Diplopie

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= perception de deux images pour un objet.

Eléments d'orientation diagnostique

MISE AU POINT A REALISER DEVANT TOUTE DIPLOPIE

Distinguer d'emblée la diplopie monoculaire (persistance de la vision floue lors de l'occlusion d'un des yeux) de la diplopie binoculaire (disparition de la vision double lors de l'occlusion d'un œil = défaut de fusion des images fournies par chacun des yeux) ! Clinique parfois frustre : un simple "flou" disparaissant en monoculaire doit être traité comme une diplopie binoculaire !

  • Anamnèse
    • Antécédents : ophtalmos (strabisme, chir, rééducation orthoptique, trauma cranio-facial/ orbitaire récent, POM récente), FRCV dont diabète, familiaux et persos neuros/ musculaires
    • Signes précédant/ accompagnant la diplopie : douleurs périoculaires ou céphalées, baisse d'acuité/ trouble du champ visuel, éclipses visuelles,… → réorienter éventuellement la MAP
    • Disparaît lors de la fermeture d'un œil ?
    • Permanente/ transitoire/ fluctuante/ intermittente :
      • Augmentant à l'effort physique/ fixation (myasthénie ? hétérophorie décompensée ?)
      • N'existant que dans certaines positions du regard (paralysie oculomotrice ?)
    • Direction de la vision double (horizontale/ verticale/ oblique ?)
  • Examen clinique
    • Cacher un œil puis l'autre → monoculaire/ binoculaire ?

Diplopies monoculaires

Mise au point

→ Placer un cache percé d'un trou punctiforme (= sténopéique)

  • Disparition de la vision floue → confirme l'atteinte oculaire → renvoi en consult ophtalmo
  • Persistance de la vision floue → DD = psychogène vs atteinte occipitale (exceptionnelle) → avis ophtalmoIRM cérébrale si confirme l'absence d'atteinte oculaire !

Etiologies

  • Causes ophtalmologiques (quasi exclusivement)
    • Cornée : anomalie de surface avec irrégularité/ astigmatisme cornéen irrégulier,…
    • Cristalin : cataracte, (sub)luxation du cristallin, implant cristallinien,…
    • Iris : iridectomie importante, iridodialyse post-trauma,…
    • Macula : membrane épirétinienne,…
  • Psychogène (rare)
  • Atteinte cérébrale occipitale (exceptionnelle)

Diplopies binoculaires = urgences jusqu'à preuve du contraire

Mise au point

Clinique

Observation du patient de face en position de repos :

  • Déviations oculaires
  • Attitudes vicieuses compensatrices de la tête
  • Anomalies oculaires associées :
    • Exophtalmie
    • Ptosis
    • Oculomotricité intrinsèque

Etude complète de l'oculomotricité en binoculaire et monoculaire, manœuvre de Bielschowsky (pencher la tête côté paralysé → élévation de l'œil atteint et augmentation de la diplopie = atteinte du IV),…

Examen neuro complet. 

Une déviation et diplopie stables dans toutes les positions du regard oriente vers un strabisme aigu. Une absence de déviation/ trouble oculomoteur objectivés réoriente vers une pathologie oculaire/ psychogène (→ exam ophtalmo, permettant aussi d'exclure une POM frustre).

Examens complémentaires

Indications très variables selon la présentation clinique → cf infra. En cas de doute quant à une éventuelle POM frustre/ complexe, demander un exam ophtalmo (AV, réfraction, FO, lampe à fente, barres de prismes, test de Lancaster ou au verre rouge, examens colorimétriques).

PRINCIPALES PRESENTATIONS CLINIQUES ET ORIENTATIONS ETIOLOGIQUES

La plupart de ces étiologies peuvent se présenter par une diplopie isolée… certaines présentations sont cependant très évocatrices (voir aussi les notes sur les troubles oculomoteurs) :

Notion de trauma crânien récent

Un CT cérébral avec fenêtres parenchymateuses et osseuses est indispensable dans tous les cas. Discuter une IRM en cas de CT négatif. Même si l'on conclut à un trauma crânien bénin, une surveillance de 24h aux urgences dans le repos le plus strict et le noir est nécessaire.

  • Trauma orbitaire → hématome compressif, muscle oculomoteur incarcéré,…
  • Trauma crânien sévère → rechercher des complications HH et des signes d'HTIC
  • Trauma crânien bénin → ++ atteinte isolée du VI (atteinte bilat possible, atteinte isolée du IV plus rarement). Diag d'exclusion.

 

  1. POM associée à d'autres anomalies neuro

 

La triade parésie oculomotrice + ataxie + a/hyporéflexie évoque d'emblée un syndrome de Miller-Fisher. Ce syndrome, d'évolution spontanément favorable, autorise un RAD après 24h de surveillance aux urgences avec consigne de se représenter en cas de non amélioration dans la semaine ou d'apparition d'autres signes/ symptômes. Une hospitalisation +- corticoth peut se discuter dans les formes avec ataxie invalidante ou pour les patients peu compliants. Ce diag est purement clinique mais une IRM cérébrale peut se discuter pour exclure d'autres étiologies.

L'association d'une atteinte du III et d'un CBH doit faire évoquer une patho de la loge caverneuse. 

L'association d'une parésie oculomotrice à des atteintes du VII et du V homolatérales évoque d'emblée une sarcoïdose ou une méningite carcinomateuse. Une IRM et une PL sont indispensables.

L'association à un déficit moteur/ sensitif hémicorporel ou un syndrome cérébelleux suggère une lésion du tronc cérébral (++ AVC > tumeurs > SEP >…) → IRM indispensable.

L'association à une atteinte du IV doit faire évoquer une HTIC quelqu'en soit l'étiologie ou une HSA → CT-scan indispensable 

En pratique, l'association à toute autre aN neuro que celles évoquant un syndrome de Miller-Fisher doit faire réaliser une (angio)-IRM en urgence.

 

  1. Exophtalmie associée à une POM

 

La MAP nécessite alors la réalisation d'une angio-IRM cérébrale et d'une biol (minimum = hémato-CRP, TSH, T3/T4). Les principaux diags à évoquer d'emblée sont : tumeur de l'orbite (++ exophtalmie unilat, non axiale, indolore et progressive), infiltrat inflammatoire de l'orbite, fistule carotido-caverneuse, TVC du sinus caverneux, Basedow (++ exophtalmie bilat, axiale, avec rétraction palpébrale). L'association à des signes inflammatoires locaux (rarement des signes infectieux systémiques), on évoquera d'emblée d'une cellulite orbitaire.

En cas de MAP négative, on discutera une angiographie cérébrale.

 

  1. Eruption cutanée sur le territoire du V homolat associée à une POM (du III +++)

 

→ évoque un zona ophtalmique → biol + PL avec sérologies → avis infectio (urgence thérapeutique).

 

  1. Ophtalmoplégie douloureuse

 

L'association de céphalo-facialgies (++ fronto-orbitaires homolat) impose d'emblée la réalisation d'une biol avec glycémie et Hb1Ac pour exclure un diabète (étiologie la plus fréquente ! par atteinte micro-angiopathique du III) ET d'une angio-IRM pour exclure un anévrisme carotidien supraclinoïdien ou une pathologie du sinus caverneux (++ TVC et tumeurs). En cas d'IRM et biol N on réalisera une biol avec VS (d'emblée chez les patients de > 50 ans) pour exclure un Horton, une PL pour exclure une méningite carcinomateuse ou un lymphome cérébral, un EMG pour exclure une myasthénie, une biol avec ACE pour exclure une sarcoïdose, et, enfin, en cas de MAP négative, une angiographie pour exclure une vasculite du SNC et un bilan pour exclure une myosite, primaire ou secondaire.

 

  1. Diplopie fluctuante/ intermittente

 

Evoque d'emblée une myasthénie → réalisation d'un test au glaçon / à la prostigmine / fatigabilité (fixation prolongée d'un point excentré → aggravation diplopie ? apparition ptose palpébrale ?), d'une biol (Ac anti-Racch) et d'un EMG. En cas de MAP négative on demandera un examen ophtalmo pour trancher entre une hétérophorie décompensée et une origine psychogène.

 

  1. Diplopie isolée

 

En cas de déviation stable, on évoquera un strabisme aigu. Une absence de déviation oculaire objectivée et une oculomotricité normale évoque une patho ophtalmo/ une origine psychogène/ (une POM frustre) → examen ophtalmo systématique, discuter une IRM cérébrale selon les résultats.

En cas de déviation/ diplopie variable selon la position du regard (→ POM à caractériser), une absence de contexte ou d'aN associée évocatrice impose une MAP complète. On réalisera d'abord une IRM cérébrale pour exclure un AVC du tronc cérébral, une SEP, une tumeur cérébrale. En cas d'IRM négative, on réalisera un test à la prostigmine et un EMG pour exclure une myasthénie. En cas de négativité, on discutera la réalisation d'une biol (TSH, Hb1Ac, ACE, VS, CRP-hémato, glycémie), d'une PL, d'une angiographie… mais il est fréquent qu'aucun diag ne puisse être posé au terme de la MAP… 

Cependant, certaines étiologies sont plus fréquentes selon un trouble oculomoteur isolé donné (cf troubles de l'oculomotricité extrinsèques) :

  • OINA → SEP (> 90% si < 40 ans), AVC du tronc (60% si > 60 ans), tumeurs, (! rarement, une myasthénie peut mimer une OINA)
  • Parésie du VI → traumas et AVC >>> tumeurs, SEP, méningites, mastoïdites, Horton, sarcoïdose, Tolosa-Hunt
  • Parésie du III → même en l'absence de céphalées ou d'autre aN neuro il faut d'abord exclure un anévrisme/ une patho de la loge caverneuse. Les causes les plus fréquentes sont cependant : diabète et trauma >> tumeurs >>> SEP, Horton, méningo-encéphalites, Tolosa-Hunt.
  • Parésie du IV → trauma >>> AVC, SEP, tumeurs, méningo-encéphalite, collagénoses
  • Syndrome un et demi de Fisher → SEP, AVC du tronc, Wernicke

Traitements

  • Traitement étiologique si possible
  • Symptomatique : SYSTEMATIQUE, NE JAMAIS LAISSER UN PATIENT VOIR DOUBLE !
    • Intialement : occlusion de l'œil atteint → prismes avec rééducation orthoptique précoce
    • A distance (phase de séquelle) : chirurgie, prismes,…