Asthme

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La définition (très imparfaite) de l'asthme est à la fois :

  • Clinique : épisodes paroxystiques récidivants de dyspnée, d'oppression thoracique, de toux, de respiration sifflante, volontiers noctunes/ matinaux et réversibles, spontanément ou sous traitement
  • Physiologique : obstruction bronchique variable et réversible
  • Physiopathologique : inflammation bronchique polymorphe (pnolynucléaires neutrophiles et éosinophiles, lymphocytes)

Les pics de prévalence sont l'adolescence et la cinquantaine. 10 à 20% des enfants de 10 à 15 ans seraient asthmatiques. 30 à 40% des asthmes infantiles deviennent asymptomatiques à l'âge adulte. La prévalence serait de 2 à 10% pour les adultes. 30 à 50% des asthmatiques ne seraient pas diagnostiqués. La prévalence et le nombre de décès sont actuellement en augmentation. Les pics de mortalités sont saisonniers (été : pneumallergènes, hiver : surinfections).

Etiopathogénie et facteurs de risque / déclenchants

  • Terrain atopique : principal facteur chez l'enfant
  • Génétiques
    • Environ 10% des enfants de parents non asthmatiques deviendront asthmatiques contre 1/3 des enfants comptant au moins un parent asthmatique.
    • De nombreux gènes ont été liés à l'asthme et aux allergies respiratoires
  • Influence hormonale : période prémenstruelle et ménopause sont à risque
  • Environnementaux
    • Pneumallergènes : acariens, blattes, pollens, protéines animales, spores fungiques
    • Allergènes professionnels (boulangers, peintres en bâtiment,…)
    • Infections : controversé, l'exposition à certains germes favoriseraient l'apparition de l'asthme, d'autres la préviendraient (shift lymphocytaire des hygiénistes)
    • Pollution domestique
    • Tabagisme actif ou  passif
    • Pollution athmosphérique (ozone, diesel)
    • Air froid et sec
    • Effort physique
    • Stress, émotions,…

Association avec des vasculites (Churg-Strauss++, PAN). Rôle contesté du reflux gastro-oesopaghien.

Diagnostic et bilan pré-thérapeutique

Anamnèse

  • Antécédents personnels et familiaux d'asthme et allergies, tabagisme, profession
  • Notions d'épisodes paroxystiques correspondant à la définition. Rechercher la survenue ou l'aggravation des symptômes à l'effort, au froid, durant une infection, à l'exposition à des allergènes. Rechercher une notion de bronchites à répétitions.

Examen clinique

En dehors de la crise, l'examen est typiquement normal hormis d'éventuels signes de rhinites ou de polypes nasaux. Des formes atypiques sont possibles, l'asthme à dyspnée continue doit faire discuter les autres causes d'insuffisance respiratoire chronique obstructive.

Epreuves fonctionnelles respiratoires (EFR)

Elles révèlent un syndrome obstructif (VEMS et Tiffeneau [VEMS/CV] diminués) réversible (augmentation du VEMS de plus de 15% et de plus de 200 ml en valeur absolue après inhalation d'un β2-mimétique rapide). Augmentation du VR, CRF, parfois CPT.

Cependant, les EFR doivent parfois être répétées (occasionnelle non réversibilité au moment du test, fonction normale en dehors de la crise). En cas d'EFR négatives ou de clinique atypique, on peut recourir à un test de provocation (à la métacholine, histamine ou l'acétylcholine. Contre-indiqué en cas de VEMS inférieur à 65%) très performant pour exclure le diagnostic. La mesure de la variabilité du DEP peut également être utile en cas d'incertitude.

Biologie

On peut retrouver une hyperéosinophilie.

Autres examens complémentaires

Principalement pour exclure les diagnostics différentiels ou détecter des formes particulières et des complications :

  • Radiographie thorax :
    • Des opacités bilatérales doivent faire évoquer : une aspergillose bronchopulmonaire allergique, un Churg-Strauss, une cause iatrogène, un infiltrat labile de Loffler
  • Endoscopie bronchique si l'on suspecte un obstacle
  • Eventuelle exploration de la fonction cardiaque, en particulier chez les vieux

Bilan allergologique systématique pour les enfants et jeunes adultes.

Cas particuliers

La plupart des formes d'asthme ne sont accessibles qu'à un traitement symptomatique. Il est cependant important d'exclure quelques situations où un traitement étiologique est possible et souvent essentiel.

"Asthme cardiaque" (= "pseudo-asthme")

Clinique asthmatique survenant sur un terrain d'insuffisance cardiaque gauche ou de sténose mitrale. La pathogénie est liée à une hyperréactivité bronchique, à la formation d'un œdème bronchique voire pulmonaire. Selon la clinique (toujours chez les patients âgés), on réalisera une exploration de la fonction cardiaque.

Maladie de Churg-Strauss

Vasculite se déclarant préférentiellement chez les sujets jeunes (médiane à 38 ans) et fortement associé à la survenue d'un asthme grave cortico-dépendant. La présence de signes généraux et extra-pulmonaires (purpura, neuropathies périphériques, insuffisance rénale,…) ou la présence d'un syndrome inflammatoire chronique ou d'une hyperéosinophilie orienteront le diagnostic.

Aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) = maladie de Hinson-Pepys

Très rare, elle survient sur un asthme instable, cortico-dépendant et sévère. La présence d'Aspergillus fumigatus n'est pas directement pathogène mais peut générer une réaction d'hypersensibilité de type I et III. Le diagnostic sera orienté par la présence d'infiltrats pulmonaires éosinophiliques, de bronchectasies proximales, une éosinophilie sanguine supérieure à 1000 /mm³, un test cutané positif aux extraits d'aspergillus fumigatus et l'analyse des expectorations. Très important à identifier du fait de lésions pulmonaires progressives et irréversibles (bronchectasies, fibrose, emphysème). Le traitement repose sur la corticothérapie et l'itraconazole.

Maladie de Carrington

Il s'agit d'une pneumonie chronique ou subaiguë à éosinophiles se compliquant d'asthme, survient préférentiellement chez la femme d'âge moyen. On retrouve fréquemment des épisodes fébriles et une discrète dégradation de l'état général. La radiographie montrera une image typique "d'œdème pulmonaire en négatif" (opacités bilatérales périphériques). Le lavage broncho-alvolaire ramènera de grandes quantités d'éosinophiles.

Syndrome de Vidal

Il s'agit de l'association d'un asthme allergique et d'une polypose naso-sinusienne. On retrouve également une association fréquente avec une allergie à l'acide acétylsalicylique (AAS) qui est à proscrire définitivement.

Les diagnostics différentiels

  • Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : le diagnostic est surtout à évoquer chez le fumeur de plus de 45 ans. Classiquement irréversible, le syndrome obstructif peut être partiellement réversible.
  • Les tumeurs loco-régionales évoluées peuvent simuler un asthme. L'imagerie et l'endoscopie feront le diagnostic.
  • Autres obstructions mécaniques : corps étranger, goître, adénopathies compressives,…
  • Mucoviscidose et dyskinésie ciliaire : à évoquer devant un athme sévère répondant mal au traitement. Test à la sueur, recherche de mutations CFTR, analyse ciliaire, dosage du NO nasal.
  • Rarement : trachéomalacie à révélation tardive, syndromes psychogènes
  • Chez la femme enceinte : toujours exclure une embolie pulmonaire et une valvulopathie
  • Patients âgés : cardiopathies, causes iatrogènes (IEC, β-bloquants,…), embolie pulmonaire
  • Jeunes enfants : mucoviscidose, reflux gastro-oesophagien, troubles de la déglutition, fistule œso-trachéale, corps étrangers, dyskinésie ciliaire, dysplasie bronchopulmonaire, cardiopathies congénitales, trachéo-malacie, déficits immuns, séquelles de viroses,…
  • Enfants et adolescents : troubles psychogènes et diagnostics des adultes et des jeunes enfants

Les crises

  • Clinique :
    • Survient préférentiellement le soir ou la nuit, réveillant le patient et lui imposant de s'asseoir. Eventuel facteur déclenchant (poils d'animaux, fumées, tabac, poussières, parfums, pollens, variations climatiques, surinfection broncho-pulmonaire,…). Eventuels prodromes (céphalées, toux, prurit localisé, conjonctivite,…). La dyspnée progresse pour atteindre son apogée en quelques minutes à quelques heures. La notion d'antécédents de crises d'asthme aigu grave, de crises en aggravation récente, de crises devenant réfractaire au traitement sont des marqueurs de gravité. La majorité des cas évoluent favorablement spontanément ou sous traitement en quelques dizaines de minutes, la crise se terminant par une toux et des expectorations
    • Dyspnée aiguë sifflante avec freinage expiratoire. Tachypnée.
      • Dans certains cas, la clinique peut consister en une toux spasmodique. La notion d'épisodes antérieurs plus typiques, d'antécédents allergiques personnels ou familiaux permettent d'orienter le diagnostic.
      • Rechercher des SIGNES DE GRAVITE : orthopnée majeure, cyanose, polypnée supérieure à 30 /minute, bradypnée inférieure à 12/ minutes, tachycardie importante, bradycardie, tirage, balancement thoraco-abdominal, difficulté voire impossibilité de parler, grande agitation, somnolenceconfusion, silence auscultatoire, collapsus, signes d'insuffisance cardiaque droite, pouls paradoxal [diminution supérieure à 20 mmHg de la tension artérielle systolique (TAS) en inspiration sur exagération de la dépression intrathoracique à l'inspiration entraînant une diminution de la précharge et de la fraction d'éjection], troubles de la conscience, DEP < 30% (150 l/min)
  • Sat02 AA : Une SaO2 < 90% à l'air ambiant plaide déjà pour une crise sévère
  • Gazométrie : hypoxémie modérée, hypocapnie (hyperventilation réflexe), une normo ou hypercapnie sont des signes de gravité.
  • Biologie : Hémogramme et CRP (infection sous-jacente? ! une leucocytose modérée < 16000 est habituelle)
  • Peak-flow meter : DEP abaissé mais habituellement supérieur à 200 l/min
  • Radiographie thorax : distension thoracique, exclusion de diagnostics différentiels (asthme cardiaque, pneumopathie), détecter une pneumopathie déclenchante ou des complications barotraumatiques (pneumothorax, atélectasie,…)
  • Electrocardiogramme (ECG) pour éliminer des signes de cœur pulmonaire aigu et arythmies

Asthme instable

Il est définit comme la succession de plusieurs crises chaque jour durant plusieurs jours de suite avec persistance d'une dyspnée intercritique. Un traitement énergique doit empêcher la survenue d'un asthme aigu grave.

Asthme aigu grave (AAG)

Définit comme une crise avec critères de gravité (cf supra) → transport médicalisé → prise en charge en labo de choc ou soins intensifs. Responsable d'environ 2500 décès par an en France (principalement par hypoxémie sévère ou tamponnade gazeuse), 50% au domicile, 25% durant le transfert, 20% à l'hôpital et 5% en unité de réanimation.

La prévention joue un rôle fondamental, la clinique étant généralement progressive : plus de 80% des patients hospitalisés pour un AAG avaient signalé une aggravation de leur symptomatologie plus de 48h avant leur admission et plus de 50% avaient un asthme mal contrôlé depuis plus de 7 jours ! Plus de 60% des patients ayant contacté leur médecin traitant pour leur signaler cette agravation n'ont eut aucune modification de leur traitement → éducation des patients et des médecins traitants.

Cette évolution est particulièrement à craindre chez  les patients : pauvres, non compliants, minimisant leur maladie, adolescents, âgés, avec des antécédents d'AAG ou de séjour en soins intensifs, ayant un VEMS inférieur à 40%, hospitalisés de façon itérative, ayant un taux d'éosinophiles supérieur à 1000 /mm³, tabagiques à plus de 20 paquets-années, traité par 3 médicaments pour l'asthme ou plus, ayant eu une corticothérapie stoppée dans les 3 mois précédents.

L'asthme subit suraigu (survient surtout chez les jeunes et/ ou sous l'influence de facteurs déclenchants : AINS, exposition massive aux allergènes, stress) consiste en l'apparition en moins de 3 heures d'une crise d'emblée de gravité extrême susceptible d'évoluer vers la mort en quelques minutes.

Complications aiguës les plus fréquentes

  • Récidive à court terme
  • Pneumothorax
  • Emphysème sous-cutané et médiastinal
  • Surinfections broncho-pulmonaires
  • Evolution vers un asthme aigu grave

Diagnostics différentiels à exclure en urgence

Oedème pulmonaire aigu, embolie pulmonaire (bronchoconstriction réflexe responsable de sibilants), pneumothorax, pneumopathie aiguë, tumeur endobronchique, compression trachéale, corps étranger inhalé (surtout chez les enfants, les alcooliques et les patients ayant des troubles de la déglutition connus), "pseudo-asthme" cardiaque, sténose trachéale.

Evolution et complications chroniques

Typiquement, l'asthme débute entre 2 et 10 ans et s'améliore, voire disparait, à la puberté. Il peut ensuite réapparaître ou s'aggraver à l'âge adulte, notamment chez la femme lors de la ménopause. Toutes les formes évolutives sont néanmoins possibles.

Complications chroniques

  • Déformations thoraciques plus ou moins sévères et réversibles.
  • Insuffisance respiratoire chronique obstructive plus ou moins sensible à la corticothérapie
  • Rarement : HTA et cœur pulmonaire chronique
  • Complications de la corticothérapie

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Dans les rares cas où une étiologie particulière sous-jacente (Churg-Strauss,...) est retrouvée, celle-ci doit bien entendu être traitée. Un essai de désensibilisation allergique peut également être tenté chez les enfants ou chez les adultes présentant un asthme léger à modéré dans un contexte atopique.

Traitements symptomatique de fond

Sévérité

Critères

Traitement de fond

I

(asthme paroxystique)

< 1crise diurne/ sem

< 2 crises nocturnes/ mois

Intercritique asymptomatique

DEP et VEMS > 80%

Variabilité DEP < 20%

Aucun hormis l'éviction des facteurs favorisants

(éventuellement cromoglycate avant l'effort si l'effort est identifié comme facteur déclenchant)

II

(asthme persistant léger)

1/ j > crises diurnes > 1/sem

> 2 crises nocturnes/ mois

DEP et VEMS > 80%

Variabilité DEP 20-30%

Corticoïdes inhalés < 500µg/j, 1-2 puffs 2-6x/j

+- β2-mimétiques longue durée inhalés pour la nuit

III

(asthme persistant modéré)

Crises diurnes quotidiennes

> 1 crise nocturne/ sem

Limitation des activités

60% < DEP/ VEMS < 80%

Variabilité du DEP > 30%

Corticoïdes inhalés 1000-2000µg/j

+ β2-mimétiques longue durée inhalés

+- antileucotriènes

IV

(asthme persistant sévère)

Symptômes continus

Limitation des activités

DEP/ VEMS < 60%

Variabilité du DEP > 30%

Idem niveau III + corticoïdes per os à dose minimale efficace (commencer  par prednisone 4x30-40mg/j), cures discontinues si possible

Auquel on rajoutera des β2-mimétiques d'action rapides (salbutamol = ventolin) en puff à la demande pour les crises.

Après instauration/ modification d'un tt, il faut s'assurer à disance qu'une inflation thérapeutique n'est pas nécessaire:

  • Symptômes diurnes < 4x/sem et nocturnes < 1x/sem
  • Activité physique N, pas d'absentéisme professionnel
  • Exacerbations légères (ne nécessitant qu'une augmentation durant qq j de la consommation de β2-mimétiques rapides) et peu fréquentes
  • Recours aux β2-mimétiques rapides < 4x/sem
  • VEMS/DEP intercritique > 85% de la meilleure valeur personnelle
  • Variation du DEP < 15%

Prise en charge des crises

Crises d'asthme - prise en charge thérapeutique

Le recours aux xanthines/ ventilation non invasive (inefficace + risque de  barotrauma !)/ kiné/ mucolytiques n'a jamais démontré leur efficacité dans la prise en charge d'un AAG. L'Ipratropium apporte un bénéfice mineur. L'utililisation de l'adrénaline et du MgSO4 reste controversée et doit être réservée aux cas répondant mal aux aérosols. La corticoth semble surtout favorable sur l'évolution à moyen terme.

+ prise en charge d'un éventuel facteur déclenchant/ associé de la crise (sur-infection bronchique [décision d'instaurer une ABth +- idem que pour la BPCO] ? Décompensation cardiaque ?...)

Molécules utilisées en ambulatoire

  • Cromoglicate (chromoglycate sodique, lomudal)
  • β2-mimétique à courte durée d'action : salbutamol (salbutamol sandoz, ventolin)
  • Corticoïdes inhalés : budénoside (pulmicort, miflonide), fluticasone (flixotide)
  • β2-mimétique à longue durée d'action : salmétérol (serevent)
  • Anti-leucotriènes : montelukast (montelukast, singulair)
  • Corticoïdes per os : medrol
  • Combinaison β2-mimétique à longue durée d'action + corticoïde inhalé : formotérol + budénoside (symbicort), salmétérol + fluticasone (seretide)

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD