Arrêt cardio-respiratoire

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Un arrêt cardio-respiratoire ("arrêt cardiaque", "ARCA") est défini comme l'interruption brutale de la circulation (arrêt d'une activité cardiaque efficace) et de la ventilation (arrêt d'une activité respiratoire efficace). Sa mortalité globale avoisine les 90% en l'absence de prise en charge appropriée et dépasse les 50% même en cas de prise en charge immédiate. Les séquelles hypoxiques, en particulier neurologiques, sont fréquentes chez les survivants.

En pratique clinique, son diagnostic est établi par le constat de l'association d'une perte de conscience, d'une apnée et d'une absence de pouls carotidien.

Schéma de réanimation cardio-pulmonaire (RCP)

Schéma de réanimation cardio-pulmonaire (RCP)
Schéma de réanimation cardio-pulmonaire (RCP)

Schéma de réanimation cardio-pulmonaire (RCP)
Schéma de réanimation cardio-pulmonaire (RCP)

CAUSES REVERSIBLES

ELEMENTS D'ORIENTATION

TRAITEMENT RAPIDE

HYPOXIE

SatO2 / Gazométrie

Temps de recoloration capillaire / couleur des extrémités

Toujours à minimiser en s'assurant d'une ventilation et oxygénation correctes

HYPOVOLEMIE

Hypotension artérielle/ jugulaires collabées/ hémorragie évidente

Remplissage (colloïdes ie Voluven 500ml – 1,5 l)

Contrôle des hémorragies

HYPO / HYPERKALIEMIE – HYPOCALCEMIE – ACIDOSE

Gazométrie / Biologie

Diabète / insuffisance rénale aiguë

Déshydratation / choc / arrêt prolongé

Dose unique de 50 ml Na2CO3 8,4% IV

HYPOTHERMIE

Température

Noyade, Exposition au froid, Alcoolisme, intoxications, troubles neurologiques

Réchauffement actif (interne si t° < 30°C)

Continuer la RCP tant que la t° n'atteint pas 36°C !

PNEUMOTHORAX SOUS TENSION

Poumon silencieux à l'auscultation, turgescence jugulaire

Trauma thoracique, ventilation mécanique, essai récent de pose d'un cathé veineux central

Décompression avec le plus gros cathéter disponible : ponction en médio-claviculaire au 2-3ème EIC (à remplace par un drain dès que possible)

TAMPONNADE PERICARDIQUE

Signes de péricardite

Turgescence jugulaire + hypotension

Trauma thoracique pénétrant

Chirurgie cardiaque récente

Remplissage

Ponction évacuatrice (++ sous contrôle écho) entre la xiphoïde et l'angle costo-sternal gauche vers l'épanchement en crânial

TOXIQUES ET MEDICAMENTS

Myosis bilatéral (opiacés)

Boîtes de médicaments proches

Lettre de suicide

Antidotes (i.e. naloxone si opiacés)

THROMBOSE (PULMONAIRE OU CORONAIRE)

Embolie Pulmonaire :

  • signes de thrombose veineuse profonde
  • alitement ou chirurgie récents

Infarctus myocardique :

  • hétéro-anamnèse
  • antécédents de coronopathie

Thrombolyse

La RCP (réanimation cardio-pulmonaire)

A assurer le plus rapidement possible (d'abord appeler à l'aide, ouvrir les voies aériennes, rechercher les signes de vie). NB: si patient intra-hospitalier → faire vérifier durant la RCP s'il n'a pas un statut NTBR.

En cas d'arrêt cardio-respiratoire (ARCA) : RCP 30:2 :

  • Si témoin de l'arrêt : donner un coup de poing précordial. Mieux si un défibrillateur est sur place : s'assurer qu'il s'agit d'une fibrillation ventriculaire (FV) ou tachycardie ventriculaire (TV) sans pouls et donner immédiatement un choc. Puis passer à la RCP.
  • Massage cardiaque : placer les mains l'une sur l'autre au milieu du thorax, masser à une profondeur de 5-6 cm à un rythme 100-120/ minute. Les temps de compression et de relaxation de chaque massage doivent être égaux. Dès que de l'aide est disponible, se relayer toutes les 2 minutes ou dès que le masseur présente des signes de fatigue (un massage cardiaque est particulièrement épuisant, ne pas hésiter à signaler sa fatigue).
  • Ventilation : 2 insufflations profondes (1-2 secondes maximum) toutes les 30 compressions (le bouche-à-bouche/ nez n'est ni légalement obligatoire ni démontré nécessaire → alternative = masser sans interruption). Dès que de l'aide est disponible : mettre en place le plus rapidement possible une canule oro ou naso-pharyngée et un masque avec ballon (assurer ~10 respirations/ minute). On peut ensuite tenter d'intuber.
  • Le massage est prioritaire et ne doit pas être retardé ni interrompu par la mise en place de matériel de ventilation ! La seule raison d'arrêter temporairement le massage est l'administration d'un choc !
  • Les seules indications pour arrêter la RCP sont :
    • Des signes de vie clairs tels qu'une reprise de conscience (isolément, la palpation d'un pouls central n'est pas fiable !)
    • Une fois le monitoring installé : la reprise d'une activité électrique compatible avec une circulation efficace associée à la palpation d'un pouls central
  • Dès que du personnel suffisant est sur place : mettre en place le monitoring, prodiguer les chocs si FV ou TV (crier pour que tout le monde lâche le patient !), mettre en place une perf IV, administrer les médicaments nécessaires, évaluation ABCDE pour rechercher et traiter les causes.

En cas d'arrêt respiratoire isolé :

  • Assurer la ventilation ~10/ minute
  • Vérifier la circulation toutes les 10 insufflations
  • Au moindre doute quant à un ARCA : débuter la RCP (tout arrêt respiratoire prolongé est suivi d'un ARCA !)

Les rythmes de l'ARCA

Rythmes nécessitant un choc : Fibrillation Ventriculaire et Tachycardie Ventriculaire

Fibrillation Ventriculaire (FV)

Fibrillation ventriculaire (FV)
Fibrillation ventriculaire (FV)

Tachycardie Ventriculaire (TV)

Tachycardie ventriculaire (TV)
Tachycardie ventriculaire (TV)

La FV (rythme rapide totalement irrégulier) est le rythme d'ARCA le plus courant chez l'adulte. Certaines TV très rapides ou sur insuffisance ventriculaire gauche peuvent entraîner une chute très importante du débit cardiaque avec perfusion inefficace. NB: certaines FV à petites mailles peuvent être confondues avec une asystolie… dans le doute il faut traiter comme une asystolie (RCP sans choc) car une telle FV n'est pas susceptible d'être transformée par un choc en rythme efficace. 

Dès que le diagnostic est fait il faut administrer un choc (monophasique 360 J) puis reprendre la RCP et rechoquer toutes les 2 minutes si la FV ou TV persiste. Avant chaque choc, il faut vérifier le rythme au monito. Avant le 3ème choc, puis avant chaque choc impair il faut injecter 1 mg d'adrénaline IV. Avant le 4ème choc, il faut injecter 360 mg d'amiodarone IV.

Rythmes ne nécessitant pas de choc : Asystolies et Activité électrique sans pouls

Asystolie

Asystolie
Asystolie


Activité électrique sans pouls (AEsP)

 

Rythme ~ normal mais absence de pouls

L'asystolie (ECG +- plat avec quelques variations dues à la réanimation, aux interférences,… Une ligne totalement plate suggère par contre une déconnection d'électrode ou un dysonfonctionnement du moniteur) et l'AEsP (= dissociation électromécanique = activité cardiaque [quasi]-normale sans débit cardiaque efficace) ne sont pas susceptibles de répondre à un choc. Dans ce cas il faut continuer la RCP et vérifier le monito toutes les 2 minutes. Injecter le plus vite possible 1 mg d'adrénaline IV puis 1 cycle/ 2. S'il s'agit d'une asystolie ou d'une AEsP lente (< 60 bpm) → injecter une fois 3mg d'atropine (bloc vagal).

Rythme agonique

Il s'agit d'un rythme lent constitué de complexes irréguliers, larges et de formes variables, souvent rencontré dans les derniers moments d'une RCP inefficace. L'évolution se fait vers un ralentissement inexorable des complexes devenant de plus en plus larges jusqu'à la perte de toute activité électrique reconnaissable.

Approche ABCDE

Ce schéma mnémotechnique doit être adopté en cas de menace vitale imminente avec présence de signes de vie (conscience, respiration, pouls carotidien présent). En cas d'ARCA avéré, sa séquence doit être adaptée selon le schéma de RCP présenté plus haut, le massage cardiaque précoce étant alors l'élément déterminant du pronostic. Dans tous les cas, le premier acte nécessaire consiste à appeler de l'aide (la bonne mise en oeuvre de l'ABCDE nécessite plusieurs intervenants) et faire prévenir une équipe de réanimation le plus rapidement possible.

A = Airway

= libérer les voies aériennes.

Les signes d'obstruction sont : respiration paradoxale (bascule thorax-abdomen), utilisation des muscles accessoires, cyanose, respiration bruyante ou absente.

Les mesures thérapeutiques :

  • Patient en décubitus dorsal, head tilt [sauf si suspicion de trauma cervical!] et chin lift (une main sur le front, l'autre sur le menton → bascule de la tête en arrière avec menton surélevé)
  • Ecouter au nez/ bouche → présence de bruits respiratoires ? gargouillis ? stridor ?
  • Mettre en place une canule oro (naso)-pharyngée, éventuellement après aspiration
  • Ventiler au masque / masque à réservoir avec O2 > 10 l/ minute (maintien de la SatO2 à > 97%, minimum 90% - ou PaO2 > 100 mmHg, minimum 60 à la gazométrie)
  • Intubation trachéale et ventilation assistée (à faire en parallèle à la suite, l'intubation ne peut retarder le massage s'il est nécessaire). Si c'est impossible, insérer un masque laryngé
  • En cas d'absence de tout matériel : assurer 2 insufflations lentes (2 secondes) couplées au massage cardiaque

B = Breathing

  • Evaluer le rythme respiratoire (normale = 12-20/ minute), le type de respiration, la symétrie des mouvements thoraciques
  • Turgescence jugulaire ? (crise d'asthme sévère, pneumothorax sous tension)
  • Déviation de la trachée ? (pneumothorax, fibrose pulmonaire, épanchement)
  • Ausculter les poumons : baisse des bruits respiratoires ? (pneumothorax, épanchement)
  • Palpation du thorax : emphysème chirurgical ? crépitants ? (pneumothorax ++)
  • Percussion du thorax : hyper-résonnance ? (pneumothorax) matité ? (foyer, épanchement)
  • Les mesures thérapeutiques : O2,  traitement étiologique.

C = Circulation

  • Absence de pouls central → massage RCP 30:2
  • Voie IV de gros calibre (14-16 G)
  • Prise des paramètres, biol de routine et gazométrie
  • Fluid challenge ++ si choc : définir les paramètres à améliorer (ex: TAS > 100 mmHg) → remplissage sur 5-10 minutes :
    • Commencer par un cristalloïde. Utiliser un colloïde si hypovolémie manifeste et ralentir dès qu'un pouls radial est présent pour envisager un geste chirurgical en cas d'hémorragie. N'utiliser une solution glucosée qu'en cas d'hypoglycémie, et prudemment.
    • Normotension → 500 ml cristalloïde chauffée
    • Hypotension → 1 l idem
    • Insuffisance cardiaque connue → bolus de 250 ml avec surveillance pulmonaire (crépitants suggérant un OPH ?)
    • A répéter jusqu'à amélioration satisfaisante
    • A stopper ou diminuer la vitesse si apparition de signes d'insuffisance cardiaque (dyspnée, tachycardie, B3, crépitants)
  • Douleur thoracique et suspicion syndrome coronarien aigu → ECG + O2 + nitrés (selon contexte clinique) + 100 mg aspirine +- morphine
  • Hypovolémie ? (veines collabées ? Pouls périphériques absents ? Pouls central peu palpable ? TRC > 2 secondes ? hypotension avec pincement diastolique ? signes d'hémorragie externe ou interne ?)
  • Extrémités : cyanose? rose? pâleur ? transpiration ? froides/ chaudes ?
  • TRC > 2 secondes → hypovolémie ? froid ? âge avancé ?
  • Pouls périphériques et pouls central (si peu présent : diminution du débit cardiaque, si bondissant : sepsis ?)
  • TA → choc manifeste ? pincement diastolique (DTA < 30 mmHg → choc cardiogénique/ hypovolémie) ? hypertension ?

D = Disability = examen neurologique

  • Examiner les pupilles (taille, symétrie, photomoteur)
  • Vérifier le traitement (altération de la vigilance sur toxicité. Ex: opiacés → administrer naloxone)
  • Evaluation rapide par un Glasgow grossier
  • Mesurer tension artérielle, SatO2, glycémie (si hypoglycémie → 50 ml solultion glucosée 10% IV)

E = Exposure

= dévêtir suffisamment pour pouvoir effectuer la RCP et l'examiner, mais pas trop pour minimiser les pertes de chaleur.

Médicaments

Si une perfusion veineuse centrale est déjà en place, elle doit être utilisée. Sinon poser rapidement une perfusion périphérique IV (14-16G) s'il n'y en pas déjà une. Le bénéfice de la plupart de ces médicaments est peu voire non démontré → en cas de doute : s'abstenir, continuer la RCP qui est la priorité, réévaluer les causes réversibles.

MEDICAMENT

INDICATIONS

DOSES

ADRENALINE

- Dans tous les cas

1mg IV toutes les 4 minutes

AMIODARONE

- FV/TV sans pouls

Dose unique de 300 mg IV avant le 4ème choc

LIDOCAINE

- Si amiodarone indisponible

Dose unique de 100 mg IV avant le 4ème choc

SULFATE DE Mg

- FV/TV sans pouls + hypomagnésie

- torsade de pointe

Dose unique de 2 g IV

ATROPINE

- asystolie / AEsP < 60 bpm

Dose unique de 3 mg IV

CHLORURE DE Ca

- AEsP sur hyperkaliémie/ hypocalcémie/ hypermagnésémie/ anticalciques

Dose unique de 10 ml de CaCl2 10% IV

BICARBONATE DE Na

- acidose métabolique sévère

- hyperkaliémie

- intoxication aux tricycliques

Dose unique de 50 ml de Na2CO3 8,4% IV

Soins post-réanimation

Après récupération d'une activité électrique efficace → assurer une prise en charge selon le schéma ABCDE en attente d'un transfert à l'USI, en particulier :

  • Assurer l'airway et le breathing :
    • Au minimum : oxygénation au masque
    • Si conscience altérée : envisager sédation et intubation trachéale avec ventilation contrôlée
  • ECG et transférer en unité coronaire pour éventuelle reperfusion en cas d'élévation du segment ST ou BBG d'apparition récente.
  • Effectuer un score de Glasgow (pas de valeur pronostique démontrée hors trauma crânien mais peu opérateur dépendant et utile pour objectiver une éventuelle dégradation par la suite)
  • Rassembler des informations (cardiopathie préexistante ? surdosage médicamenteux ? symptomatologie récente ?...)
  • Monitoring permanent ECG, TA, SatO2, RC et corriger les paramètres avec prudence.
  • Gazométrie (PaO2, PaCO2, acides/ bases)
  • Biologie (anémie, ionogramme, glycémie, fonction rénale, CK, troponines)
  • Radiographie thoracique

Dans 10% des cas le patient présentera des crises épileptiques symptomatiques → à traiter symptomatiquement (les anti-convulsivants peuvent entraîner des hypotension et des arythmies → prudence et être prêt à les traiter également !)

L'hyperthermie est fréquente → antipyrétiques et cooling actif ! Une hypothermie modérée peut être bénéfique (en l'absence de sepsis, de MOF ou de choc cardiogénique sévère).

Traiter toute hyperglycémie par insuline.

Prévention de l'arrêt cardio-respiratoire

Dans 80% des cas, un ARCA est précédé de quelques heures par une détérioration des paramètres cliniques (fréquement des signes d'hypoxie ou d'hypotension). Ces cas évoluent le plus souvent vers une AEsP/ asystolie de mauvais pronostic alors que leur survenue est le plus souvent évitable → importance d'un diagnostic et d'une prise en charge précoce !

Les critères devant faire craindre l'imminence d'un ARCA et envisager l'appel d'une équipe médicale d'urgence sont :

  • Une menace d'obstruction de l'airway
  • Un arrêt respiratoire ou un RR < 5/ minutes ou un RR > 36/ minutes
  • Un arrêt cardiaque ou une FC < 40 bpm ou une FC > 140/ minutes
  • Une perte de conscience ou une baisse du Glasgow de 2 points ou un état de mal épileptique
  • Tout problème dépassant l'équipe médicale présente sur place

Les causes communes susceptibles d'entraîner un ARCA et à traiter sans retard sont : 

CAUSES D'OBSTRUCTION RESPIRATOIRES

CAUSES D'ARYTHMIES

Sang

Syndrome coronarien aigu

Vomissements

Cardiopathie hypertensive

Corps étrangers

Cardiopathie valvulaire

Trauma gorge ou face

Cardiopathie héréditaire (syndrome du QT long,…)

Épiglottite

Acidose

Gonflement laryngé (infection/ œdème)

Trouble ionique (K, Mg, Ca)

Laryngospasme

Hypothermie

Bronchospasme

Électrocution

Sécrétions bronchiques

Médicaments (antiarythmiques, digoxine, antidépresseurs tricycliques,…)

Dépression du système nerveux central

Dans tous les cas, il convient avant tout d'appeler de l'aide puis d'assurer l'airway, de donner de l'O2 à haute concentration (5-8 l/ minute), de procéder à une évaluation ABCDE, de lancer les examens nécessaires (une biologie, une gazométrie et un ECG +- autres selon la situation clinique) et de débuter un traitement supportif et étiologique le plus rapidement possible.