Céphalées et facialgies (sub)-aiguës

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Les céphalées ("maux de tête") et facialgies (sub)-aiguës constituent environ 5% des motifs d'admission aux urgences bien que leurs causes les plus fréquentes ne relèvent pas de l'urgence : contractures musculaires, accès d'une céphalée chronique, infections virales.

Tout l'enjeu est d'identifier parmi les patients ceux devant bénéficier d'un bilan complémentaire afin d'exclure une pathologie urgente. Une céphalée "explosive", des signes méningés, un déficit focal, des troubles de la conscience, une confusion ou agitation, un œdème papillaire au fonds d'oeil (FO), doivent toujours faire évoquer une urgence jusqu'à preuve du contraire.

Attitude schématique en urgence

Céphalées aiguës

Céphalées aiguës

Quelques tableaux cliniques évocateurs

Certaines présentations cliniques sont très évocatrices d'une étiologie donnée :

  • Céphalée aiguë + parésie oculomotrice (POM) du III → hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) sur anévrisme ? Tumeur ?
  • Céphalo-facialgie + parésie oculomotrice +- ptose et/ ou chemosis → atteinte de la loge caverneuse (thrombose veineuse cérébrale [TVC] ?) ?
  • Céphalées aiguës après un effort ou valsalva ou coït → hémorragie sous-arachnoïdienne ? Rupture d'un cavernome ou d'une malformation artério-veineuse (MAV) ?
  • Céphalées aiguës + traitement anticoagulant → accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique ?
  • Céphalo-facialgie aiguë chez tout patient de plus de 50 ans ou présentant des artères temporales indurées ou douloureuses à la palpation ou signes récents d'atteintes systémiques ou diminution de l'acuité visuelle ou céphalée à prédominance temporale avec hyperesthésie → maladie de Horton ?
  • Céphalo-facialgie aiguë + Claude-Bernard-Horner → Dissection carotidienne ? Atteinte de la loge caverneuse ?
  • Céphalée sub-aiguë + autre signe d'hypertension intracrânienne (HTIC) ou crise épileptique ou déficit neurologique non focal → thrombose veineuse cérébrale ? Tumeur ? Encéphalopathie hypertensive ou toxico-métabolique ?
  • Céphalée aiguë centrée sur l'orbite + diminution unilatérale de l'acuité visuelle +- mydriase unilatérale → Glaucome aigu ? (les occlusions vasculaires rétiniennes sont classiquement indolores), névrite optique ?
  • Céphalées aiguës + fièvre en l'absence de foyer évident ou autres signes méningés → méningite ou encéphalite ?
  • Notion d'une céphalée (sub)-aiguë + troubles de la conscience ou confusion ou mydriase unilatérale ou myosis bilatéral → exclure avant tout une HTIC en décompensation → exclure ensuite les AVC, méningites, encéphalites, abcès cérébraux, encéphalopathies hypertensives et toxico-métaboliques
  • Céphalée aiguë + hypertension artérielle (HTA) sévère + signe de faillite(s) organique(s) → encéphalopathies hypertensive ou toxico-métaboliques ?
  • Céphalée ou nucalgie + sujet jeune + déficit focal ou notion de trauma récent → dissection carotidienne (cf les critères de Denver en cas de trauma) ?
  • Céphalée aiguë + grossesse ou post anesthésie générale ou sous bromocriptine +- troubles visuels → apoplexie hypophysaire ? Thrombose veineuse cérébrale ? Angéite spastique ?
  • Céphalée aiguë + grossesse + hypertension artérielle + protéinurie (+ convulsions) → (Pré)-éclampsie
  • Céphalée aiguë + diabète ou signe évocateur d'une décompensation inaugurale → Complication diabétique aiguë ?

A noter qu'une hypertension artérielle sévère secondaire protectrice est fréquente dans les atteintes cérébrales et toute situation de stress, organique ou psychique, peut générer un pic hypertensif sévère même chez le normo-tendu. Un diagnostic d'encéphalopathie hypertensive ne peut être porté que par exclusion ou absence de signe évident d'autre étiologie associée à des signes de faillite d'autres organes ou des images radiologiques typiques (une céphalée isolée sur pic hypertensif n'est pas une urgence hypertensive). Ne pas hésiter à réaliser une IRM cérébrale en cas de doute.

Les céphalées sont le plus souvent absentes ou au second plan lors des accidents vasculaires cérébraux ischémiques hormis ceux de la fosse postérieure. Leur présence impose d'évoquer une autre étiologie (thrombose veineuse cérébrale ? Tumeur ? Dissection artérielle ? Infection sous-jacente ?...).

Mise au point

Rechercher avant tout les symptômes et signes d'alarme (cf schéma supra).

Anamnèse

Caractéristiques de la céphalée :

  • Ancienneté et, si chronique, cet épisode est-il différent (la réponse étant fréquemment "oui" pour des variations non significatives, demander des précisions) ?
  • Mode d’installation (brutal, lent, par à-coups,…)
  • Mode d’évolution, fréquence des accès douloureux,…
  • Localisation (uni ou bilatérale,…), irradiations, extension. Rectifier la prise en charge vers celle d'une nucalgie ou une contracture musculaire le cas échéant
  • Type (étau, brûlure, pulsatile, continue,…)
  • Facteurs déclenchants (froid, effort, aliments, alcool, privation de sommeil, médoc, trauma, coït,…), aggravants et soulageants
  • Symptomatologie associée
  • Sévérité (impact sur la vie quotidienne)
  • Réponse aux traitements éventuels

Signes d’accompagnement :

  • Nausées ou vomissements, cervicalgie, fièvre, dégradation de l'état général, troubles cognitifs, déficits neurologiques focaux, rhinorrhée, douleur oculaire, crise convulsive, larmoiement (→ ++ cluster headaches ?)
  • Prodromes (irritabilité, troubles de l’humeur, malaise, sensation de faim,…), aura ?

Divers : antécédents personnels et familiaux, âge, contexte psycho-socio-économique, prise de médicaments (!!! abus d’antalgiques, de dérivés nitrés, de dipyridamole,…), survenue concomitante de symptômes chez des personnes vivant avec le patient, consommation de toxiques,...

Examen clinique

TA, t°, état général, points sinusaux, examen général et neurologique, acuité visuelle, palpation des temporales,…

Biologie, gazométrie, tigette

  • Coagulation avec D-Dimères, CRP-hémato, ionogramme, fonction rénale et hépatique, glycémie
  • VS pour exclure une maladie de Horton si patient de plus de 50 ans
  • Gazométrie en cas de suspicion de complication aiguë d'un diabète ou avec HbCO en cas de suspicion d'intoxication au CO
  • Tigette urinaire en cas de suspicion de complication aiguë d'un diabète

Ponction lombaire 

Systématique en cas de fièvre (en l'absence d'explication évidente)n, de signes méningés ou de forte suspicion d'HSA avec CT-scanner cérébral négatif.

Principales étiologies des "céphalées en coup de tonnerre" ou avec signes d'alarme

Hémorragie sous-arachnoïdienne

Les HSA sont la première cause de céphalées en coup de tonnerre secondaires mais ne représente que 1% de l'ensemble des céphalées. La céphalée est le seul symptôme dans 50% des cas. Possibles troubles de la conscience, déficits neurologiques, crise épileptique, syndrome méningé, "céphalée sentinelle" dans les semaines précédentes, nucalgies/ dorsalgies, fébricule. Toujours à suspecter vu sa gravité pronostique en l'absence de traitement.

Autres AVC hémorragiques et hémorragies post-traumatiques

Diagnostics généralement évidents : notion d'HTA mal contrôlée, d'angiopathie amyloïde cérébrale, de traitement anticoagulant ou de trauma récent. Le CT-scanner suffit généralement au diagnostic.

Toute cause d'hypertension intracrânienne aiguë

Les caractères évocateurs d'une HTIC sont : céphalées d'aggravation progressive, prédominantes en fin de nuit ou au matin, rapidement rebelles aux antalgiques. On peut également rencontrer des vomissements, troubles visuels, crises épileptiques, déficits neurologiques mal systématisés, troubles de la vigilance ou des anomalies pupillaires (signe de gravité).

Le CT-scan fera généralement le diagnostic. En cas d'HTIC "idiopathique", l'imagerie est cependant normale et la ponction lombaire (PL) nécessaire au diagnostic, le fonds d'oeil (FO) ayant quant à lui des implications pronostiques et thérapeutiques.

AVC ischémiques artériels

L'évocation du diagnostic suppose la présence de déficits neurologiques focaux. Les céphalées sont rarement au premier plan. Si c'est le cas, et en l'absence d'un infarcissement massif ou d'un processus volumineux de la fosse postérieure, faire systématiquement une angio-IRM pour exclure une dissection cervicale causale ou une TVC.

Thromboses veineuses cérébrales

Rares (moins de 1% des AVC), elles se manifestent généralement par des céphalées d'évolution sub-aiguë ("céphalées en coup de tonnerre" dans moins de 10% des TVC) et sont classiquement associées à la femme d'âge moyen avec des facteurs de risque de thrombophilie… Cependant, vu la gravité de son évolution spontanée et son évolution habituellement favorable sous anticoagulation, ce diagnostic est à exclure dans tous les cas sur base clinique ou radiologique (le CT-scanner ne montrant des anomalies que dans moins 75% des cas, une VRM ou un VCT est indispensable en cas de suspicion clinique. Des D-Dimères négatifs peuvent exclure une TVC en cas de symptômes évoluant depuis moins de 2 semaines en cas de suspicion clinique faible). Une céphalée accompagnée de déficits neurologiques mal focalisés, de crises convulsives ou de troubles de la conscience sans diagnostic alternatif ou la première certaines co-morbidités (thrombophilie, thrombocytémie, polyglobulie,...) doit la faire évoquer systématiquement.

A noter que la découverte d'une hémorragie intracrânienne (HIC) n'exclut pas la présence d'une TVC (transformation hémorragique possible). Il convient donc de poursuivre le bilan en cas de localisation hémorragique inhabituelle pour une HIC hypertensive, d'absence d'HTA connue ou d'absence de cause iatrogène.

Dissections d'une artère cervicale

Elles se caractérisent par des céphalées explosives dans 20% des cas. Les céphalées carotidiennes sont généralement fronto-orbitaires unilatérales (mais bilatérales diffuses possibles) et les céphalées vertébrales des nucalgies. Y penser systématiquement chez les sujets jeunes présentant un signe de Claude-Bernard-Horner ou un AVC ischémique.

Le diagnostic nécessite une angio-IRM ou, à défaut, un angio-CT-scan avec une échographie-doppler cervicale.

Infections du système nerveux central : méningites, encéphalites, abcès, empyèmes

Elles sont à évoquer devant un syndrome méningé, un syndrome fébrile, des troubles de la vigilance, un patient âgé ou un immunodéprimé sans autre cause évidente de céphalée. Le CT-scanner et/ ou la PL feront généralement le diagnostic.

Instaurer immédiatement une antibiothérapie empirique + aciclovir en cas de forte suspicion clinique sans attendre la réalisation des examens complémentaires.

Encéphalopathies hypertensives

La céphalée est habituelle mais rarement explosive. Lorsqu'il n'existe pas d'autre signe d'urgence hypertensive, le diagnostic différentiel peut être difficile avec les céphalées accompagnées d'un pic hypertensif réactionnel ou un simple pic hypertensif. Le CT-scanner est souvent aspécifique. L'IRM montre généralement un œdème diffus prédominant dans la substance blanche et en postérieur.

La prise en charge relève d'une unité de soins (semi)-intensifs (pas en salle de neurologie comme c'est souvent le cas, l'urgence étant le contrôle tensionnel). Ces encéphalopathies n'étant pas toujours réversibles (même le PRESS), le risque de séquelle étant corrélé à la précocité de la normalisation tensionnelle, il s'agit d'une urgence thérapeutique.

Apoplexie hypophysaire

Elle consiste en une hémorragie ou un infarcissement de la glande pituitaire et se caractérise cliniquement par des céphalées généralement frontales ou rétro-orbitaires éventuellement associées à des troubles de la conscience. La coexistence de troubles visuels ou oculomoteurs est évocatrice (doit faire discuter une pathologie de la loge caverneuse comme diagnostic différentiel).

Elle survient fréquemment sur un adénome hypophysaire. Le CT-scanner étant souvent normal (mais peut montrer des stigmates hémorragiques ou une sinusite sphénoïdale inflammatoire d'accompagnement), le diagnostic repose sur l'IRM. Rare et de diagnostic très difficile en cas de clinique frustre, elle survient plus fréquemment au décours d'une grossesse, d'une anesthésie générale ou d'un traitement par bromocriptine.

Son diagnostic impose une surveillance en soins intensifs, l'administration d'hydrocortisone et des avis endocrinologique et neurochirurgical en l'absence d'amélioration sous traitement médical.

Névrites optiques

A suspecter en cas de diminution d'acuité visuelle unilatérale. Fréquemment accompagnées de douleurs aux mouvements oculaires, d'une dyschromatopsie et/ ou d'une désafférentation pupillaire.

Hypotension intracrânienne spontanée par fuite de LCR

Une céphalée explosive est présente dans 15% des cas. Elle se présente typiquement par une céphalée orthostatique. Le CT-scanner est usuellement normal. La ponction lombaire montre une pression d'ouverture anormalement basse et éventuellement une hyperprotéinorachie et/ ou augmentation des leucocytes et hématies… mais la PL risque d'aggraver les symptômes. Le diagnostic peut être confirmé par une IRM avec gadolinium en cas de prise de contraste diffuse des méninges.

Hypertension intracrânienne idiopathique

Plus fréquente chez les femmes jeunes obèses ou en surcharge pondérale. Elle se caractérise par des céphalées réfractaires subaiguës avec troubles de la vue ou anomalies évocatrices au FO. Risque de diminution de l'acuité visuelle définitive.

Angiopathies cérébrales aiguës réversibles

Syndrome clinico-radiologique caractérisé par l'association d'une céphalée aiguë et d'une vasoconstriction spontanément réversible des artères cérébrales. Facteurs favorisants : grossesse, amphétamines et autres toxiques,…

La répétition en salve de céphalées explosives est évocatrice. Le CT-scanner et la ponction lombaire ne sont d'aucune utilité pour le diagnostic positif. L'angio-IRM est parfois normale ce qui justifie en cas de doute de recourir à l'artériographie (rétrécissements segmentaires multiples des artères de moyens et gros calibre des territoires carotidien et vertébro-basilaire). L'évolution est de règle spontanément favorable en 2 à 16 semaines (possibles AVC secondaires). Le traitement repose sur les antalgiques et la nimodipine [nimotop].

Anévrismes et autres malformations vasculaires n'ayant pas saigné

Leur implication dans des céphalées en coups de tonnerre est toujours débattue (mise sous tension ? hémorragie intra-pariétale ?). Il convient donc de continuer le bilan en cas de découverte d'un anévrisme ou d'une MAV n'ayant pas saigné et de confirmer l'absence de saignement par une ponction lombaire. Si aucune autre étiologie n'est retrouvée, il faudra discuter le traitement en urgence de la malformation vasculaire mise en évidence (risque de rupture imminent versus découverte fortuite ?).

Glaucome aigu par fermeture de l'angle

A évoquer en cas de : douleur péri-orbitaire, œil rouge et/ ou douloureux, baisse unilatérale de l'acuité visuelle. Débuter immédiatement le traitement à la moindre suspicion en cas de délai d'attente trop long pour l'avis ophtalmologique (risque de cécité définitive) !

Infections ORL : mastoïdites, otites compliquées, sinusites aiguës

Diagnostics essentiellement cliniques, éventuellement appuyés par la biologie, le CT-scanner fera le diagnostic en cas de doute.

Maladie de Horton

La céphalée (typiquement temporale avec hyperesthésie) en est le symptôme le plus fréquent (présente dans environ 60% des cas). Il s'agit d'une ugence en cas de diminution de l'acuité visuelle (risque de cécité définitive) ! A évoquer systématiquement (→ demander une VS) en cas de patient de plus de 50 ans, de céphalées typiques, d'artères temporales douloureuses ou indurées à la palpation, d'une diminution de l'acuité visuelle, de signes systémiques récents ou de pseudo-polyarthrite rhizomélique connue.

Intoxications

Les céphalées aiguës sont fréquentes au cours des intoxications. Penser en particulier aux intoxications au CO, à la cocaïne, aux SSRI et aux antagonistes sérotoninergiques.

Endocrinopathies et anémies

En dehors d'une étiologie évidente, l'association d'une céphalée (sub)-aiguë à une notion d'HTA rebelle ou à un pic hypertensif doit faire évoquer un phéochromocytome.

Généralement à l'arrière plan, une céphalée aiguë doit faire évoquer une complication aiguë d'un diabète chez un diabétique connu ou en cas de signe évocateur d'une décompensation inaugurale. Un AVC associé, pouvant causer ou résulter d'une telle décompensation, est toujours à exclure (hormis le cas particulier des hypoglycémies résolues après resucrage).

Evoquer des décompensations d'autres endocrinopathies selon les signes cliniques et /ou troubles ioniques associés. L'anémie est une cause fréquente de céphalées, généralement au second plan, survenant fréquemment en hospitalisation.

Céphalées en coup de tonnerre primaires, première crise d'une céphalée chronique, troubles psychogènes

Cas fréquents, il s'agit de diagnostics d'exclusion.

Principales étiologies des céphalées sub-aiguës en l'absence de signe d'alarme

Infections virales, fièvre et sepsis, pathologies dentaires, troubles de la vue, endocrinopathies, premier accès d'une céphalée chronique, contractures musculaires, troubles fonctionnels,… Ces cas de figures ne nécessitent généralement pas de prise en charge urgente.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD