La mort - Thanatologie

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Aussi surprenant que cela puisse paraître, la définition de la mort est toujours floue et objet de débats. Sur le plan légal, "est mort le sujet qui a été déclaré tel par un médecin"… D'un point de vue médical, le consensus actuel dans notre pays est la cessation irréversible des fonctions cérébrales supérieures (voir mort cérébrale).

Tout décès doit être constaté par un médecin, qui devra attester son caractère naturel ou violent, et déclaré à l'état civil, dans les 48 heures, qui délivrera ou non le permis d'inhumer. Les articles 77 à 87 du code civil prévoient qu'une inhumation ne sera faite que sur autorisation de l'officier d'état civil qui ne pourra la délivrer qu'après s'être assuré du décès (s'être transporté auprès du mort) et que 24 heures après le décès (hormis les cas prévus par les règlements de police et uniquement si le certificat de décès mentionne "mort naturelle").

Modes de décès

Mort naturelle

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Une "mort naturelle" ou "mort endogène" est définie comme résultant de l'évolution terminale de l'état pathologique de l'individu. Elle peut survenir suite à un état morbide connu ou de manière subite. Elle survient cependant généralement dans le contexte d'un état pathologique sous-jacent sur lequel viennent s'ajouter divers stimuli extérieurs (phase digestive, forte chaleur, froid intense, stress,…).

Les principales pathologies concernent le système cardiaque (insuffisance coronarienne, arythmies, anomalies valvulaires, insuffisance cardiaque, cardiomyopathies, cardites), vasculaire périphérique (embolie pulmonaire, ruptures d'anévrismes cérébraux ou aortiques, embolies cérébrales), endocrinien (hyper et hypoglycémies), neurologique (causes d'hypertension intracrâniennes), respiratoire (corps étrangers, bronchopneumopathies chroniques obstructives, asthme, hémoptysies,…), digestif (hémorragies aiguës, pancréatites aiguës, autodigestion).

Notons qu'on estime sur base de séries autopsiques systématiques que 5 à 10% des morts réputées "naturelles" ne le sont pas...

Mort violente

Une "mort violente" ou "mort exogène" = provoquée de manière directe, indirecte ou éloignée par une force extérieure ou d'une violence extérieure avec ou sans participation d'un tiers.

Exemples de causes (élément exogène) :

  • évident : tir balistique, coup de couteau,…
  • embolie pulmonaire suite à l'alitement prolongé en relation avec une fracture de bassin
  • décès par septicémie suite à un séjour en soins intensifs rendu indispensable par des éléments lésionnels

Sur le plan légal, on distingue : homicide volontaire (meurtre, assassinat), homicide involontaire ("accidentel"), accident sans participation de tiers (domestique, travail, transport,…), suicide

Mort suspecte

Elle correspond à un décès dans des circonstances jugées "anormales" sans répondre aux critères précédents.

Mort subite

Elle correspond à une mort inopinée (soudaine et inattendue), sans cause apparente chez un sujet en bonne santé apparente et dans des circonstances qui ne sont pas jugées anormales. Le concept de soudaineté est à prendre au sens large (instantané à quelques heures). Le concept d'inattendu également (ex: le décédé était porteur d'affections chroniques graves, mais rien ne laissait présager une mort à brève échéance). 

95% des morts subites ont une cause naturelle. Chez l'adulte, elle est souvent en relation avec des troubles du rythme ventriculaire.

Mort subite du nourrisson et du jeune enfant (SIDS)

Loi de 2003 → autopsie automatique en cas de décès inopiné et médicalement inexpliqué d'un enfant < 18 mois sous réserve de l'autorisation parentale et de la communication des résultats aux parents. L'étiologie la plus fréquente est une immaturité des centres respiratoires. Le SIDS reste un diagnostic d'exclusion.

Le cas de l'euthanasie

L'article 15 de la loi de 2002 prévoit que l'euthanasie effectuée dans le respect de la loi soit considérée comme "mort naturelle" pour l'exécution des contrats du patient (assurances,…).

Certificat de décès

Etabli par un médecin (volets A et C du certificat), il certifie la mort, son type et sa cause. Son coût est à charge des héritiers, aucun tarif n'étant prévu…

A noter que les cas ayant nécessité une autopsie ont démontré une erreur du diagnostic indiqué sur le certificat de décès dans 75% des cas !

Type de décès (volet A)

  • cause naturelle
  • accident de la circulation
  • autre accident
  • suicide
  • homicide
  • sous investigation
  • n'a pu être déterminé

Cause du décès (volet C)

Mentionner toute maladie ou affection morbide ayant directement provoqué le décès. Mentionner le mécanisme initial. Ex : bronchopneumonie suite à une fracture du fémur (→ sera considéré comme mort violente)

Autopsie et examens complémentaires

En cours, prévue, non ou ne sait pas

→ transmission à l'officier d'état civil qui a délégué ses pouvoirs au médecin. Le permis d'inhumer est délivré 24 heures après le certificat s'il mentionne "mort naturelle". En cas d'autre mention → déclenchement d'une enquête de police.

Le cadavre

Destination du corps

Interdiction du commerce de cadavres (un squelette peut par contre être vendu...). Interdiction de violer une sépulture. Possibilité de donner son corps à une école de médecine.

L'incinération

Depuis 1971, on peut procéder à une incinération s'il n'y a pas opposition de la famille (en cas de désaccord : compétence du président du tribunal de 1ère instance). Auparavant il fallait que le défunt en ait exprimé le souhait.

L'exhumation

Lorsqu'elle est jugée nécessaire, son autorisation est donnée par l'officier de l'Etat civil (au nom du bourgmestre) → il ne s'agit pas légalement d'une violation de sépulture.

L'autopsie

Peut être de trois types :

  • l'autopsie pénale = autopsie de police = autopsie médico-légale
    • en cas de mort suspecte ou de mort violente avec suspicion de participation de tiers
    • = mesure d'expertise pénale décidée par le juge d'instruction
      • En cas d'évidence, le Procureur du Roi peut théoriquement l'initier (peu réalisé en pratique car plus facilement attaquable pour vice de procédure)
    • Procédure :
      • Décès violent ou suspect → le Procureur est averti et ouvre une information
      • → les services de polices requièrent, à la demande du Procureur, un médecin (de première ligne) ou le Procureur saisit directement le médecin légiste
      • → conclut à une mort naturelle, violente ou suspecte
      • → le Procureur saisit le juge d'instruction qui peut ordonner une autopsie médico-légale
    • La famille ne peut pas s'y opposer
    • Le corps devient une pièce à conviction saisie temporairement par les autorités judiciaires
    • → autopsie complète et systématique pratiquée par deux médecins légistes
  • l'autopsie civile = autopsie judiciaire
    • lorsque des intérêts civils sont en jeu (ex : accident du travail ayant entraîné la mort, décès tardif suite à un accident) sans enjeu pénal
    • Les proches peuvent s'y opposer sauf dans les cas où :
      • Le défunt a donné l'autorisation de son vivant
      • Le juge passe outre du fait d'enjeux estimés très importants
  • l'autopsie médico-scientifique
    • en l'absence d'enjeu civil ou pénal. Généralement réalisée à visée épidémiologique (confirmation d'un diagnostic,...)
    • seulement en cas de mort naturelle
    • les proches peuvent s'y opposer

Le prélèvement d'organes

Régit par la loi de 1986. Doit être effectué par un médecin en hôpital, en respectant la dépouille mortelle, en ménageant les sentiments de la famille, en conservant l'anonymat du don. Pas de bénéfice, pas de droit du donneur et de ses ayant-droits sur le receveur. 

En cas de décès, devant être constaté par trois médecins, il est possible ("présomption de consentement"), sauf opposition expresse du vivant du donneur (consulter le registre national des personnes physiques) ou des proches, qui doivent être informés du prélèvement. Si le donneur avait exprimé par écrit son autorisation de son vivant, les proches doivent être informés mais ne peuvent s'y opposer.

Thanatologie

Signes de la mort

Signes immédiats

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  • arrêt des fonctions cérébrales
    • abolition de la conscience, de la sensibilité et de la motilité
    • flaccidité musculaire (abolition des réflexes myotatiques, mydriase bilatérale, relâchement éventuel des sphincters)
  • arrêt de la respiration
    • absence de mouvements thoraciques et signe du miroir (absence de buée témoignant d'une respiration)
  • arrêt de la circulation
    • absence de pouls central

Cependant, ces signes sont assez flous, le seul diagnostic de certitude précoce restant l'électro-encéphalogramme continu, même s'il est peu utilisé pour d'évidentes raisons pratiques.

Signes semi-tardifs et détermination d'un délai post-mortem court

L'examen externe permet alors d'établir le décès avec certitude et l'étude des paramètres thanatologiques d'estimer le délai post-mortem.

Hypostase (lividités cadavériques)

  • 1ère étape  = lividités non fixées : apparaissent en moins d'une heure post-mortem, toujours mobilisables et cédant à la vitropression (les liquides étant encore contenus dans les capillaires). Elles débutent dans les régions cervicales avant de s'étendre au reste du corps.
  • 2ème étape = fixation : hémoconcentration par stagnation et filtration des liquides plasmatiques vers le liquide interstitiel + rupture des capillaires + rupture des hématies et libération d'hémoglobine. Ce processus prend de 10-12 heures à 36 heures post-mortem. La coloration des lividités dépendant de l'état de l'hémoglobine : habituellement rose-bleutées, plus foncées en cas d'asphyxie, rouge carmin en cas d'intoxication au CO, absentes en cas d'anémie ou d'hypovolémie,…

L'hypostase ne se marque pas au niveau des points d'appui → élément important pour déterminer les mobilisations du cadavre. 

Ce n'est cependant pas toujours très clair → ex : hypostase cartonnée de coloration rougeâtre en raison du froid… ou… froid ? ou... évolution putréfactive ? ou... intoxication au CO ? ou...

Rigidité cadavérique 

Elle résulte du blocage des interactions ATP-dépendantes actine-myosine (consommation de l'ATP → libération de calcium → acto-myosine) et apparaît sur l'ensemble du corps en 6 heures (dès 3 heures au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire) touchant les membres supérieurs avant les membres inférieurs. Elle se résout en 48 heures (putréfaction). Ce temps peut fortement varier sous l'influence de facteurs :

  • endogènes : température centrale initiale, efforts importants (consommation d'ATP augmentée), plus court chez l'enfant et le cachectique
  • exogènes : température ambiante (retardée par le froid), isolants thermiques (vêtements, revêtement du sol,…)

Décroissance thermique post-mortem 

  • en moyenne : perte de 1°C/ heure…
    • mais stade de plateau durant les 2-3 premières heures
    • mais stade de plateau à l'approche des 24 heures post-mortem
    • → courbe sigmoïde décroissante
  • En outre, cette courbe de base peut varier selon :
    • La température ambiante
    • La température initiale du corps
    • La surface corporelle (voir calculateur sur le site)
    • Les éventuels vêtements, le fait que le corps ait été recouvert
    • Le coefficient de refroidissement thermique variant selon :
      • Intérieur ou extérieur ?
      • Conditions climatiques

Opacification cornéenne

Apparaît en 45 minutes si les yeux sont ouverts, en 24 heures si les yeux sont clos.

Dosage du potassium dans le corps vitré 

Avantage : utilisable pour les délais post-mortem > 24 heures. Il existe diverses formules prédisant l'augmentation de potassium.

Signes plus tardifs et délai post-mortem long

Phénomènes putréfactifs

La putréfaction résulte de l'action des bactéries anaérobies sur les protéines : décarboxylation des protéines → production de diamines (putrescine, cadavérine,…)

Séquence (très accélérée en cas de temps chaud,…):

  • Envahissement à partir des microbes du tube digestif (+++ clostridium car conditions cadavériques favorables aux anaérobies)
  • Tache verte abdominale (dilatation du tube digestif qui arrive au contact de la peau, catabolisme de l’Hb avec production de choléglobine) dans les 48 heures
  • Lacis veineux putréfactif, commence en axillaire pour s'étendre, se marque bien au cinquième jour
  • Infiltrations de gaz (méthane), la vésicule biliaire laisse sa bile couler sur les tissus avoisinants
  • Phlyctènes et liquide sanieux :
    • Les phlyctènes = décollements épidermiques (les gaz voyagent par les vaisseaux → dans les espaces sous-cutanés)
      • Boursouflures du visage → méconnaissable, yeux exorbités, langue protruse
      • Éclatement → liquide sanieux
      • Corps entier devient verdâtre
      • La tête devient noirâtre
      • Les phanères (cheveux,…) se détachent

La putréfaction dépend de :

  • la température
  • l'humidité
  • le pH
  • des facteurs propres au cadavre
  • des conditions d'une éventuelle inhumation :
    • Dans les sols sablonneux et chauds → momification, pas de putréfaction
    • Dans les marais tourbeux : absence d'air + acidité de la tourbe → pas de putréfaction

Apports de l'entomologie

Suite à la putréfaction → production d'amines, butyrate, NH3 → odeur → attire des insectes → ponte → larves → pupes (nymphes) → adultes → accroissent les dégradations biochimiques →… 8 escouades d'insectes au total, dont l'identification permet une estimation du délai post-mortem :

  • la première escouade : Musca – Calliphora (mouches)
    • cadavre frais, mort récente
    • ponte de plusieurs centaines d'œufs
    • éclosion après 8 à 14 heures
    • les larves (asticots) se nourrissent immédiatement
    • croissance complète après 4 jours
    • au 6ème jour : elles se cachent et se transforment en pupes
    • après le 11ème jour : apparition d'adultes (mouches)
  • 2ème escouade : Lucillia – Sarcophaga (mouches)
    • Odeur cadavérique du corps à l'air libre
    • Souvent : apparition jumelée avec la 1ère escouade
  • 3ème escouade : Dermestes et Aglossa (coléoptères et lépidoptères)
    • Arrivent 3-9 mois après la mort sous nos climats
    • Attirés par les acides gras volatils, l'acide butyrique,… provenant de la transformation des graisses
  • 4ème escouade : Pyophila et Corynètes (mouches et coléoptères)
    • Arrivent au stade de la fermentation caséique, suivant rapidement la fermentation butyrique.
    • ~10 à 12 mois après la mort si le cadavre se trouve à l'air libre.
  • 5ème escouade : Tyreophora, Lonchea, Ophyra, Phora, Necrophoris, Silpha (coléoptères)
    • Stade de la fermentation ammoniacale, avec liquéfaction noirâtre des matières encore présentes (non consommées par les précédentes escouades)
    • Survient entre 1 à 3 ans après la mort
  • 6ème escouade : les acariens
    • Achèvent l'absorption des humeurs imprégnant encore le corps
    • → dessiccation complète ou momification des zones ayant résisté à la putréfaction
    • Survient entre 1 à 3 ans après la mort
  • 7ème escouade : Aglossa, Tineola, Attegenus, Anthrenus,… (coléoptères)
    • Rongent les tissus parcheminés et font disparaître poils et cheveux.
    • Rongent aussi les vêtements, laines, tapis, fourrures,…
    • Leurs excréments constituent la poudre retrouvée
    • Survient 2,5 à 4 ans après la mort
  • 8ème escouade : Tenebrio et Ptinus
    • Font disparaître tous les débris
    • Signent un délai post-mortem > 3 ans. 

Les évolutions cadavériques alternatives à la putréfaction

Momification

Elle survient en cas de chaleur sèche prolongée et consiste en une déshydratation-dessiccation (→ réduction de volume et parcheminement des téguments).

Elle se déroule idéalement à > 40°C mais pas seulement, la condition indispensable étant une PH2O (humidité relative) proche de 0.

Elle se rencontre fréquemment dans les pays sahariens. Dans nos pays on peut la rencontrer dans des locaux longés par des conduits de cheminés,…

La "cryogénisation"

Une température < - 40°C permettrait une conservation quasi-indéfinie d'un cadavre.

La transformation adipocireuse ou saponification - adipocire ("gras du cadavre")

Résulte d'une transformation post-mortem du tissu adipeux (graisses sous-cutanées, péri-rénales, omentales, mésentériques) qui prend l'aspect de cire:

  • tissu ferme et dur au froid
  • tissu plus mou et huileux à température normale
  • coloration initialement blanc-grisâtre (coloration possible par la dégradation du sang)
  • odeur nauséabonde

Cette transformation résulte de l'hydrolyse des graisses par les lipases intrinsèques et puis par des enzymes bactériens (clostridium), l'eau nécessaire provenant du corps → mélange d'acides gras et de savons. 

Elle peut par exemple survenir suite au blocage de la putréfaction par une immersion ou une inhumation → l'hydrolyse et l'hydrogénation "prennent le dessus" → formation d'adipocire.

La formation de l'adipocire est lente : entre 15 jours et 3 mois et demande une grande humidité. Elle peut être favorisée par:

  • l'obésité
  • le recouvrement du corps par des vêtements
  • l'immersion
  • l'inhumation (++ en cas de température d'inhumation > 0°C)
  • le confinement

Elle peut persister des années à plusieurs siècles.

Evolution cadavérique

En bref :

  • Si le cadavre est à l'air libre :
    • Mode de transformation habituelle (++ en cas de température > 5°C et pas de sécheresse) → PUTREFACTION LIQUEFACTIVE +++
    • En cas de chaleur + sécheresse → MOMIFICATION ++
  • Si le cadavre est inhumé, immergé ou confiné dans un espace restreint → TRANSFORMATION ADIPOCIREUSE ++
  • (Conservation du cadavre à une température < - 40°C → cryogénisation)

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD