Péricardites et autres pathologies péricardiques

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Au sens strict, les péricardites se limitent aux lésions péricardiques inflammatoires bien que l'ensemble des pathologies péricardiques soient fréquemment qualifiées ainsi en pratique médicale courante.

Péricardites aiguës et sub-aiguës

Une péricardite aiguë consiste en une inflammation péricardique s'installant sur quelques heures à quelques jours. Le "syndrome péricardique aigu" est typiquement caractérisé par la survenue brutale de douleurs thoraciques, d'un frottement péricardique et d'anomalies électrocardiographiques typiques.

Une péricardite sub-aiguë est définie comme une péricardite aiguë se prolongeant quelques semaines (< 3 mois).

Etiologies

  • Infectieuses
    • Virales (représenteraient 80% des péricardites dont l'origine est identifiée) : coxsackies dans 50%
    • Bactériennes
    • Mycoses
    • Parasitaires
  • Maladies auto-immunes - connectivites (sclérodermie systémique, lupus érythémateux disséminé, rhumatisme articulaire, sarcoïdose, Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique,...)
  • Médicamenteuses (hydralazine, procaïnamide, isoniazide, diphénylhydantoïne, méthyldopa, anti-épileptiques, practolol, minoxidil, anthracyclines, chromoglycate de sodium)... implications et mécanismes toujours en débat
  • Divers : urémie, post-infarctus myocardique, radiothérapie, néoplasie (bronchique, mammaire, leucémie, lymphome), post-chir cardiaque, traumas, tumeurs péricardiques, vasculites des gros vaisseaux (Horton, Takayasu)
  • Quelques jours à 1 semaine dans les suites d'un infarctus myocardique : péricardite localisée en regard de la zone infarcie, d'évolution généralement bénigne sous anti-inflammatoires non stéroïdiens
  • Syndrome de Dressler (survenant quelques semaines à quelques mois après infarctus [5%] ou péricardiotomie). Il s'agit d'une péricardite diffuse auto-immune (+- pleurite et arthrite)
  • Idiopathiques (viroses ou pathologie auto-immune non mise en évidence ?)

Clinique

Rechercher la survenue récente de : trauma thoracique, radiothérapie médiastinale, infarctus myocardique, potentiels toxiques, collagénose connue. La clinique est variable, d'un état pauci-symptomatique à un état de choc.

Symptômes :

  • Douleur thoracique aiguë à début brutal et de caractère pleural, augmentée en décubitus et/ ou à la toux, respiro-dépendante, diminuée en position assise ou penché en avant, irradiant vers le cou et les épaules. Pas d'amélioration aux dérivés nitrés.
  • Polypnée antalgique
  • Syndrome grippal et fièvre modérée.
  • En cas d'épanchement : nausées, vomissements, ballonnement, toux, hoquet, voix bitonale,… risque de tamponnade

Signes ;

  • Frottement péricardique parasternal (++ assis penché en avant) en cas de péricardite sèche
  • Bruits cardiaques assourdis en cas d'épanchement

De par la rapide évolution de leurs anomalies, l'auscultation et l'électro-cardiogramme sont à répéter régulièrement.

Examens complémentaires

  • Electro-cardiogramme (à répéter) : dépression du segment PR → sus-décalage ST concave en périphérique et précordial → inversion des ondes T → normalisation en quelques semaines à mois. Possible alternance électrique (modification 1 battement sur 2 de l'axe des QR, de P ou T) Microvoltages généralisés (plus grande onde R < 5mm) en cas d'épanchement.
  • Biologie : VS et CRP généralement légèrement à modérément augmentées, augmentation des enzymes cardiaques (++ en cas de myocardite associée), fonction rénale, sérologies (coxsackies B, écho-virus, HIV 1 et 2, toxoplasmose, brucellose, mycoplasme), formule (leucémie?)
  • Intra-dermoréaction en cas de suspicion de tuberculose
  • Examen microscopique des urines
  • Radiographie thoracique : cardiomégalie, néoplasie bronchique ou autres tumeurs
  • Echographie cardiaque : quantification d'un éventuel épanchement, signes de tamponnade
  • En cas d'évolution péjorative :
    • Complément étiologique de biologie : hémocultures, anticorps anti-nucléaires, facteur rhumatoïde
    • Péricardiocentèse + biopsie péricardique : si sévère et résistante au traitement médical
    • IRM cardiaque ou CT-scanner : localisation et arguments pour la nature d'un éventuel épanchement et d'éventuelles lésions.

Traitements et prise en charge

  • Etiologique si possible
  • Antidouleurs
  • Acide acetylsalicylique 2 à 4 g/ jour
  • Corticoïdes +- immunosuppresseurs à discuter (augmenteraient le risque de récidive) en cas de clinique sévère avec mauvaise réponse à l'acide acetylsalicylique. Pas d'EBM. Plus souvent utilisés lorsqu'existe une pathologie inflammatoire chronique sous-jacente
  • Colchicine : prévention des récidives en cas de péricardite chronique récurrente
  • Antibiothérapie si péricardite purulente ou hémocultures positives
  • Prise en charge des complications le cas échéant : insuffisance cardiaque aiguë, états de choc, tamponnade, fibrose,...

Epanchements péricardiques

Un épanchement péricardique correspond à l'effusion anormale de liquide dans la cavité péricardique normalement virtuelle. Ses caractéristiques (séreux, séro-sanglant, hémorragique, chyleux, purulent), son abondance et sa tolérance sont variables selon son mode d'installation et son étiologie.

Etiologies

  • "Primaires" (terme impropre) : cf péricardite aiguë
  • "Secondaires" (terme impropre, = non inflammatoires) : insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique, hypothyroïdie, fièvres périodiques héréditaires et autres causes de polysérosites,...

Clinique et examens complémentaires

  • Asymptomatique en l'absence de répercussions hémodynamiques, signes de tamponnades jusqu'à un état de choc sinon
    • Dépend essentiellement du volume et, surtout, de la vitesse d'installation de l'épanchement
  • Assourdissement possible des bruits cardiaques
  • Clinique liée à l'étiologie sous-jacente (++ péridardite aiguë)

Examens complémentaires : idem péricardite +- TSH, tigette, BNP, divers selon l'orientation clinique

Les tamponnades

Une tamponnade constitue toujours une urgence médicale.

Elle peut survenir en cas d'épanchement de constitution lente mais de volume important (habituellement > 2 litres) ou de petits épanchements brutaux (même < 200 ml).

Augmentation de pression péricardique → répercussions concernant d'abord les cavités droites à parois fines et à basses pressions (veine cave inférieure intra-péricardique, oreillette droite, ventricule droit durant la diastole) → diminution du débit cardiaque → tachycardie réflexe, vasoconstriction, diminution du débit urinaire,...

Clinique :

  • Dyspnée, tachypnée, orthopnée
  • Tachycardie, pouls filant semblant irrégulier contrastant avec une auscultation ou un électrocardiogramme régulier
  • Douleurs thoraciques
  • Hypotension, choc, asystolie
  • Jugulaires turgescentes, +- battantes à l'inspiration (signe de Kussmaul)
  • Assourdissement des bruits cardiaques
  • Pouls paradoxal = baisse exagérée de la diminution physiologique inspiratoire de la tension artérielle (variation de > 10 mmHg)
    • Physiopathologie : comme le volume cardiaque est devenu constant dans un péricarde rigide, l'augmentation de taille du ventricule droit sur augmentation du retour veineux à l'inspiration (pression négative) se fait au détriment du ventricule gauche

Examens complémentaires : idem épanchement

  • A l'échographie cardiaque : flux mitral expiratoire augmenté de plus de 25% par rapport au flux inspiratoire

Traitement : drainage péricardique urgent sous contrôle échographie ou péricardiotomie sous-xiphoïdienne

Traitements et prise en charge

  • Prise en charge étiologique
  • Abstention thérapeutique et simple surveillance en cas d'épanchements légers asymptomatiques
  • Au cas par cas en cas d'épanchement moyen à large asymptomatique
  • Drainage péricardique systématique (+- injection de tétracyclines ou antimitotiques pour tarir les sécrétions) si :
    • Tamponnade
    • Épanchement purulent
    • Nécessité diagnostique (suspicion de néoplasie ou de germe inhabituel chez un immuno-compromis)

Péricardite constrictive

Une péricardite constrictive constitue une complication évolutive terminale d'une fibrose péricardique secondaire à une péricardite et entre dans le cadre des "péricardites chroniques". Elle peut survenir suite à toute péricardite, mais plus fréquemment en cas d'origine idiopathique ou post-chirurgie cardiaque. Elle correspond à la formation entre les feuillets péricardiques d'une fibrose dense, de calcifications et d'adhérences → possible entreprise ventriculaire → altération de la contractilité ventriculaire →  remplissage ventriculaire uniquement à pressions élevée en protodiastole, diminution des flux vers les ventricules → diminution du débit cardiaque par dysfonction diastolique.

Présentation clinique :

  • Tableau d'insuffisance cardiaque droite : turgescence jugulaire, ascite, œdèmes périphériques, hépatomégalie, hépatalgies, dysfonction hépatique
  • Dyspnée, orthopnée avec une fonction systolique quasi conservée
  • Signe de Kussmaul et pouls paradoxal
  • B3 précoce au bord sternal gauche ou à l'apex (= arrêt brutal du flux diastolique)

Examens complémentaires : électrocardiogramme (QRS de faibles voltages, altérations non spécifiques de T), radiographie thoracique (calcifications péricardiques), échographie cardiaque, cathétérisme cardiaque.

Traitement - prise en charge :

  • Diurétiques et inhibiteurs de l'enzyme de conversion - éventuelle prise en charge d'un état de choc
  • Digitaliques pour réduire la fréquence cardiaque en cas de survenue d'une fibrillation auriculaire rapide
  • Exérèse chirurgicale du péricarde (mortalité de 10%) à envisager selon la sévérité clinique et l'échocardiographie

Péricardites récurrentes ou chroniques

Définies par la persistance ou la récurrence de symptômes péricardiques au delà de 3 mois du premier épisode. Elles surviennent après 15%-30% des péricardites aiguës → survenue de plusieurs récidives pouvant s'étaler sur des années. Probable mécanisme auto-immun. Le traitement repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens et la prévention des récidives sur la colchicine. La corticothérapie (longue, susceptible de favoriser les récurrences) est à utiliser en dernier recours.

Ce cas de figure doit néanmoins de règle faire exclure une pathologie inflammatoire systémique, une connectivite ou une néoplasie sous-jacente.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD