvrement entre diagnostics différentiels et complications des urgences hypertensives. Dans certains cas, il sera impossible de trancher. Ainsi :
    • Accident vasculaire cérébral avec pic hypertensif réactionnel ou urgence hypertensive se compliquant d'un accident vasculaire cérébral ? Idem pour un infarctus myocardique ou une dissection aortique.
  • Fréquemment, le cas survient chez des patients déjà hospitalisés en unités (semi)-intensives et présentant de multiples anomalies susceptibles d'entraîner une encéphalopthie...

Le diagnostic différentiel est large et comprend notamment selon la clinique :

  • Encéphalopathies d'autres origines : hypoglycémies, encéphalopathies toxico-métaboliques, sevrages, encéphalopathies anoxiques,...
  • Méningites et encéphalites
  • Accidents vasculaires cérébraux
  • Etats de mal épileptiques non convulsivants
  • Pathologies psychiatriques et troubles fonctionnels

Prise en charge thérapeutique - Traitements

De manière générale :

  • Monitoring, 2 perfusions IV, suivi de la diurése, prise en charge générale
  • Ne pas administrer d'anti-hypertenseur avant la réalisation du CT-scanner cérébral, sauf indication vitale (dissection aortique, infarctus myocardique, insuffisance cardiaque aiguë)
  • Maîtrise de la tension artérielle :
    • De manière générale :
      • diminuer lentement la tension artérielle en visant tout d'abord une réduction de 25% puis graduellement des valeurs < 160/ 110 mmHg
      • préférer la nicardipine ou le labétolol et éviter les anti-hypertenseur centraux
    • En cas d'association à :
      • insuffisance cardiaque aiguë : privilégier le furosémide, les dérivés nitrés, IEC. Eviter les béta-bloquants.
      • infarctus myocardique : privilégier les dérivés nitrés, béta-bloquants et IEC
      • (pré)-éclampsie : privilégier les béta-bloquants + magnésium. Avis gynéco urgent.
      • insuffisance rénale aiguë : privilégier les IEC
      • un accident vasculaire cérébral : plus grande tolérance tensionnelle théorique, à discuter cependant selon la clinique :
        • Accident hémorragique : tolérance jusqu'à 180 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM).
        • Accident ischémique : tolérance jusqu'à 220 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM). En cas de thrombolyse, obtenir cependant une tension préalable < 180/ 105 mmHg
  • Prise en charge spécifique des autres défaillances organiques le cas échéant. Cf les chapitres correspondants.
  • Envisager anxiolytique et/ ou morphinique au cas par cas
  • Traitement étiologique le cas échéant. Cf chapitres correspondants.
  • Hospitalisation, idéalement dans une unité coronaire ou de soins intensifs initialement
  • Envisager (pas d'EBM) selon l'évolution l'usage de nimodipine (nimotop) 60 mg PO 6 x/ jour (ou 1-2 mg/ heure IV si voie PO impossible) en prévention d'un vasospasme

Pour rappel, exemple de schéma d'administration d'anti-hypertenseurs, à moduler selon la tolérance :

  • Nicardipine (Rydène) : 10 mg/ heure IV
  • Nitroprussiate : 0,5-10 µg/ kg/ minute IV
  • Labétalol : 1 mg/ kg puis 0,5-2 mg/ minute IV
  • Furosémide : 40-80 mg IV (++ si OPH)
  • Enalapril/ captopril : 1,25-5 mg IV toutes les 6 heures
  • Dinitrate d'isosorbide (cedocard) : 2-10 mg/ heure IV

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD

Bibliographie

Bradley WG et al., Neurology in clinical practice, 5th ed., Butterworth-Heinemann, e-dition, 2007

Cambier J et al., Neurologie, 13e édition, Masson, 2012

Elliott WJ et al., Evaluation and treatment of hypertensive emergencies in adults, 2023

Elliott WJ et al., Moderate to severe hypertensive retinopathy and hypertensive encephalopathy in adults, 2022

Neill TA, Reversible posterior leukoencephalopathy syndrome, UpToDate, 2022

Osborn AG et al, Brain, Elsevier, 2018