SIDA - HIV (MST)

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Près de 50% des patients sont encore diagnostiqués à un stade tardif (SIDA ou/ et CD4 < 200/mm³) avec un risque de mortalité à 6 mois 16x > que ceux diagnostiqués à un stade précoce.

Généralités

~30-40 millions d'infectés dans le monde. Prévalence des HIV+ chez les 15-50 ans en 2008 dans le monde : 0,8% (stable par rapport à 2001)

  • Afrique subsaharienne (regroupe 67% des cas) : 5,2% (en baisse)
  • Europe de l'Est et Asie centrale : 0,7% (en hausse)
  • Caraïbes : 1%
  • Amérique Latine : 0,6% (en hausse)
  • Amérique du Nord : 0,6%
  • Asie du Sud et du Sud-Est : 0,3%
  • Océanie : 0,3% (en hausse)
  • Europe de l'ouest et centrale : 0,3% (en hausse)
  • Afrique du Nord et Moyen-Orient : 0,2%
  • Asie de l'Est : < 0,1%

Histoire naturelle d'une infection à HIV

Stadification clinique chez un HIV +

Stade A

Stade B

Stade C = SIDA

Absence de critère de B ou C + un des critères suivants :

 

Asymptomatique

 

Lymphadénopathie généralisée persistante

 

Primo-infection symptomatique

Absence de critère de C + au moins un des critères suivants :

 

Angiomatose bacillaire

Candidose oro-pharyngée

Candidose vaginale persistante/ fréquante/ résistante au traitement

Dysplasie/ carcinome in situ du col

T° > 38°C ou diarrhée durant plus d'1 mois

Leucoplasie chevelue de la langue

Zona récurrent ou envahissant plus d'un dermatome

PTI

Salpingite et abcès tubo-ovariens

Neuropathie périphérique

Au mois un des critères suivants :

 

Candidose bronchique/ trachéale/ pulmonaire/ œsophagienne

Cancer invasif du col

Coccidioïdomycose ou histoplasmose ou infection à mycobacterium (avium ou kansasii) disséminée/ extrapulmonaire

Cryptococcose extrapulmonaire

Cryptosporidiose ou isosporose intestinale durant plus d'un mois

Infection à CMV autre que rate/ foie/ ganglions

Encéphalopathie à HIV

Infections herpétiques/ ulcères  chroniques durant plus d'un mois ou de localisation bronchique/ pulmonaire/ œsophagienne

Sarcome de Kaposi ou lymphome de Burkitt ou lymphome immunoblastique ou lymphome cérébral primitif

Infection à Mycobacterium tuberculosis

Pneumonie à pneumocystis carinii

Pneumonies bactériennes récurrentes

Leucoencéphalite multifocale progressive

Toxoplasmose cérébrale

Syndrome cachectique inexpliqué

! stadification exclusivement progressive : pas de retour à un stade inférieur.

La primo-infection (1-2 mois)

SIDA - évolution naturelle

La séroconversion s'effectue dans les 15j-3 mois suivant la contamination quelque soit son mode. Elle n'est symptomatique que dans 30-50% des cas. Bien que les symptômes soient peu spécifiques, la reconnaissance de la primo-infection est d'autant plus capitale (instauration d'un suivi, prophylaxie de transmission, évaluation d'un traitement) qu'une primo-infection symptomatique est un marqueur péjoratif de l'évolution future.

Cf infra (prise en charge de l'HIV aigu aux urgences)

Phase asymptomatique (0-15 ans avant la trithéraptie... aujourd'hui ?)

Cliniquement silencieuse mais biologiquement active (ARN viral présent dans le sérum et les L circulants chez 90% des patients). La destruction progressive du système immunitaire conditionne la survenue de la phase symptomatique.

Facteurs présageant une évolution plus rapide : âge plus élevé, charge virale plasmatique élevée, taux de CD4 bas, grossesse et post-partum (controversé), co-infections à herpèsvirus/ CMV et réexposition au HIV (controversé), malnutrition.

Le stade B

= survenue "d'infections opportunistes mineures". Doivent être détectées car indiquent la nécessité d'instaurer/ de modifier le traitement antirétroviral.

En particulier, le risque de passage au stade C en l'absence de modification du traitement est de ~50% à 16 mois pour une leucoplasie chevelue de la langue, de ~25% à 2 ans pour un zona.

Le Stace C = SIDA

Se distingue par la survenue de :

  • Les principales complications infectieuses (cf infra) se distinguent par leur propension à récidiver en cas d'absence de traitement d'entretien et/ ou de correction du déficit en CD4.
  • Les principales néoplasies secondaires sont : sarcome de Kaposi (néo endothélial dû à HHV8. Tous les organes peuvent être touchés. La lésion cutanée élémentaire typique, la plus fqte, se présente comme un nodule pigmenté violacé indolore de taille variable), lymphomes non hodgkiniens (disséminés dès une immunodépression modérée, un LNH cérébral marque une immunodépression profonde de svt < 50 CD4/mm³), maladie de Hodgkin.
  • Influence négative sur les co-infections à HBV/HCV.
  • Complications des antirétroviraux. Quasi toutes les présentations sont possibles (++ digestives, lipodystrophies, augmentation du risque cardio-vasculaire)… en l'absence d'une étiologie clairement identifiée, la suspension temporaire du traitement d'un patient HIV+ se présentant pour une complication doit être systématiquement envisagée avec l'infectiologue.

Tests diagnostiques du HIV

SIDA - cinétique des marqueurs biologiques

Le sreening consiste à faire deux fois :

  • Un Elisa HIV 1 et HIV 2 (Ac anti-HIV)
  • Un dosage de l’Ag p24

Si le screening est +/+ ou +/-, on fait un Western Blot (spécificité des Ac anti-HIV) qui pose le diag. En cas de Western-Blot indéterminé on en réalise un 2ème dans les 2-4 semaines → s'il est de nouveau indéterminé, le résultat est considéré comme négatif.

En cas de suspicion d'un HIV aigu et d'un screening/ Western Blot + ou persistance d’un doute sérieux, on détermine la charge virale :

  • HIV aigu certain si > 100.000 copies

Dans le cas d'un dépistage, on exige un délai de 3 mois entre la prise de risque et le test diagnostique pour affirmer que le patient n'a pas été contaminé. En cas de risque majeur il est recommandé d'effectuer un dépistage 1x/mois durant 3 mois afin de pouvoir proposer un traitement précoce.

Bilan initial

  • Clinique
  • Biol : numération-formule avec numération des CD4-CD8, dosage des Ig, bilan hépatique, bilan infectieux (sérologies HBV/ HCV/ toxo/ CMV/ syphilis), bilan HIV (charge virale plasmatique et bilan immunologique)
  • Intradermo
  • RX thorax
  • Examen gynéco (dépistage HPV,…) à répéter 2x/an

Suivi virologique, décision thérapeutique et traitements

Deux paramètres fondamentaux à contrôler minimum tous les 3-6 mois :

  • Charge virale (ARN HIV)
  • Taux de CD4

Les recommandations en matière de critères d'instauration d'un traitement anti-rétroviral sont régulièrement modifiées et appliquées de façon variable selon les médecins et les pays. Actuellement (2014), l'OMS considère les indications suivantes :

  • CD4 < 500/mm³
  • Stade B ou C (= stade 3 ou 4 selon OMS)
  • Présence d'une co-morbidité parmi : Tbc active, HBV avec hépatopathie chronique sévère
  • Partenaire séronégatif
  • Grossesse et allaitement

→ 1ère vérification à un mois (diminution de la charge virale d'au moins un log ? sinon 2ème mesure avant d'envisager une modification du traitement).

De façon générale, un bilan clinique et biologique doit être effectué tous les 3-6 mois/ tous les 2 mois en cas de CD4 s'approchant de 200/mm³/ tous les mois en cas d'immunodépression profonde.

!! FO systématique si CD4 < 100/mm³ (atteinte CMV?)

Traitements anti-rétroviraux

Modification rapide des schémas. Principes de base actuellement admis :

  • Au moins une trithérapie
  • Objectifs principaux = charge virale < 50 copies/mm³ + CD4 > 500/mm³
  • Jamais d'interruption durable du traitement → importance du suivi, de la compliance, de la tolérance

Molécules disponibles :

  • Inhibiteurs de la transcriptase inverse : analogues nucléosidiques (INTI : AZT = zidovudine, abacavir D4T = stavudine, 3TC = lamivudine, DDI = didanosine…) et inhibiteurs non nucléosidiques (INNTI : efavirenz, nevirapine, etravirine,… inactifs sur le HIV-2)
  • Inhibiteurs de la protéase virale du HIV (IP : indinavir, ritonavir, saquinavir, nelfinavir, fosamprenavir, lopinavir, atazanavir, tipranavir, darumavir)
  • Inhibiteurs d'entrée : inhibiteurs de fusion (enfuvirtide)
  • Inhibiteurs de l'intégrase : raltegravir

Stratégies communément utilisées :

  • 2 inhibiteurs nucléosiques + 1 inhibiteur non nucléosique de la transcriptase inverse
  • 2 inhibiteurs de la transcriptase inverse + 1 inhibiteur de la protéase (moins  de mutations en cas d'écart au tt → ++ en cas de compliance douteuse)
  • 3 inhibiteurs nucléosiques de la transcritpase inverse (pas en 1ère ligne mais chez des patients traités dont la charge virale est indétectable)

La plupart des effets secondaires sont relativement bénins et transitoires. Effets secondaires graves relativement fréquents :

  • Abacavir : hypersensibilité cutanée/ respi
  • Nevirapine : hypersensibilité cutanée, intolérance hépatique
  • Didanosine : pancréatites aiguës
  • Indinavir : coliques néphrétiques
  • INTI : toxicité mitochondriale (neuropathies, pancréatite, acidose  lactique, myopathies, myélotoxicité, hépatite, lipodystrophie,…)
  • INNTI : hyperssensibilité (rash, fièvre, hépatite,…)
  • IP : troubles métaboliques (hyperlipidémies, résistance à l'insuline, lipo-accumulation)

Interactions médicamenteuses : concernent principalement les inhibiteurs de la protéase et les INNTI, métabolisés par le cytochrome P450 → éviter/ prudence dans l'usage de médocs interagissant avec le cytP450 (simvastatine, atorvastatine, quinine, méfloquine, halofantrine, antifongiques, macrolides, amiodarone, lidocaïne, disopyramide, alprazolam, diazépam, midazolam, triazolam, anti-calciques, buspirone, ciclosporine, carbamazépine, cisapride, dihydroergotamine, ergotamine, tacrolimus, tramadol, losartan,barbituriques, phénytoïne,…). A noter que certains IP diminuent l'efficacité de la contraception orale et de la méthadone.

Traitement et prophylaxie des infections opportunistes

  • Tout vaccin peut être effectué excepté les vaccins vivants et du BCG (ainsi que le vaccin contre la fièvre jaune si CD4 < 300/mm³).
  • Vaccins à réaliser systématiquement : tétanos, pneumocoque, grippe, HAV, HBV
  • Traitements prophylactiques à instaurer :
    • CD4 < 200 → prophylaxie de pneumocystis carinii
    • CD4 < 100 → prévention de Toxoplasma gondii si IgG +
    • CD4 < 50 → prévention des mycobactéries atypiques et du CMV
    • Intra-dermo + ou notion de contact avec Tbc →  prophylaxie de mycobacterium tuberculosis

Mutations et résistances aux anti-rétroviraux

Les résistances apparaissent soit par sélection de mutants pré-existants au traitement, soit par accumulation de mutations sélectionnées au cours de la réplication virale. La limitation des résistances nécessite donc un équilibre entre deux attitudes :

  • Respect strict des indications thérapeutiques
  • Limitation profonde et durable de la charge virale +++

Les tests de résistance n'ont d'indication formelle qu'en cas d'échec thérapeutique.

Le patient HIV connu aux urgences - prise en charge des principales complications du SIDA

Sont à préciser dès son admission :

  • Taux de CD4
  • Vitesse de progression (ARN viral plasmatique)
  • Atcdts d'infections opportunistes/ co-infections
  • Traitement (antirétroviraux et prophylaxies !) en cours, dates d'instauration, et observance
  • De manière générale, prélever tout ce qui est possible

Il faut bien sûr garder à l'esprit que tout patient HIV connu, d'autant plus s'il n'est jusque là pas traité, peut présenter des infections/ néos non liés à son HIV. Ne jamais instaurer un tt antirétroviral aux urgences. Toujours demander un avis infectio quant aux possibles interactions entre un tt que l'on veut instaurer et le tt antirétroviral du patient ou quant à l'opportunité d'arrêter l'ensemble du tt en cas de suspicion d'ES (certains ARV ont une ½ vie plus longue que d'autres → nécessitent parfois un arrêt séquentiel pour éviter l'émergence de résistances). Ne jamais toucher sans gant un HIV présentant un rash (syphilis?) ! Une fièvre isolée sans signe septique/ de gravité ne justifie pas une ABth empirique mais une surveillance rapprochée et une hospit pour MAP.

Selon le taux de CD4 et la clinique on évoquera les complications suivantes :

  • Quel que soit le taux : salmonelle, pneumocoque, tuberculose, herpes simplex et zoster
    • CD4 < 200/ mm³ : pneumocystose, mycose buccale/ œsophagienne, Kaposi
      • CD4 < 100 : toxoplasmose, CMV, cryptocoque, lymphome
        • CD4 < 50 : mycobactéries atypiques, LEMP, lymphome cérébral

Syndrome respiratoire

On pourra rapidement s'orienter vers une :

  • Sinusite (++ à pneumocoques, toujours y songer en cas de toux chronique avec céphalées et jetage post)
  • Origine bronchique/ asthme/ EP
  • Pneumonies : très fréquentes →  réalisation de RX thorax + gazo + biol (classique + CD4 + LDH). On s'orientera dans un premier temps selon la RX :
  • Infiltrat lobaire
    • → ++ pneumonie à pneumocoque (> H. Influenzae > Staph doré > Ps aeruginosa)
      • → augmentin en cas d'immunité conservée
      • En cas d'immunodépression sévère : céfépime 3x2g IV + chlarithromycine 2x500mg IV
  • Infiltrat mal systématisé +- adp
    • → ++ Tuberculose
      • Indépendante du niveau de CD4, les LDH sont N et la gazo svt peu altérée
      • → isoler le patient + effectuer les prélèvements (le tt est rarement urgent)
      • DD : mycobactérioses atypiques en cas de CD4 < 50, ne relèvent généralement pas non plus d'un tt d'urgence
  • Infiltrat intersitiel bilatéral
    • → ++ Pneumocystose
      • ++ CD4 < 200, possibles râles diffus à l'auscultation (N dans 50%!)
      • Une forte élévation des LDH et une gazo altérée sont des arguments supplémentaires
      • Un pneumothorax est rare mais très évocateur
      • → tt immédiat : cotrimoxazole (bactrim forte 3x2co ou si sévère : 4x3 ampoules IV) + si Pa02 < 70 : prednisone 1mg/kg/j sur 5j puis 0,5mg/kg sur 5j puis 0,25 mg/kg sr 11j
      • LBA dès que possible
  • Opacités diffuses nodulaires/ linéaires spiculées bilatérales → Kaposi pulmonaire (rare) ? Traitement à initier en milieu spécialisé, on se contentera aux urgence de tter les surinfections bactériennes.Une RX N n'exclut en rien ces diags → évaluer opportunité de tt empirique/ hospit/ suivi rapproché selon la clinique et les résultats des autres exams.
SIDA - infections opportunistes pulmonaires - radiographies

Syndrome neurologique

Hors causes communes, une atteinte neurologique peut résulter d'une infection/ néo opportuniste, du neurotropisme du HIV ou des antirétroviraux.

Une dégradation cognitive/ comportementale évoque avant tout une cause iatrogène (y compris interactions avec psychotropes et méthadone) → vérifier les fonctions rénale/ hépatique et le dosage des médocs. Le CT reste cependant indispensable dans la MAP.

Un trouble moteur/ sensitif/ de la conscience ou une crise E impose la réalisation immédiate d'un CT (IRM) avec injection de PC et demande d'un cliché tardif, le 1er diag à exclure étant une toxoplasmose cérébrale. Si le CT est :

  • Normal →  réaliser une PL 5cc (numération, formule, protéines, glucose, HL, cellules néos, culture, PCR CMV/Herpès/Toxo/EBV, charge virale HIV + recherche de l'Ag cryptocoque et encre de Chine + garder un tube au frigo pour analyses ultérieures) : méningite, néo ?
  • Anormal :
    • Lésions arrondies hypodenses avec prise de contraste en anneau, ++ multiples → toxoplasmose cérébrale jusqu'à preuve du contraire
      • Survient surtout si CD4 < 100/mm³ avec une séro toxo + et sans prophylaxie
      • ++ déficit neuro focal, fièvre, signes d'HTIC
      • → traitement immédiat, même en cas de doute : pyriméthamine (100mg à J1 puis 50mg/j) + sulfadiazine (4g/j) + acide folinique (25mg/j) durant > 6 sem avant passage à demi-doses +- tts anticonvulsivants/ antalgiques/ corticoïdes (œdème périlésionnel)
    • Le lymphome cérébral peut présenter une grande similitude clinico-radiologique (présence cependant d'une lésion souvent unique) avec la toxo… en outre, la PL est svt non contributive et le diag repose sur la biopsie stéréotaxique… et de toute façon les traitements sont très limités. L'encéphalite focale à CMV (rare) est également généralement indiscernable d'un abcès toxoplasmique.
      • → au moindre doute, traitement d'épreuve anti-toxo
    • Les abcès bactériens, en cas de lésions multiples, sont parfois difficilement discernables d'un abcès toxo. En cas de suspicion de BK, on procédera à une PL (méningite lymphocytaire hypoglycorachique ? présence du BK ?) si pas d'effet de masse avant d'instaurer une quadrith.
    • Lésions diffuses de la SB ne prenant pas le contraste et sans œdème → Leucoencéphalite multifocale progressive (virus JC)
      • Survient surtout si CD4 < 100/mm³
      • ++ installation progressive, déficit sensitivo-moteur, troubles visuels/ cognitifs
      • → PL  pour PCR virus JC (faible Sp) → appel en urgence de l'infectio pour introduction/ adaptation du traitement anti-rétroviral
    • Lésions évocatrices d'un AVC
    • Une PL avec PCR aidera à s'orienter en cas de doute quant aux méningo-encéphalites virales (!! Encéphalite herpétique : aspect très suggestif avec une localisation temporale relativement bien circonscrite).
    • L'encéphalite à HIV reste un diag d'exclusion malgré un aspect parfois évocateur à l'IRM (atrophie corticale, atteinte bilatérale de la SB sans PC ni effet de masse)
SIDA - complications neurologiques - tomodensitométrie

Un syndrome méningé impose la réalisation rapide d'un CT et d'une PL, les 2 principaux diags étant la méningite à crytocoque et tuberculeuse. En cas de positivité du test à l'encre de Chine ou de l'Ag cryptoccoque → méningite à cryptocoque : instaurer immédiatement : amphotéricine B 1mg/kg/ j IV + flucytosine 100mg/kg/j per os durant 15j →  relayer par fluconazole 400mg/j IV/po > 10 sem. Une méningite bactérienne sera traitée à base de ceftriaxone.

Une atteinte suggestive d'une polyneuropathie périphérique peut être liée à une atteinte directe du HIV, à la toxicité antirétrovirale, à une polyradiculonévrite à CMV, un syndrome de Guillain-Barré. En l'absence d'atteinte centrale et en dehors des formes sévères du Guillain-Barré, le traitement ne relève pas de l'urgence.

Syndrome abdominal

La prise en charge d'un abdomen aigu d'un HIV est globalement la même que celle d'un patient standard. On notera cependant que :

  • D+ abdos (sans fièvre ni troubles du transit) +- fatigabilité musculaire/ DEG/ dyspnée → exclure une acidose lactique.
    • D+ abdos diffuses avec fièvre et DEG → faire un CT + PC après avoir éliminé un abdomen chirurgical. La présence d'ADP profondes suggère une Tbc, une mycobactérie atypique (si CD4 < 50) ou un lymphome.
    • Dysphagie/ d+ rétrosternales/ odynophagie/ hoquet persistant/v+ et présence d'une mycose buccale suggère une œsophagite à candida (++ CD4 < 200) → fluconazole 200mg/j po/ IV 10-14 j). En cas de CD4 < 50 ou échec du tt, le DD comprendra l'herpès, le CMV et l'ulcère idiopathique (endoscopie !)
    • Diarrhée aiguë → s'enquérir des modifications récentes de tts, hémocs et coprocultures systématiques (Salmonelles, giardia, amibes, recherche de toxines A et B de clostridium difficile,…). En cas de fièvre associée, introduire dès après les prélèvements un tt empirique par fluoroquinolones.
    • Ictère/ altération des tests hépatiques → causes classiques (lithiases, hépatites virales,…) et iatrogènes (névirapine, efavirenz,…)
    • Tableau biliaire/ choelestase biologique → cholangite à cryptosporidium/ mycrosporidies/ Isospora belli/ CMV/ HIV, obstruction néoplasique ? MAP par cholangiopancréatographie.
    • D+ abdos + rectorragies et fièvre avec des CD4 < 50 → colite à CM à confirmer par rectosigmoïdoscopie. Traitement : ganciclovir 5mg/kg/12h.
    • N+/ V+ isolés → iatrogène ou œsophagite basse

Signes oculaires

Référer d'abord à l'ophtalmo pour examen à la lampe à fentes et FO (principal diag à rechercher : rétinite à CMV à traiter par ganciclovir). Si N → CT/ RMN (cf algorithme neuro).

Signes cutanés

  • Éruption diffuse maculopapuleuse prurigineuse +- fièvre apparaissant dans le mois suivant l'introduction d'un nouveau traitement (sulfamides, névirapine, abacavir,…) → toxidermie ?
    • Une hyperEo/ cytopénie/ cytolyse hépatique sont évocatrices
    • Recherche de signes de gravité : décollements cutanés/ muqueux (syndrome de Lyell), accès de fièvre après chaque prise médicamenteuse (++ hypersensensibilité à l'abacavir)
  • Zona/ varicelle
    • Une varicelle ou un taux de CD4 < 200  (risque de complications neurologiques) ou une forme généralisée/sévère de zona ou un patient mal suivi justifient une hospit et aciclovir 10mg/kg IV 3x/j + soins locaux (isobétadine + pansements, 1x/j)
    • RX thorax systématique.
    • Examen ophtalmo en cas d'atteinte proche de l'œil/ baisse d'acuité visuelle.
  • Affections banales : molluscum contagiosum, herpès, folliculite, dermite, condylomes génitaux,…
  • Manifestations cutanées des infections opportunistes/ Kaposi/ lymphome : rares mais difficiles à reconnaitre.

Anomalies hématologique

  • Thrombopénie isolée → ++ PTI → recherche d'Ac anti-Pq
    • Ig polyvalentes 1g/kg/j durant 2j si Pq < 30.000 ou complications HH
    • Programmer un myélogramme
  • Anémie isolée → ++ iatrogène (++ AZT). Exclure par PCR sur myélogramme une infection parvovirus B19.
  • Neutropénie isolée → ++ iatrogène (+ idiopathiques des patients africains)
  • Pancytopénie → ++ atteinte centrale chez le patient fortement immunodéprimé par : infections opportunistes (mycobactérioses, CMV, cryptococcose, histoplasmose, leishmaniose,…), infiltration tumorale, myélodysplasie du HIV. La prise en charge nécessite des transfusions, un tt étiologique et antirétroviral.
    • Anémie hémolytique + thrombopénie périphérique dans un contexte de t° et atteinte rénale →  microangiopathie thrombotique ? → FFP +- échanges plasmatiques et traitement antirétoviral.
    • Bi/ tricytopénie dans un contexte de t°, DEG, HSM, adp, signes respis doit faire évoquer un syndrome d'activation macrophagique secondaire à une infection opportuniste.

Le patient suspect de SIDA aux urgences

Certaines circonstances doivent faire suspecter un SIDA non diagnostiqué :

  • Pneumocystose (25% des manifestations inaugurales)
  • Zona chez un sujet jeune
  • PTI, thrombopénie sévère

En dehors des rares cas où il conditionne le pronostic, les examens diagnostics du HIV doivent être fait à distance, après préparation correcte du patient.

Le patient suspect d'HIV aigu (séroconversion) aux urgences

Importace de la reconnaissance

  • Phase très contagieuse
  • Pronostic péjoratif sur l’évolution de la maladie ? Controversé
  • Suivi et instauration d'un traitement précoce
  • Récolte de données scientifiques (pas de consensus jusqu'ici pour la prise en charge d'un HIV aigu)

Manifestations cliniques rencontrées durant un HIV aigu

L’association de 2-3 de ces signes doit toujours faire évoquer un HIV aigu :

  • Syndrome mononucléosique
  • Ulcérations cutanées et/ou muqueuses
  • Présence de lymphocytes atypiques à < 10%
  • Méningite aseptique (très suggestif !)
  • Rash touchant le tronc, les paumes des mains et les plantes des pieds, apparaît en 2-3j, dure 5j

On pourra rencontrer : fièvre (96%), adp (75%), pharyngite (70%), rash (70%), myalgies/ arthralgies (55%), diarrhée, céphalées, N+ et V+, HSM, perte de poids, symptômes neurologiques (Guillain-Barré, parésies brachiales/faciales,…), vasculites, hépatites, pancréatites, infections opportunistes, notion d'infections récidivantes,…

Le mode de vie (toxico, RS) ou l'origine géographique du patient pourront constituer des signes d'alerte supplémentaires

Manifestation biologiques

  • GB :
    • Diminution initiale puis élévation sur lymphocytose
    • Inversion du rapport CD4/CD8
    • Présence de lymphocytes atypiques < 10%
  • Autres :
    • Thrombocytopénie
    • Anémie modérée
    • Élévation des transaminases
    • Rhabdomyolyse

Cinétique

  • Apparition 2-4 semaines après contamination, de façon brutale (en 24-48h). L’incubation peut cependant durer jusqu’à 10 mois.
  • Résolution spontanée en 1-2 semaines

Attitude

Aux urgences : assurer une prise en charge symptomatique et appeler l'infectiologue de référence/ garder le patient jusqu'à ce qu'il soit disponible. Ne jamais pratiquer de "test HIV sauvage" aux urgences excepté les rares situations où le diagnostic conditionne le pronostic immédiat du patient. Ne jamais initier un traitement antirétroviral.

Il n’existe pas de consensus quant à l'attitude suivant le diagnostic. Exemple d'attitude :

  • Faire un génotypage pour identifier d’éventuelles résistances aux anti-rétroviraux
  • Exclure des co-infections (cliniques, biologie, sérologies)
  • Prophylaxie (arrêter RS/ préservatifs) < courte période de très haute contagiosité
    • Le traitement d’un HIV aigu est controversé : ne pas traiter ? traiter 1-2 ans ? traiter à vie ?
      • Certains prétendent que le tt réduirait la contagiosité, diminuerait la sévérité des symptômes, limiterait les futures mutations virales (réduction de la réplication), permettrait un contrôle des réservoirs cellulaires, favoriserait le maintien de la réponse immune spécifique
      • D’autres prétendent que ces tts auraient surtout pour effet d’exposer le patient aux toxicités médicamenteuses, favoriseraient l’apparition de résistances précoces et entraîneraient un manque futur de compliance au tt lorsqu’il serait sans aucun doute nécessaire (le patient n’aurait pas de période de recul, de réflexion et d’information à débuterait son tt n’importe comment… et une mauvaise habitude est tenace…)

La prévention

Prévention primaire

  • Transmission sexuelle : usage systématique du préservatif, éviction des RS à risque (rapports anaux, partenaires multiples, recours à la prostitution,…)
  • Transmission sanguine : dépistage obligatoire des dons de sang, pas d'échange de seringue / méthadone substitutive pour les toxs
  • Transmission materno-fœtale : traitement par AZT pendant la grossesse (diminution du risque de transmission de 20-25% à 5-10%), interdiction de l'allaitement en post-partum (risque de 10-30%). Rôle de la césarienne en débat.
  • Contamination professionnelle : règles d'hygiène hospitalière, tout liquide biologique doit être considéré comme contaminant
  • Concernant la transmission de l'état HIV+ d'un patient :
    • D'office au service d'hygiène
    • Concernant le/les partenaire(s) du patient et son médecin traitant : transmission prohibée par le Conseil de l'Ordre jusqu'en 2007, position floue depuis lors (possible "exceptionnellement" en cas d'état de nécessité et de refus du patient de l'/les avertir… mais n'est pas considéré comme un devoir… la promesse d'user de protections est-elle suffisante ?).
      • → d'abord tenter d'obtenir l'accord du patient. Lui expliquer les risques qu'il ferait courir à autrui et sa responsabilité pénale (pas de jurisprudence en Belgique mais plusieurs condamnations en Europe) en cas de rapport contaminant en ayant omis de mentionner son état. Il semble légitime d'avertir d'office les personnes concernées en cas de refus persistant.

Prévention secondaire = prophylaxie après exposition à risque aux urgences

En cas d'exposition professionnelle à du sang contaminé, une prophylaxie antirétrovirale réduit le risque de transmission de ~80%. Cette prophylaxie consiste en une bi/trithérapie (AZT+3TC+-IDV) durant 1 mois. Son administration repose sur des schémas d'estimation du risque de transmission (nature de la blessure du soignant + nature de l'instrument blessant, stade SIDA ou non et charge virale du patient).

De manière tout à fait exceptionnelle, et bien qu'elle n'ait pas démontré son efficacité pour les expositions aux muqueuses, cette prophylaxie peut également être proposée pour des rapports à risque ou des échanges d'aiguilles contaminants (viols, déchirure de préservatif, erreur de manipulation d'aiguilles). Elle ne peut en aucun cas cautionner la continuation de pratiques à risque. Elle doit bien sûr être systématique pour le partenaire d'un patient HIV+ en cas de rupture de préservatif lors d'un RS (! Non remboursé !).

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD