Exophtalmie

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Une exophtalmie correspond à la protrusion anormale du globe oculaire en avant du cadre orbitaire. On définit une protrusion anormale comme étant (du sommet de la cornée au canthus latéral) > 20 mm ou une différence > 2 mm entre les 2 yeux.

Démarche diagnostique

Suspicion à l'inspection :

  • → précision des caractéristiques cliniques :
    • La direction : axile (saillie d'axe antéro-postérieur) évoquant un processus intraconique ou non axile (avec perte du parallélisme des axes visuels) évoquant un processus extraconique ?
    • Caractère pulsatile (palpation + auscultation) évoquant une fistule carotido-caverneuse ?
    • Modification lors des changements de position (décubitus, procubitus,…) ?
    • Anomalies de position palpébrale, mobilité et fermeture palpébrale, asynergie oculo-palpébrale (la paupière supérieure ne suit pas le globe lorsqu'il regarde vers le bas)
    • Oculomotricité, réflexe photomoteur, acuité visuelle
    • Masse orbitaire palpable ?
  • → anamnèse :
    • Précision des antécédents personnels et familiaux : trauma, dysthyroïdie,…
    • Ancienneté (demander des photos), mode d'installation rapide ou lent, évolution, modifications à la toux, pulsatilité ressentie par le patient,…
    • Autres symptômes visuels (baisse d'acuité visuelle, diplopie, inflammation oculaire, larmoiement,…)
  • → examen ophtalmologique systématique
    • Exophtalmométrie
    • Elimination de diagnostics différentiels (forte myopie, glaucome congénital, énophtalmie contro-latérale, rétraction isolée des paupières)
    • Arguments étiologiques éventuels au fond d'oeil

Orientation clinique :

  • Bilatérale axile, rétraction de la paupière sup, asynergie oculopalpébrale, diminution du clignement, limitation oculo-motrice → dysthyroïdie ?
  • Bilatérale non axile → lymphome ou métastase orbitaire ?
  • Unilatérale pulsatile → fistule carotidocaverneuse, varicocèle orbitaire ? Urgence
  • Unilatérale axile non pulsatile → tumeur intraconique, hémangiome caverneux, orbitopathie inflammatoire idiopathique ?
  • Unilatérale non axile, non pulsatile, globe dévié en bas et en dedans → tumeur de la glande lacrymale ?
  • Unilatérale non axile, non pulsatile, globe dévié en bas et en dehors → tumeur sinusienne (mucocèle, carcinome) ?
  • Notion de trauma, hématome intra-orbitaire, emphysème orbitaire → exophtalmie post-traumatique ?
  • Douleur, pas de signe inflammatoire, évolution lente → tumeur ?
  • Douleur, rougeur, fièvre, installation récente → cellulite orbitaire, ténonite ? Urgence

Recours aux examens complémentaires :

  • Systématiques (degré d'urgence de leur réalisation à apprécier selon le contexte clinique) :
    • CT-scanner centré sur les orbites
    • IRM (exclure la présence d'un corps étranger métallique avant l'examen → toujours après examen ophtalmologique !)
    • Echographie doppler
  • Selon l'orientation clinique :
    • Suspicion de dysthyroïdie : TSH, T4, anticorps antithyroïdiens
    • Suspicion tumeur, orbitopathie inflammatoire, Wegener, sarcoïdose,… → biopsie ou ponction à l'aiguille fine

Principales étiologies chez l'adulte

Ophtalmopathie dysthyroïdienne

Elle constitue l'étiologie la plus fréquente d'exophtalmie chez l'adulte (Basedow +++, Hashimoto, hypothyroïdie). Peut précéder de plusieurs mois les autres symptômes. 85% des patients concernés sont des femmes, ++ > 40 ans.

Exophtalmie généralement bilatérale, asymétrique, axile, non pulsatile et réductible. Signes associés : rétraction des paupières avec asynergie oculo-palpébrale, rareté du clignement, fixité du regard, signes inflammatoires (chémosis et vasodilatation conjonctival, oedèmes et poches graisseuses palpébrales, troubles oculomoteurs et diplopie, atteintes cornéennes, syndrome sec. Possible urgence en cas de baisse d'acuité visuelle, anomalie du champ visuel, œdème ou pâleur papillaire (compression du nerf optique) au fonds d'oeil.

L'évolution de l'exophtalmie est cependant généralement lente et progressive, souvent dissociée de l'évolution du reste de la clinique dysthyroïdienne. Persistance fréquente de l'exophtalmie et des troubles oculomoteurs à la phase séquellaire. Le diagnostic est basé sur la recherche de signes d'hyper ou hypothyroïdie et le dosage des TSH, T4, T3. L'imagerie ne montrera qu'un épaississement des muscles oculomoteurs, un élargissement du compartiment graisseux et une perte de convexité de la paroi médiale.

Tumeurs orbitaires

A évoquer en première intention en cas d'exophtalmie unilatérale en l'absence d'antécédent traumatique et thyroïdien. Signes associés divers. Le diagnostic est généralement avant tout radiologique.

  • Hémangiome caverneux, tumeurs de la glande lacrymale (malignes ou bénignes - contre-indication des biopsies), lymphomes non Hodgkinien uni ou bilatéraux  (toujours faire un bilan systémique), fibromes, lipomes, myomes, gliomes, ostéomes, ostéo- et chondrosarcomes, dysplasie fibreuse, histiocytose X.
  • Tumeurs provenant de la sphère ORL : mucocèles sinusiennes (bénin, possible surinfection : mucopyocèle), néoplasies des sinus (++ ébénistes,…) ou du nasopharynx.
  • Métastases (++ exophtalmie d'évolution rapide, douloureuse et inflammatoire avec ophtalmoplégie, rarement enophtalmie ou bilatérales) : sur néoplasie bronchique, sein, prostate, gastrique, pancréas, foie, rein, testicule, thyroïde, carcinoïde grêle.

Orbitopathies inflammatoires chroniques

→ tableau pseudo-tumoral orbitaire uni ou bilatéral se déclarant fréquemment par un début brutal et accompagné d'importants signes inflammatoires, localisés ou diffus, avant d'évoluer vers une chronicité émaillée de poussées.

L'aspect radiologique est évocateur : masse hyperdense mal limitée prenant le contraste +- épaississement scléral postérieur.

Un test thérapeutique au medrol 1 mg/ kg/ jour entraîne une régression de la totalité des symptômes en quelques semaines à mois. La confirmation diagnostique (et en particulier l'exclusion d'un lymphome dans certains cas) nécessite une ponction-biopsie.

Ces orbitopathies sont généralement idiopathiques, rarement secondaires (sarcoïdose, amylose, tuberculose, panartérite noueuse, lupus érythémateux disséminé, dermatomyosites, Wegener).

Infections orbitaires

Elle se caractérisent généralement par une exophtalmie non axile, unilatérale, douloureuse avec divers signes d'accompagnement (troubles oculomoteurs, diminution de l'acuité visuelle, signes inflammatoires locaux et parfois signes systémiques).

Constituent généralement une cellulite orbitaire (sur plaie, corps étranger, septicémie, infection ORL ou dentaire) → risque de thrombophlébite du sinus caverneux, d'empyème et/ ou d'abcès intracrânien, de méningite → constitue une urgence thérapeutique : antibiothérapie large spectre + corticothérapie (+ drainage chirurgical si abcès) +- autre selon les complications.

Plus rares et d'évolution lente : kyste hydatique, mycoses orbitaires.

Exophtalmies post-traumatiques

Sur hématome orbitaire → exophtalmie brutale, douloureuse +- hématome palpébral ou pneumorbite (crépitations des paupières). Il est nécessaire d'exclure en urgence un risque de compression du nerf optique (nécessitant un drainage chirurgical). Possible infection ou constitution d'une fistule artérioveineuse (intracrânienne, carotidocaverneuse, durale ou orbitaire) à distance (à suspecter en cas de récidive ou aggravation de l'exophtalmie ou de l'apparition d'un souffle à l'auscultation de l'orbite).

Fistules carotido-caverneuses

Généralement post-traumatiques (survenant jusqu'à plusieurs semaines post-trauma cranio-facial), plus rarement d'autres mécanismes (hypertension artérielle, maladies du collagène, idiopathique). A suspecter devant une exophtalmie brutale unilatérale axile pulsatile avec souffle orbito-crânien à l'auscultation (parfois entendu par le patient) et thrill à la palpation +- vasodilatation conjonctivale avec vaisseaux "en tête de méduse", paralysies oculomotrice, diminution d'acuité visuelle. Elles constituent une urgence neurochirurgicale jusqu'à preuve du contraire.

Les fistules durales, de présentation similaire, de moindre débit, sont d'évolution plus lente et ne ressortent que rarement du cadre de l'urgence.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD