Angines et pharyngites de l'adulte
Une (rhino)-pharyngite correspond à une inflammation pharyngée +- nasale. Une angine (= amygdalite) correspond à une inflammation des amygdales palatines. Elles peuvent survenir isolément ou conjointement, leur distinction n'étant pas toujours possible et n'ayant aucune importance clinique : la sémiologie, les complications et la prise en charge sont similaires dans tous les cas de figure.
Il s'agit de pathologies banales (incidence d'environ 3 cas/ 10 adultes/ an, motif d'environ 15% des consultations en médecine générale), généralement d'origine virale et ne nécessitant dans l'immense majorité des cas qu'une prise en charge purement symptomatique.
Agents pathogènes
L'origine est virale (rhinovirus, coronavirus, RSV, [para]-influenzae, adénovirus, entérovirus,… plus rarement EBV, HIV, CMV, HSV) dans 50 à 90% des cas selon les séries. La majorité des infections bactériennes sont dues aux streptocoques β-hémolytique du groupe A (représenteraient 25 à 40% des cas pédiatriques et 10 à 25% des cas adultes), plus rarement à des staphylocoques, pneumocoques, mycoplasma ou chlamydia pneumoniae, bordetella pertussis, fusobactérium, gonocoques, tréponème pallidum, corynebacterium diphteriae...
Clinique
On peut retrouver une association variable de : fièvre jusqu'à 40°C, odynophagie, douleurs abdominales (fréquentes chez l'enfant), vomissements, céphalées, éruption, toux, syndrome grippal, céphalées, adénopathies sous-angulo-mandibulaires douloureuses, conjonctivite, otalgie, rhinorrhée,… Aspect modifié du pharynx et de la cavité orale :
- Pharyngite : pharynx érythémateux
- Angine érythémateuse : aspect congestif
- Angine érythémato-putacée : aspect congestif et enduit purulent recouvrant les amygdales
- Angine vésiculeuse
- Angine ulcéreuse ou pseudomembraneuse : rares, elles doivent faire évoquer une angine de Vincent, une mononucléose infectieuse ou une diphtérie.
- Présence d'un rash : doit faire évoquer une scarlatine.
Le diagnostic positif est aisé à établir. Hors quelques étiologies particulières (cf infra), la clinique a été démontrée insuffisante pour différencier une étiologie virale d'une étiologie bactérienne (en particulier streptococcique). Ainsi, alors que classiquement on associait la fièvre ou aspect érythémato-putacé à une angine streptococcique, on considère aujourd'hui que seule la microbiologie peut affirmer ce diagnostic.
Que l'infection soit d'origine virale ou bactérienne, l'évolution est généralement spontanément résolutive endéans les 10 jours (++ 3 à 5 jours).
Angines particulières (rares)
- Mononucléose infectieuse (Epstein-Barr Virus) :
- Clinique : angine érythématoputacée ou pseudomembraneuse, adénopathies diffuses, signes généraux, pétéchies du voile, discrète hépato-splénomégalie, ++ enfants/ ados
- Risque de rash cutané en cas d'antibiothérapie inopportune
- Possible cytolyse hépatique discrète à modérée et lymphocytose à la biologie. Sérologies EBV.
- Angine de Vincent (fusobactéries) :
- Clinique : angine unilatérale, précocément pseudomembraneuse puis ulcéreuse (enduit putacé grisâtre friable recouvrant une ulcération à bords surélevés irréguliers, signes généraux et adp modérées, hypersialorrhée, haleine fétide, ++ jeune adulte, ++ mauvais état dentaire
- Hémogramme banal, culture montrant une association fusospirillaire.
- Diagnostics différentiels à évoquer : chancre syphillitique à éliminer (clinique : induration sous l'ulcération, sérologie treponema pallidum à J0 et J15), angine diphtérique (stade pseudomembraneux)
- Angine diphtérique (Corynebacterium diphteriae, exceptionnelle) :
- Premier diagnostic à évoquer devant une angine pseudomembraneuse, ++ si au retour d'un voyage (y compris Europe de l'Est et Russie) → sujet vacciné ?
- Clinique : fausse membrane épaisse, adhérente, recouvrant 1 ou 2 amygdales +- la luette, muqueuse saignant au contact
- Diagnostic : frottis pour culture
- Angines vésiculeuses
- Des vésicules sur les amygdales affirment l'origine virale mais elles disparaissent rapidement au profit d'une présentation érythémateuse ou érythématoputacée
- Angine herpétique (HSV1) : adulte jeune, début brutal, muqueuse rouge vif recouverte de vésicules laissant place à des exsudats blanchâtres. Traitement symptomatique.
- Scarlatine : très rare chez l'adulte, signes généraux intenses avec fièvre très élevée, amygdales et pharynx érythémateux, langue blanche avec des bords carmins, exanthème apparaissant à 24 heures au niveau scapulaire puis descendant. Faire un frottis strepto. Traitement : cf angine streptococcique
- Angine gangréneuses et nécrosantes (infections anaérobies sur un terrain débilité) : quasi-disparues
Complications
Elles sont rares à exceptionnelles et ne sont à évoquer que sur base de signes d'appels cliniques. Leur survenue n'est pas prédictible sur base de l'ampleur de la fièvre ou du caractère purulent de la rhinorrhée.
Complications locales
- Phlegmon périamygdalien (collection suppurée) :
- Clinique : fièvre et dysphagie intenses, limitation de l'ouverture buccale, œdème de la luette, refoulement d'une loge amygdalienne en dedans
- Risque de rupture carotidienne par extension cervicale (exceptionnel)
- Adénophlegmon cervical et cellulite cervicale extensive (diffusion régionale ganglionnaire/ celluleuse) :
- Clinique : torticolis, peau cervicale inflammatoire et tendue +- crépitation neigeuse, signes généraux intenses
- Angines bactériennes récidivantes (définition variable. On considère généralement la survenue de 6 épisodes sur un an ou > 4 épisodes/ an durant 2 ans ou > 3 épisodes/ an durant > 3 ans) → envisager amygdalectomie
Complications systémiques
Rhumatisme articulaire aigu
Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique
Examens complémentaires
La réalisation d'examens complémentaires est généralement inutile et il n'existe pas de consensus quant aux conditions de leur prescription (cf prise en charge).
- Frottis :
- Culture bactériologique = examen de référence, délai de 24 à 48 heures
- Test de détection rapide du streptocoque : spécificité de 95-97%, sensibilité de 50-90%, non remboursé
- Biologie : une hyperleucocytose et/ ou une CRP modérément ou fortement augmentées plaident pour une étiologie bactérienne. N'a cependant pas d'indication hors les rares cas nécessitant d'évaluer les répercussions systémiques.
- Une imagerie radiologique (CT-scanner) ne se justifie qu'en cas de suspicion de phlegmon
Prise en charge thérapeutique - Traitements
- Symptomatique : paracétamol 3 x 1 g/ jour +- analgésique local (ex : néogolaceptine spray), lavage des cavités nasales au sérum physiologique, repos,...
- Hors complications, doit-on envisager une antibiothérapie ?
- Quand envisager une étiologie streptococcique ?
- Il n'y a pas d'evidence sur cette question. Par consensus, en cas de présence d'au moins deux critères parmi : fièvre, absence de toux, adénopathies cervicales sensibles, exsudat amygdalien.
- Une antibiothérapie est-elle réellement utile en cas d'étiologie streptoccique ?
- Il n'y a pas d'evidence suffisante pour conclure qu'une antibiothérapie réduit significativement le risque de rhumatisme articulaire aigu ou de glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique
- Sous ces réserves, si l'on envisage une antibiothérapie (à réduire au maximum) :
- Antibiothérapie (ex : penicilline V 1.106 UI 4x/ jour ou amoxicilinne 2 x 500mg/ jour durant 10 jours PO)
- Suspicion d'étiologie streptococcique
- De façon empirique en cas de rash scarlatiforme, de patient très dégradé ou particulièrement à risque (diabète, immunodépression, antécédent de phlegmon périamygdalien ou de rhumatisme articulaire aigu, contexte épidémiologique à risque)
- En cas de test antigénique rapide (ou de cultures) positif dans les autres situations
- Antibiothérapie (ex : penicilline V 1.106 UI 4x/ jour ou amoxicilinne 2 x 500mg/ jour durant 10 jours PO)
- Quand envisager une étiologie streptococcique ?
- Envisager une amygdalectomies en cas d'angines récidivantes (cf supra)
- Prise en charge spécifique des complications le cas échéant :
- Phlegmon périamygdalien :
- Hospitalisation + antibiothérapie contre les Gram positifs et anaérobies + drainage chirurgical par voie endobuccale. Amygdalectomie à distance.
- Adénophlegmon cervical et cellulite extensive :
- Hospitalisation + antibiothérapie contre les BGP et anaérobies + drainage chirurgical par voie cervicale.
- Phlegmon périamygdalien :
- Prise en charge spécifique de diverses mais rares étiologies particulières le cas échéant :
- Mononucléose infectieuse : anti-inflammatoires voir corticothérapie PO à visée symptomatique en cas de symptômes généraux marqués
- Angine de Vincent : antibiothérapie (penicilline V ou amoxicilline)
- Angine diphtérique (traitement à instaurer au moindre doute) : antitoxine 50.000 U chez l'adulte + pénicilline
- Angines gangréneuses et nécrosantes : avis infectiologique et chirurgical systématiques
Auteur(s)
Shanan Khairi, MD