Déficit en alpha-1-antitrypsine

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GENERALITES, EPIDEMIOLOGIE ET GENETIQUE

 

Pathologie héréditaire, autosomique récessive, d’expression très variable (nombreux sujets asymptomatiques). Fréquente, sous-diagnostiquée, potentiellement létale.

 

La prévalence des allèles mutées est Europe (++ en Europe du Nord pour l’allèle Z, ++ en Europe du Sud pour l’allèle M) >> Amériques >> Afrique > Asie. Le nombre de PIZ ou PIM a été estimé à 116 millions de personnes dans le monde, dont > 1 million souffrant d’un déficit sévère (PIZZ [et PIQ0]). En Belgique, des études laissent supposer plus de 300.000 PIMZ (prévalence de 3% d’hétérozygotes), 18.000 PISZ (prévalence de 18 pour 10.000 hab) et 3000 PIZZ (prévalence de 3 pour 10.000 hab)… alors que seuls 32 cas (~1%) de PIZZ ont été enregistrés… Selon les pays, le taux de diagnostic varie de 0 à 2% à maladie grave largement sous-diagnostiquée. Dans les cas où le diagnostic a été réalisé, 8 ans se sont en moyenne écoulés depuis l’apparition des premiers symptômes.

 

Ce faible taux de diagnostic s’explique par l’extrême variabilité de pénétrance de PIZZ et la faible spécificité des symptômes lorsqu’ils sont présents… mais dans tous les cas une prise en charge adaptée (ne serait-ce que ne pas fumer !) a pourtant un énorme impact sur l’apparition et le pronostic des complications tardives.

 

L’α-1-antitrypsine est une glycoprotéine synthétisée principalement par le foie (mais aussi de manière mineure au sein du poumon par les macrophages alvéolaires et les cellules épithéliales). Il s’agit d’une antiprotéase s’opposant à l’effet destructeur pour les tissus pulmonaires profonds de l’élastase produite par les PNN. Son site de liaison est sensible à l’oxydation (ex : fumées de tabac). Elle est codée par le gène SERPINA sur le chr 14, déterminant le phénotype PI (Protease Inhibitor).

 

Gène normal : allèle M. Mutations fréquentes : allèle Z (95%) et allèle S.

 

On classe les types d’α-1-antitrypsine produits par l’hépatocyte en 4 variants :

-        Variant normal : quantité et fonctionnement normaux

-        Variants nuls : erreur de traduction/ de transcription à aucune production (allèle nul ou Q0)

-        Variants déficients : la mutation induit la formation d’une protéine anormale qui est soit retenue (par agrégation…) (Z), soit dégradée au sein de la cellule. Les taux sériques sont bas.

-        Variants dysfonctionnels : les taux sériques sont parfois normaux mais l’activité anti-élastasique est anormale

L’allèle Z (mutation la plus fréquente) est déficient (taux plasmatique à 15% N) et dysfonctionnel (activité anti-élastasique à 20% N). L’allèle S est déficient. Les allèles M, Z et S regroupent > 95% des variants.

 

PHYSIOPATHOLOGIE

 

PHYSIOPATHOLOGIE RESPIRATOIRE

 

Les protéases produites par les PNN ont 3 fonctions : régulation du turnover protéique extracellulaire, maintien d’une architecture pulmonaire idéale (ex : résorption de structures protéiques cicatricielles vicieuses), destruction de microbes pathogènes. Elles sont libérés de leurs granules de manière spécifique : une phagocytose entrainera une dégranulation intracellulaire au sein du phagosome (très peu d’élastase sera donc libérée en extracellulaire), un stimulus inflammatoire induira par contre une libération massive de protéases extracellulaires.

 

Ces protéases sont susceptibles de léser de façon irréversibles le parenchyme pulmonaire et doivent être impérieusement contrôlées par des antiprotéases (interférence avec leur site catalytique avant qu’elles ne se fixent à l’élastine). La liaison d’une protéase et d’une antiprotéase est très étroite et le clivage très lent, ce qui rend l’inhibition quasi-irréversible.

 

En cas d’oxydation du site actif de l’α-1-antitrypsine (i.e. par les fumées de tabac), la constante d’association avec l’élastase est réduite de 1000 à 2000x. Dans le cas des fumées de cigarettes (oxydant exogène) à réduction de l’activité de l’α-1-antitrypsine + recrutement et activation de macrophage et PNN libérant des protéases et des oxydants endogènes à rôle majeur en pathologie pulmonaire, principalement dans la destruction des tissus conjonctifs (emphysème). Un déficit quantitatif/ fonctionnel en antiprotéases conduit aux mêmes phénomènes… cependant dance cas on n’aura pas un emphysème centro-lobulaire classiquement associé au tabac, mais un emphysème panlobulaire.

PHYSIOPATHOLOGIE HEPATIQUE

 

Les AAT Z n’ont pas un dépliement correct et restent liées à leur protéine chaperonne à contrôle de qualité à soit les AAT Z sont dégradées par un  protéasome, soit par autophagie à qualité protéique et protection de l’hépatocyte contre la toxicité d’une accumulation intracellulaire de protéines anormales.

 

L’expression très variable d’une hépatopathie chez les PIZZ fait penser qu’elle est subordonnée à un trouble concomitant (constitutionnel ou acquis) du processus de contrôle de qualité protéique.

 

CLINIQUE DES DEFICITS SEVERES (ZZ ou Q0)

 

Expression variable : risque de développer une maladie systémique affectant surtout le poumon et le foie (rarement la peau, plus rarement vasculites à c-ANCA, association controversée à des glomérulonéphrites et pancréatites). Probable influence de facteurs génétiques et environnementaux.

 

-        Respiratoire

·       15% asymptomatiques (++ non fumeurs : 10% chez les fumeurs, 30% chez les non-fumeurs)

·       La survie moyenne des PIZZ fumeurs est de 52 ans, celles des PIZZ non-fumeurs de 67 ans !

·       25% n’ont pas de syndrome obstructif

·       75% développent une BPCO de type emphysémateuse

§ Apparition précoce (35-50 ans) disproportionné par rapport au tabagisme

§ Panlobulaire, prédominant aux lobes inférieurs

·       50% ont des  signes de bronchite chronique (bronchorrée chronique) associés

·       85% présentent une dyspnée d’effort

·       Sur l’ensemble des patients BPCO :

§ 1-3% seraient PIZZ

§ 18% seraient PIMZ

·       Des signes « d’asthme bronchique » (wheezing) sont présents chez 70%

§ Svt seuls signes cliniques chez les jeunes PIZZ (20-30% des 26 ans)

·       Présence de  bronchectasies comparable aux autres BPCO

·       Exacerbations :

§ Généralement 1-2/an

§ Fréquentes chez 20% à altération de la qualité de vie +++

§ Limitées par le tt de substitution en AAT

 

-        Hépatique

·       Chez l’enfant

§ À l’inverse des symptômes respis, les symptômes digestifs peuvent apparaitre très précocement.

§ 11% : hépatite ictérique +- cholestase

1.     Guérison spontanée généralement avant l’âge de 10 ans

2.     3% des cas à cirrhose et insuffisance hépatique (DD principal = atrésie primitive des voies biliaires) à une des causes les plus fréquentes de greffe hépatique de l’enfant (60% de survie à 5 ans)

a.      2,5% mourront entre 6 mois et 17 ans

·       Chez l’adulte (++ adulte de > 50 ans ayant survécu à la pneumopathie associée)

§ RR cirrhose PIZZ = 8 (2% à < 50 ans, 35% à > 50 ans)

§ RR hépatocarcinome PIZZ = 12 (effet d’une dégénérescence cirrothique vs effet toxique directe de l’AAT Z)

§ Pas de relation avec une hépatopathie infantile

 

DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

 

DEPISTAGE

 

1.     Qui dépister ?

 

Recommandé chez les patients souffrant de :

-        Emphysème…

·       D’installation précoce ( < 45 ans)

·       Sans facteur de risque connu (ie tabagisme, toxiques professionnels)

·       De prédominance basale

-        BPCO/ asthme non totalement réversible au traitement optimalisé.

-        Bronchectasies inexpliquées

-        Hépatopathie inexpliquée

-        Panniculite nécrosante

-        Vasculite à c-Anca

-        Histoire familiale d’emphysème/ bronchectasies. Hépatopathies/ panniculites inexpliquée chez les apparentés du premier degré

-        Dans le cadre d’un conseil génétique : chez les sujets à haut risque et chez les sujets dont le partenaire est connu comme déficient homo/hétérozygote

 

2.     Le dépistage : dosage sérique de l’α-1-antitrypsine

 

! Les valeurs obtenues dépendent fortement de la technique de laboratoire employée (surestimation du taux sérique allant jusqu’à 40% pour le test le plus fréquemment employé [néphélométrie]!). Pour la néphélométrie, le dépistage est considéré comme positif en cas de [AAT] < 114 mg/dL (garantie de diagnostiquer tous les PIQ0Q0/ZZ/SZ/Q0Z à très haut risque, ainsi que la plupart des hétérozygotes PIMZ dont le risque de BPCO est discuté).

 

DIAGNOSTIC

 

Prise de sang à sur papier buvard (α-kit) à envoi au centre de référence de Salt Lake City pour génotypage à renvoie des résultats endéans 1 mois.

 

BILAN COMPLEMENTAIRE

 

-        Examen clinique

-        RX/ CT (quantitatif ++, permet de mettre en évidence des anomalies de densité invisibles à une lecture attentive des clichés) thorax

-        EFR

-        Gazométrie

-        Biologie : GPT, GOT, PAL, bili directe et indirecte, albumine, α-foetopréotéine, bilan de coagulation

-        US foie

 

TRAITEMENTS

 

MESURES D’ORDRE GENERAL

 

-        Arrêt du tabagisme (même passif !)

-        Limiter l’alcool < 60g/j (arrêt si présence d’une hépatopathie)

-        Évitement des toxiques/ irritants environnementaux (travail et domicile)

-        Entraînement/ reconditionnement cardio-respiratoire à l’effort, kinésithérapie

-        Vaccinations : influenza, pneumocoque, HBV, HAV

-        Tt précoce et agressif des infections (mobilisation des macrophages et PNN avec libération d’oxydants endogènes et protéases), particulièrement respiratoire (AB et antipyrétiques)

-        Support psychologique et activités de détente

 

TRAITEMENT GENERAL D’UN SYNDROME OBSTRUCTIF

 

-        Tt ABC classique

-        O2th au long cours selon critères

 

TRAITEMENT SUBSTITUTIF EN AAT

 

Efficacité biochimique (taux d’AAT remontant à la N)… efficacité clinique « suggérée » (ralentissement du déclin du VEMS, diminution du taux d’infections, survie améliorée, limitation de perte de densité pulmonaire,…) mais peu d’études ont été publiées… Bonne tolérance (quelques cas d’anaphylaxie, 1 cas de décompensation cardiaque, pas de décès dû au tt). Le tt actuel a une visée protectrice uniquement pulmonaire.

 

Le schéma le plus utilisé est : AAT humaine IV hebdomadaire de 60 mg/kg

 

TRAITEMENTS EN COURS D’ETUDE/ EVALUATION

 

A visée de protection pulmonaire :

-        AAT recombinante par aérosols

-        Antiélastases synthétiques per os

-        Rétinïdes (but = inversion des lésions emphysémateuses en activant des gènes impliqués dans le développement pulmonaire et en stimulant des récepteurs de croissance des septa alvéolaires)

-        Acide hyaluronique par aérosols

 

A visée de protection hépatique :

-        Administration de protéines chaperonnes

-        Administration de protéines stabilisant le feuillet βA de l’AATZ, empêchant ainsi sa polymérisation

-        Différentes méthodes de thérapie génique. La seule étude à avoir démontré une efficacité transitoire chez l’homme consistait en l’administration IM du gène N de l’AAT via un adénoV à normalisation des taux sanguins durant 4 mois.