Atteintes neurologiques d'infections systémiques : tuberculose

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La tuberculose (les généralités concernant cette pathologie sont abordées dans un chapitre particulier) est une maladie chronique due à une infection à des mycobacter. Selon les séries, jusqu'à ≈ 30% des tuberculoses entreprennent le système nerveux central. Potentiellement curable, les erreurs et retards de diagnostic sont particulièrement fréquents pour les manifestations neurologiques de la tuberculose. Elle doit être systématiquement évoquée en cas de méningite ou de manifestation neurologique inexpliquée chez les primo-arrivants, les immunodéprimés (++ HIV positifs) et les diabétiques.

Méningites et méningo-encéphalites

Clinique

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Primo-infection → dissémination hématogène → granulome méningé → déclaration de la méningite ++ à 6 mois – 2 ans. La clinique est classiquement marquée par trois étapes :

  • Phase prodromique : longue, symptomatologie non spécifique (fatigue, perte d'appétit, perte de poids, céphalées, syndromes confusionnels ou dépressifs, fébricule).
  • Signes généraux précédant parfois les signes neurologiques de quelques semaines à quelques mois (fièvre généralement discrète à modérée, athénie).
  • Signes neuro-méningés d'installation souvent progressive : syndrome méningé (souvent limité au début à des céphalées), troubles de la vigilance, atteintes des nerfs crâniens (++ nerf III), signes basilaires (attention particulières aux troubles du rythme respiratoire, du rythme cardiaque ou de la tension artérielle), crises épileptiques, déficits focaux assez précoces. Regroupements syndromiques :
    • Méningite basilaire = forme clinique la plus fréquente et la plus évocatrice
      • = syndrome méningé + trouble de la vigilance + fièvre + "dégradation de l'état général" +- atteintes des paires crâniennes.
      • Diagnostics différentiels = méningite à cryptocoque (→ recherche systématique de l'antigène cryptocoque + examen direct), méningite à Listéria (installation plus aiguë), méningites carcinomateuses, certaines formes de méningo-encéphalites herpétiques, neurosarcoïdose, méningite syphilitique, Lyme,…
    • Méningo-encéphalite = syndrome méningé + troubles de la vigilance + déficits focaux et/ ou convulsions. Diagnostics différentiels : méningo-encéphalite à cryptocoque, à listéria, herpétique,…
    • Méningite du nourrisson : hypotonie, somnolence, plafonnement intermittent du regard, fontanelle tendue,…

Occurence accrue chez les immuno-déprimés (++ HIV, ++ en cas de CD4 < 200/ cc). Exceptionnelles méningites après vaccination BCG.

Examens complémentaires

Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est habituellement eau de roche, possible discrète hypertension intracrânienne, pléiocytose lymphocytaire (++ 200 à 300 cellules/ cc, prédominance de polyneutrophiles avec liquide trouble possible en début d'évolution), protéinorachie > 1 g/ l (habituellement moindre chez les immunodéprimés), hypoglycorachie, hyperlactatorachie.

  • Examen direct → sensibilité variant de... 7 à 40%.
  • PCR : plus sensible que l'examen direct et très spécifique mais ne permet toujorus pas d'exclure le diagnostic en cas de négativité
  • Cultures : Gold Standar. Le délai pour l'obtention des résultats est cependant de 2 à 4 semaines. La réalisation d'un antibiogramme est indispensable (délai supplémentaire variable).

Imagerie :

  • Ventricules : dilatation ventriculaire dans ≈ 66%
  • Méninges : fréquente prise de contraste (tant des produits de contraste iodés que du gadolinium) ++ à la base, possibles granulomes méningés. Rarement, véritable granulomatose diffuse de la base menaçant les voies optiques de compression
  • Parenchyme : plages ischémiques (les lacunes des noyaux gris ont une valeur pronostique très péjorative), granulomes

Electro-encéphalogramme : possibles foyers épileptiformes et/ ou d'ondes lentes

Recherche d'atteintes extra-neurologiques :

  • Examen clinique (adénopathies), radiographie thoracique, CT-scanner thoraco-abdominal, recherche du BK par tubage gastrique + dans les urines, intradermo-réaction, fonds d'oeil et champs visuels.

Complications

  • Hyponatrémies (fréquentes) parfois sévères sur SIADH ou CSWS
  • Hydrocéphalie : généralement communicante et à la phase aiguë, toujours la rechercher cependant en cas de dégradation en cours de ou après traitement
  • Vasculite cérébrale secondaire et lésions ischémiques
  • Crises épileptiques
  • Arachnoïdite : parfois jusqu'à plusieurs années après l'épisode aigu, tableau clinique généralement de syndrome médullaire. Traitement par corticothérapie après avoir éliminer une réinfection, récidive ou une autre infection.
  • Syringomyélie ou syringobulbie : peut apparaître 1 à 20 ans après l'épisode aigu, ++ paraparésie spastique progressive avec troubles de la sensibilité. Différents mécanismes sont évoquées (++ ischémie secondaire à une arachnoïdite spinale)
  • Complications visuelles : rares, diminution de l'acuité visuelle ++ endéans le 1er mois mais parfois à distance. Doit faire rechercher un tuberculome du chiasma et une hydrocéphalie. Toujours évoquer une toxicité iatrogène de l'ethambutol le cas échéant.
  • Complications endocriniennes : parfois des années suivant l'épisode → y penser face à l'installation inexpliquée d'une obésité, d'un retard de croissance ou d'un hypogonadisme

Tuberculomes intracrâniens

Un tuberculome est une masse de tissus granulomateux tuberculeux susceptible de constituer une lésion intracrânienne expansive (dans ce cas ils constituent une contre-indication à priori à la réalisation d'une ponction lombaire). La clinique est essentiellement celle d'une hypertension intracrânienne +- éventuels déficits focaux et dégradation cognitivo-comportementale selon la localisation.

Apparaît au CT-scanner comme hypo ou isodense, prise de contraste en périphérie, entouré d'un œdème.

A l'IRM : iso ou hypo-intense en T1, hypo, iso ou hyper-intense en T2, prise de gadolinium homogène.

Les tuberculomes intramédullaires sont exceptionnels et se manifestent généralement par un syndrome médullaire d'installation lente

Abcès tuberculeux

Ils sont exceptionnels et constituent une contre-indication à priori à la réalisation d'une ponction lombaire. Semblable à un abcès à pyogène à la RMN.

Tuberculose miliaire du névraxe

Exceptionnelle. CT-scanner montrant habituellement des opacités multiples < 3 cm de diamètre.

Myéloradiculite tuberculeuse

Clinique : syndrome médullaire, syndrome médullo-radiculaire ou tableau de méningite tuberculeuse classique en cas d'extension → ++ paraparésie, troubles sensitifs et sphinctériens d'installation progressive sur 1 à 2 mois. La RMN est le Gold Standard diagnostic.

Epidurite tuberculeuse

Elle se manifeste par des signes de souffrance médullaire en dehors de toute atteinte osseuse clinico-radiologique. La lésion est généralement de niveau thoracique en arrière de la dure-mère, sans l'envahir. Image radiologique de compression. Diagnostics différentiels : pathologies discales et tumorales. Diagnostic établi par l'examen extemporané. Eviter les ponctions lombaires au vu du risque de compression médullaire.

Pronostic

Le pronostic est globalement médiocre : 15 à 40% de mortalité, 15% de séquelles. Importance de la précocité du diagnostic.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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La prise en charge d'une tuberculose neurologique doit se discuter de manière pluri-disciplinaire (infectiologues, intensivistes, neurologues, neuro-chirurgiens). Des signes d'atteinte basilaire doivent faire discuter une surveillance initiale en soins intensifs.

L'antibiothérapie empirique doit être débutée de règle après ponction lombaire (sauf contre-indications) sur présomption clinique : isoniazide 5 mg/ kg/ jour + rifampicine 10 mg/ kg/ jour + pyrazinamide 25 à 30 mg/ kg/ jour +- ethambutol 20 mg/ kg/ jour (toujours en cas de suspicion de résistance àl'INH). Isoniazide et rifampicine en IV en cas de troubles digestifs. Arrêt du pyrazinamide après 2 mois et de l'ethambutol après 4 mois. Durée totale du traitement de 6 à 18 mois selon le statut immun (minimum 1 an si HIV positif ou traité par anti-TNF ou anticorps monoclonaux), tolérance et gravité initiale. Vérifier les taux sanguins chez les HIV positifs (absorption diminuée). Pas de donnée quant à une éventuelle tératogénicité du pyrazinamide. De règle, particulièrement chez les HIV positifs, demander un avis à l'infectiologue de référence dès que possible.

Effet positif démontré sur la morbi-mortalité d'une corticothérapie (medrol 2 mg/ kg/ jour) précoce (endéans le 1er mois). Efficacité controversée de la thalidomide.

Les indications chirurgicales (rares) diagnostiques et/ ou thérapeutiques potentielles imposant un avis neuro-chirurgical en urgence sont :

  • Epidurite tuberculeuse → laminectomie en urgence
  • Tuberculome du chiasma ou intramédullaires symptomatiques → chirurgie urgente
  • Hydrocéphalie obstructive → chirurgie urgente (l'hypertension intracrânienne favorise l'apparition de lésions ischémiques de mauvais pronostic)
  • A discuter en cas de syringomyélie

Toute aggravation sous traitement doit faire rechercher : hypoxie, hyponatrémie hydrocéphalie (→ avis neurochirurgical), vasculite, expansion d'un tuberculome ou granulomes méningés (→ avis neurochirurgical), arachnoïdite (→ corticothérapie), échec thérapeutique et germes multi-résistants, sous-dosage par interférence thérapeutique (ex : antirétroviraux), réaction paradoxale.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD