Lymphomes intracrâniens

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Les lymphomes intracrâniens représentent l'ensemble des proliférations lymphoïdes malignes intracrâniennes, primitives ou secondaires. Ils sont rares et globalement de pronostic médiocre sous traitement.

Lymphomes cérébraux primitifs (LCP)

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Il s'agit de lymphomes non Hodgkiniens (LNH) se développant dans le cerveau +- méninges et œil sans autre localisation. Ils représentent 1% des LNH et 5% des tumeurs cérébrales. Incidence ~3-5/ million d'habitants/ an aux USA. L'âge médian de survenue chez les immunocompétents est de 50-60 ans.

Facteurs de risque : immunodépression (risque relatif x 10, cause de la mortalité de près de 10% des patients HIV +… mais la majorité des patients présentant un LCP est immunocompétente).

Il existe d'exceptionnelles formes primitives leptoméningées et médullaires.

Clinique

Manifestations neurologiques

Elles sont polymorphes et aspécifiques :

  • Signes de souffrance cérébrale diffuse généralement au 1er plan au début : confusion, ralentissement idéo-moteur, signes d'hypertension intracrânienne (HTIC)
  • Déficits focaux (présents dans 50% des cas en phase initiale)
  • Crises épileptiques plus rares que pour les autres tumeurs (10% des cas)
  • Divers : diabète insipide, panhypopituitarisme (plus fréquents que pour les autres tumeurs)

Manifestations oculaires (uvéite, hyalite)

Associée à l'atteinte cérébrale dans 10 à 20% des cas. La moitié de ces atteintes sont asymptomatiques. 10% de ces atteintes précèdent l'atteinte cérébrale de quelques mois à années et la découverte d'un lymphome oculaire isolé annonce la survenue d'un lymphome cérébral les années suivantes dans ~80% des cas !

Examens complémentaires : diagnostic et bilan d'extension

L'imagerie, bien que souvent évocatrice, n'est pas assez spécifique pour pouvoir affirmer le diagnostic. Le diagnostic de certitude est obtenu par histologie et immunohistochimie (ponction lombaire [ou ponction du vitré] ou biopsie si ponction lombaire négative). Une corticothérapie doit être évitée autant que possible avant les prélèvements diagnostiques (réduit les lésions à cibler et rend l'anatomopathologie plus difficile à interpréter).

CT-scanner cérébral

  • CT non injecté → lésions hyperdenses ++, parfois iso ou hypo-denses
  • CT injecté → prise de contraste

IRM cérébrale

  • IRM non injectée : ++ iso-signal en T1 et iso ou hypo-signal en T2
  • IRM injectée → prise intense et homogène du gadolinium ("boule de neige", aspect cotonneux), généralement unique (70%) sauf chez l'immunodéprimé où les lésions sont fréquemment vastes et multiples
  • Restriction de la diffusion (hypercellularité) ++ : DWI augmenté, ADC diminué

Les lésions siègent généralement dans les régions profondes (noyaux gris, corps calleux, substance blanche périventriculaire, sous-épendymaire, intraventriculaire évoquant une ventriculite. L'œdème et l'effet de masse sont généralement peu importants en regard de la taille des lésions.

Les présentations atypiques sont malheureusement fréquentes : localisation superficielle avec extension sur la dure-mère (diagnostic différentiel = méningiome) dans 5-10% des cas, infiltration diffuse avec plusieurs plages d'hypersignal T2 sans effet de masse ni prise de prise de contraste (jusqu'à 10% des cas ?, diagnostic = gliomatoses, sclérose en plaques, neurosarcoïdose, vasculites cérébrales, leuco-encéphalomyélite multifocale progressive, leuco-encéphalites post-infectieuses), exceptionnelles formes pseudo-abcès avec prise de prise de contraste péri-annulaire (mais retrouvées dans ~50% des LCP des immunodéprimés → devant un tel pattern radiologique toujours rechercher une cause d'immunosuppression).

Biologie

Systématiques : numération-formule sanguine (lymphome systémique ?), CRP-VS, sérologie HIV

Ponction lombaire (classique + anatomo-pathologie + immunophénotypage lymphocytaire / recherche de monoclonalité par PCR, recherche ADN EBV)

La présence de cellules lymphomateuses permet d'affirmer le diagnostic dans 10 à 30% des cas.

D'autres perturbations aspécifiques du LCR sont fréquentes : hyperprotéinorachie, pléiocytose, augmentation des LDH et β-2-microglobuline,… La cytologie peut parfois évoquer une méningite chronique (Lyme,…) comme diagnostic différentiel.

Fonds d'oeil (FO) et examen à la lampe à fente +- ponction du vitré

La présence d'une hyalinite impose la réalisation d'une vitrectomie en cas de ponction lombaire négative → permet d'affirmer le diagnostic dans 50% des cas.

Ponction/ biopsie cérébrale

Nécessaire si et seulement si la ponction lombaire (ou vitrectomie) n'ont pas permis de poser le diagnostic. ++ par ponction-biopsie stéréotaxique.

Bilan d'extension

Au vu de la rareté de la révélation d'un lymphome systémique par un LCP (4% des cas), l'indication d'un bilan d'extension complet (biopsie ostéo-médullaire, CT-scanner thoraco-abdomino-pelvien, échographie testiculaire, PET-CT corps entier) est discutée… cependant, la chimiothérapie indiquée dans les lymphomes systémiques est différente… à discuter.

Anatomo-pathologie

L'immense majorité des cas correspond à des lymphomes diffus à grandes cellules B (> 80%). Les lymphomes T représentent < 2% des cas. D'autres types sont exceptionnels : L à grandes cellules anaplasiques, L lymphocytiques,… Une étude histologique avec fixation et inclusion en paraffine est nécessaire pour pouvoir affirmer le diagnostic et la classification.

Les LCP des patients HIV+ se distinguent par une prédominance immunoblastique, la présence de vastes plages de nécrose et de EBV.

Etiopathogénie

Le système nerveux central n'est pas un "sanctuaire immun" comme fréquemment décrit mais un site spécialisé de la réponse immune (absence de vaisseaux lymphatiques et de cellules présentatrices d'antigènes, présence de la barrière hémato-méningée) avec une surveillance réalisée essentiellement par des lymphocytes T… et de rares lymphocytes B... et pourtant ce sont les LCP à lymphocytes B qui prédominent → Pourquoi ? 2 hypothèses :

  • Transformation maligne d'une lésion inflammatoire chronique ou dysimmunitaire cérébrale préexistante ?
  • Transformation extracérébrale du lymophocyte B suivie d'une migration secondaire via un marqueur particulier ?

Le rôle de différents pathogènes a été évoqué. Cependant, seule l'association de l'EBV (quasi 100%) aux LCP des HIV+ a pu être démontrée.

Différentes anomalies génétiques (inactivation du suppresseur de tumeur p16/ CDKNA2) ont pu être mises en évidence, mais aucune spécifique aux LCP.

Pronostic

La médiane de survie est de 2 à 5 ans avec un taux de survie à 5 ans de 20 à 30% en cas de traitement optimal. En cas d'obtention d'une rémission, la récidive, parfois plus de 5 ans après, est la règle.

Facteurs de mauvais pronostic : âge > 60 ans, mauvais indice de Karnofsky, immunodépression (médiane de survie de 3 à 5 mois avec traitement optimal). Sont discutés : LDH sérique, protéinorachie, localisation multiple profonde. L'histologie ne semble pas être liée au pronostic.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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La chirurgie est inutile. Le traitement initial est aujourd'hui basé sur l'association radiothérapie et chimiothérapie. La chimiothérapie seule comme traitement initial est une alternative, particulièrement pour le sujet âgé, en cours d'évaluation. Un lymphome oculaire associé ou isolé doit bénéficier du même traitement. Une corticothérapie peut avoir un intérêt dans des situations catastrophiques en attendant l'instauration d'un traitement de fond (mais, de préférence après un prélèvement, l'effet symptomatique et radiologique est souvent spectaculaire mais effet rebond +++).

Chimiothérapie

  • Corticothérapie : activité cytolytique propre sur les cellules lymphomateuses→ réponse rapide (quelques heures à quelques jours) dans 40% des cas (complète dans 10%) avec amélioration clinique spectaculaire mais transitoire (réponse durant généralement quelques semaines).
  • Méthotrexate (> 1 g/ m²) et/ ou ara-C par voie systémique ou intrathécale
    • Chimiothérapie intrathécale par voie lombaire ou ventriculaire (++ par injection intraventriculaire par réseervoir d'Ommaya)
      • Intérêt discuté ! En particulier, des doses > 3 g/ m² de méthotrexate IV permettraient d'obtenir des concentrations suffisantes dans le LCR
  • Autres molécules utilisées : vincristine, carmustine, ardiamycine, cyclophosphamide, téniposide,…
  • La plupart des équipes recommandent l'usage du méthotrexate seul (pas de radiothérapie) à fortes doses comme traitement initial pour les patients de > 60 ans → survie comparable au traitement combiné mais meilleure qualité de vie et relative préservation des capacités cognitives !
  • Les chimiothérapie intra-artérielles après rupture osmotique de la barrière hémato-méningée ou l'intensification de la chimiothérapie associée à une greffe de cellules souches périphériques demeurent du domaine de protocoles de recherche

Radiothérapie panencéphalique

Si utilisée seule → dose totale de 40-50 Gy par fraction quotidienne de 1,8 à 2 Gy. Une irradiation supplémentaire de la zone lésionnelle ou de la moelle n'est pas recommandée.

Combinaison radiothérapie et chimiothérapie

Demeure le traitement de référence : chimiothérapie suivie de radiothérapie. Ex : méthotrexate 3g/ m² IV suivie d'une radiothérapie panencéphalique de 40 Gy avec des chimiothérapie de seconde ligne : carmustine, téniposide, Ara-C intrathécale,…

Le principal risque est l'apparition d'une leucoencéphalopathie retardée iatrogène (→ démence sous-corticale sévère), particulièrement chez les > 60 ans (50% à 1 an de la radiothérapie, 100% à 2 ans).

Particularités du sujet immunodéprimé

Les LCP surviennent généralement à des stades sévères d'immunodépression → la radiothérapie seule est le traitement de choix (risque de majorer l'immunodépression par la chimiothérapie). La chimiothérapie peut cependant être proposée pour les rares patients ayant un statut immun satisfaisant (ex : CD4 > 200/ mm³ pour les HIV+), laissant alors espérer une survie prolongée à quelques années.

Lymphomes duraux primitifs

Ils réalisent une infiltration localisée de la dure-mère par une prolifération lymphoïde monomorphe de petits lymphocytes "centrocyte-like" associés à une différenciation plasmocytaire d'intensité variée. Exceptionnels (< 20 cas dans la littérature). Généralement des lymphomes B à petites cellules. Prédominance féminine. Révélation clinique fréquente par des crises épileptiques. Aspect radiologique évoquant un méningiome. La majorité des cas ont été traités par chirugie et radiothérapie. Sous réserve du faible nombre de cas rapportés, le pronostic semble meilleur que celui des LCP.

Lymphomes cérébraux secondaires

Les LNH systémiques se compliquent dans < 10% des cas d'une localisation cérébrale, généralement à une phase tardive. Il est donc exceptionnel que la localisation cérébrale soit le mode de révélation clinique. Ils sont classiquement associés à une atteinte testiculaire et/ou de la moelle osseuse.

La présentation clinico-radiologique est similaire à celle des LCP. La médiane de survie est ~5 mois, traduisant le stade généralement avancé de la pathologie de fonds.

Lymphomes endovasculaires

Ils sont exceptionnels. Il s'agit de LNH malins caractérisés par une prolifération lymphocytaire dans la lumière des vaisseaux de petits calibres, provoquant leur dilatation et/ ou occlusion. Cellules lymphoïdes tumorales de grande taille de phénotype B (CD20+, CD79a+).

Affection multisystémique avec une prédilection pour le système nerveux et la peau, bien que dans la majorité des cas la présentation clinique soit purement neurologique (d'origine essentiellement ischémique : encéphalopathie ou démence d'installation subaiguë à progressive, parfois entrecoupés d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) iscémiques. Rarement : hémorragies, myélopathie progressive ou aiguë, crises épileptiques). Les signes cutanés peuvent être très variés.

L'IRM est aspécifique (plages hyposignal en T1 et hypersignal en T2, prédominant en périventriculaire, pouvant prendre le contraste ou mimer des AVC). L'artériographie cérébrale est généralement normale. Le PET-FDG peut montrer des zones hypermétaboliques. La biologie peut montrer un syndrome inflammatoire ou une augmentation des LDH.

La médiane de survie est ~ 6 mois. Pas de traitement codifié. Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie cutanée ou cérébrale... actes qui, au vu du pronostic exécrable, ne sont à envisager qu'en cas de doute diagnostique avec une pathologie curable.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD