Cancer colo-rectal
Représente ~15% des cancers en France (5% de risque d'être atteint au cours de sa vie). 94% surviennent à > 50 ans et l'âge moyen de diag est d'~70 ans. H/F = 1,5.. Son pronostic reste sombre : ~40-50% de survie à 5 ans.
CANCEROGENESE, FACTEURS DE RISQUE, FACTEURS PROTECTEURS
Différentes voies caractérisées par des successions d'aN génétiques ont été identifiées. Dans tous les cas, l'immense majorité des néos dérivent d'adénomes.
- Sujets à risque très élevé – pathos à transmission autosomique dominante à pénétrance élevée : à évoquer en cas de néo à < 50 ans, atcdts d'autres néos persos, agrégation familiale.
· Polypose adénomateuse familiale (responsable de < 1% des néos)
§ Développement dès la puberté de plusieurs centaines de polypes intestinaux, apparition d'une transformation inéluctable. Diag par analyse du gène APC sur les GB.
· Syndrome de Lynch (= syndrome HNPCC) (responsable d'~5% des néos)
§ Critères d'Amsterdam : > 3 apparentés atteints de néos du spectre HNPCC (Lynch I : exclusivement colorectal, Lynch II : colorectal + estomac + grêle + ovaire + endomètre + voies urinaires + spinocellulaire + glioblastome + médulloblastome) dont un avant diag avant 50 ans, 1 sujet atteint est parent au 1er degré des 2 autres, atteinte de 2 générations successives. Les principales mutations responsables ont été identifiées et doivent être recherchées. Le risque de cancer colorectal à 70 ans est de 90% chez l'homme et de 74% chez la femme.
- Sujets à risque élevé :
· Atcdt perso (RR = 2, en cas d'association à des adénomes : RR = 5)/ familial (RR = 2 pour 1 apparenté, RR = 2,8-5,7 pour > 1 apparenté, RR = 3,7-5,4 si le cas index est < 45 ans, les cas index de > 70 ans ne majorant pas le RR) de cancer colorectal
· Atcdt perso (RR = 3,6 pour 1 adénome de > 1cm, RR = 6,6 pour plusieurs adénomes de > 1cm, le RR n'est pas majoré en cas d'adénome < 1 cm)/ familial (serait similaire au RR des atcdts familiaux de cancer colorectal pour les adénomes > 1cm avant 50 ans) d'adénome colorectal
§ La prévalence des adénomes est de 7% à 45-49 ans, de 15% à 50-59 ans, de > 20% au-delà. Une éradication systématique des adénomes entraîne une réduction du nombre de néos de 85-90%. Les FR de transformation d'un adénome sont : taille > 1cm, composante villeuse, degré de dysplasie, adénomes plans.
· RCUH (RR = 1,7-2,5)… encore discuté pour le Crohn
- Sujets à risque modéré :
· Cancers de l'ovaire/ de l'endomètre (RR ~1,5)
· Cholécystectomie et lithiase biliaire
· Âge > 50 ans
- Facteurs alimentaires et métaboliques liés à une augmentation de risque :
· Consommation de protéines (> 133g/j de viande rouge). Rôle des graisses et des nitrites ?
· Obésité androïde, apport calorique élevé, sédentarité
· Consommation élevée de sucres et de féculents
· Alcool (RR = 1,2 pour 40g/j)
· Tabac (risque significatif à > 20 p-a, disparaît à l'arrêt du tabagisme)
- Facteurs protecteurs
· Fibres alimentaires (RR = 0,5 pour 27g/j), légumes et fruits
· Calcium, vit D, folates. Autres vitamines font débats
· THS post-ménopausique (RR = 0,55 après 11 ans de tt)
DIAGNOSTIC
- CLINIQUE
Dans 74% des cas le diag est évoqué devant la clinique.
- D+ abdos variables, ++ localisées au cadre colique. Peuvent évoluer par crises d'aggravation progressive cédant lors d'une débâcle de selles/gaz (traduit une sténose, rare).
- Fréquents troubles du transit : diarrhée rebelle, constipation, alternance des 2. L'occlusion est rare
- Rectorragies (imposent toujours une exploration)
- Recherche de masses, touchers pelviens
- Signes métastatiques : hépatomégalie +- hépatalgie/ ictère, ascite
- Syndrome anémique (!! l'exploration d'une anémie microcytaire est le mode de diagnostic de 10% des néos colorectaux), t° inexpliquée
Formes compliquées (18% des indications opératoires, concernent surtout les malades âgés/ les localisations coliques G/ avec des métas) :
- Occlusions (rares au diag, elles surviennent au décours de 10-20% des néos, s'installant sur plusieurs semaines)
- Perforation (surviennent au décours de 1-8% des néos
- Fistules internes/ entérocutanées
Formes évocatrices d'une localisation :
- Syndrome de Koenig et occlusion grêle → valvule iléo-cæcale
- Syndrome de Koenig et distension du colon en amont → colon ascendant
- Symptomatologie biliaire → colon transverse D
- Crises sub-occlusives → colon descendant
- Clinique mimant une péri-diverticulite → sigmoïde
- COLOSCOPIE + BIOPSIES = GOLD STANDARD
Se 96,7% et Sp 98%. Un décès iatrogène survient chez 0,03% des sujets explorés (perforation,…). Se contenter d'une recto-sigmoïdoscopie en cas de suspicion de cancer recto-sigmoïdien n'a pas de sens : moins performante, elle doit de toute façon être suivie d'une colonoscopie même en cas de positivité.
- RX AVEC PC HYDROSOLUBLE
N'a plus que peu d'indications : colonoscopie incomplète/ trop dangereuse/ suspicion de perforations/ fistule/ obstruction. Le lavement baryté est inutile et dangereux. Ces examens pourraient à terme être remplacés par la colonoscopie virtuelle (CT/IRM) qui n'a pas d'autre indication.
BILAN D'EXTENSION
- Biologie : tests hépatiques (peu performants)
- Echo abdo
- CT/ IRM abdo
- RX et/ou CT thorax
- Ponctions-biopsies des masses suspectes
- Optionnels :
· CT injecté/ IRM en cas de signes neuros
· Immunoscintigraphie à l'aide d'Ac anti-ACE (NB : dans 30% des cas des anti-Ac apparaissent, limitant l'utilisation ultérieure de l'examen)
· PET-CT
BILAN D'OPERABILITE
LOCALISATION, ANAPATH, STADES, IMPLICATIONS PRONOSTIQUES
On divise le cadre colique selon la vascularisation :
- Colon D = cæcum, colon ascendant, angle colique D, 2/3 D du colon transverse
· Vaisseaux mésentériques sup
- Colon G = 1/3 G du colon transverse, angle colique G, colons descendant, iliaque et sigmoïde
· Vaisseaux mésentériques inf
Bien que cette différence tende à s'estomper, la fréquence des néos du colon G est toujours légèrement plus élevée que celle du colon D.
Sur le plan histologique, 94% des néos sont des adénocarcinomes (dont 4% d'adénoC "en bagues à chatons" qui doivent faire suspecter un néo gastrique associé). 6% restants : carcinomes épidermoïdes, lymphomes non hodgkiniens, léiomyosarcomes, carcinoïdes.
Un envahissement veineux est un facteur prédictif de métas hépatiques, le foie étant le principal site métastatique. Métas hépatiques déjà présentes dans 15-20% des cas au diag. Les métas pulmonaires ne sont présentes au diag que dans < 1%.
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La survie à 5 ans est de 95% pour les stades 0/1, de 80-90% pour les stades II, de 65% pour les stades III et de 5% pour les stades IV.
TRAITEMENTS
- TRAITEMENTS A VISEE CURATIVE
Chirurgie (colectomie segmentaire avec des marges de > 5cm + relais ganglionnaires) après préparation colique et ABprophylaxie + Chth systémique adjuvante (5-FU + lévamisole durant 1 an ou 5-FU + acide folinique durant 6 mois). Discuter l'opportunité d'une Chth intraportale.
On peut inclure dans ce schéma la résection synchrone de métas hépatiques/ pulmonaires de petite taille et permettant des marges de sécurité. Même si la rémission est alors très hypothétique, il a été démontré un très net gain de survie.
NB : en cas de syndrome de Lynch, la colectomie doit être totale avec anastomose iléo-rectale.
- TRAITEMENTS A VISEE PALLIATIVE
Destiné aux formes localement avancées/ métastatiques. En cas de bonne réponse, on pourra rediscuter l'opportunité d'un tt à visée curative.
- Chth palliative : schéma 5-FU + acide folinique de De Gramont,…
- En cas de métas hépatiques non résécables d'emblée : embolisation portale sélective/ cryoth/ RXfréquence
- En cas (de menace) d'occlusion : prothèse colique extensible
- …
SUIVI
- Examen clinique incluant touchers pelviens
· 1x/3mois les 2 premières années puis 1x/6mois durant 3 ans
- Dosage ACE : si > 5ng/ml → Se 60-90% et Sp 85-95%. Son élévation précède généralement de plusieurs mois l'apparition des signes cliniques/ radiologiques
- RX thorax… bien que la Se de la RX thorax pour les métas pulmonaires ne soit que de 50% → CT ?
· 1x/an durant 5 ans
- Echo abdo
· 1x/ 3-6 mois durant 3 ans puis 1x/an durant 2 ans.
- Colonoscopie à 3 et 5 ans
- Les autres examens morphologiques sont plus onéreux et ne sont conseillés qu'en cas d'exam de base impraticable/ de signes d'alerte
LA PREVENTION
- LE DEPISTAGE
- Dépistage de masse systématique :
· Réalisation d'un Hématest 1x/ 1-2ans chez les > 50 ans → réduit la mortalité par néo colorectal de 15-20%
· La réalisation d'une colonoscopie, présentant des risques, se justifierait difficilement
· La colonoscopie virtuelle est en cours d'évaluation
- Dépistage pour les sujets à risque élevé :
· Colopathie inflammatoire avec pancolite → coloscopie 1x/ 2ans avec biopsies systématiques après 15-20 ans d'évolution
· Apparentés au 1er degré de patients atteints → colonoscopie à 45 ans/ 5 ans avant l'âge du cas index, à renouveler après 5 ans
- Dépistage pour les sujets à risque très élevé :
· Dépistage génétique +
§ Pour les PAF : rectosigmoïdoscopie annuelle de la puberté jusqu'à 40 ans
§ Pour le syndrome de Lynch : coloscopie totale 1x/2 ans dès 25 ans/ 5 ans avant le cas familial le plus précoce + dépistage des autres néos entrant dans le cadre du syndrome
- REGLES GENERALES
Favoriser la consommation de fruits, légumes et céréales complètes et un apport calorique adapté, activité physique, lutte contre l'obésité, éviction des viandes et graisses carbonisées. Lutte contre l'alcoolo-tabagisme.
- CHIMIOPREVENTION : AINS ?
L'aspirine, le sulindac, le piroxicam, l'indométacine, l'ibuprofène et le kétoprofène rééduiraient le risque de survenue de néos colorectaux chez les sujets à risque. Leur utilisation est toujours à l'étude.