Fibromyalgie - syndrome polyalgique diffus

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La fibromyalgie ou syndrome polyalgique diffus idiopathique est un syndrome clinique fonctionnel associant des douleurs musculo-squelettiques diffuses à des plaintes variables. Par définition, elle suppose l'absence d'anomalie clinique objective ou de complication médicale et l'espérance de vie des patients est normale. Son étiopathogénie demeure incertaine et sa pertinence discutée.

Il s'agit d'un syndrome fréquent dont la prévalence, augmentant avec l'âge, est estimée à 1 à 6% de la population. Le sex-ratio est de 7 femmes pour 1 homme. La prise en charge thérapeutique, fréquemment décevante, demeure empirique et associe à des degrés variables des mesures symptomatiques paramédicales à un traitement médicamenteux.

A noter que si l'appellation anglo-saxonne fibromyalgie est la plus répandue, nombre de rhumatologues francophones préfèrent celle de syndrome polyalgique diffus idiopathique, plus descriptif.

Notions d'étiopathogénie

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A l'instar d'autres syndromes "fonctionnels" (syndrome de fatigue chronique, spasmophilie, syndrome du colon irritable,...) il n'y a toujours pas d'étiologie ni de mécanisme physiopathologique relatif à la fibromyalgie déterminé avec certitude. De très nombreuses études de laboratoires ont été publiées "suggérant" (absence de signification statistique) chacune telle ou telle anomalie comme "possiblement" impliquée. Ces anomalies recouvrent des troubles neuro-hormonaux, des troubles du sommeil, des troubles du système nerveux autonome, des altérations des récepteurs nociceptifs périphériques,... La question de prédispositions génétiques et/ ou de divers facteurs exogènes reste également ouverte...

Après avoir longtemps été majoritairement considérée comme relevant exclusivement de la psychiatrie, la principale hypothèse actuelle est celle d'une altération multifactorielle des mécanismes de régulation de la douleur. Quoi qu'il en soit, le corps médical demeure (parfois violemment) partagé non seulement sur l'origine mais sur l'organicité elle-même du syndrome.

Il est également plausible que ce syndrome recouvre des situations fort différentes :

  • Part de patients mal diagnostiqués présentant en réalité une pathologie rhumatismale ou systémique frustre (voir diagnostics différentiels) ?
  • Part de patients présentant une (ou plusieurs) maladie(s) encore inconnue(s) ?
  • Part de patient dont l'origine des troubles est psychologique ou psychiatrique ?

Ceci est d'autant plus probable que la définition syndromique exclusivement clinique - qu'on peut résumer par "douleurs musculo-squelettiques chroniques diffuses associées à une fatigue chronique et des plaintes diverses sans cause retrouvée" - est extrêmement vague...

Clinique

La symptomatologie cardinale est constituée de douleurs musculo-squelettiques diffuses. A l’examen clinique, on peut noter des douleurs à la palpation de muscles ou d'articulations contrastant avec un examen clinique objectif strictement normal (toute anomalie doit faire évoquer un diagnostic différentiel).

Une fatigue chronique, voire une asthénie, des symptômes anxio-dépressifs, des céphalées chroniques mal systématisées et des troubles du sommeil sont fréquents. Peuvent s’y ajouter également une grande variété de plaintes (troubles mnésiques, troubles sexuels, troubles digestifs, lipothymies, palpitations,…).

La symptomatologie est ordinairement exacerbée par les facteurs de stress (en ce inclus… les éventuels conflits avec le thérapeute) ou les modifications de l’environnement.

Diagnostic et critères cliniques de l'ACR (2010)

Fibromyalgie - syndrome polyalgique diffus - critères diagnostiques de l'ACR (2010)

Fibromyalgie - syndrome polyalgique diffus - critères diagnostiques de l'ACR (2010)

Les classiques "points douloureux" ("tender points") à la palpation définis en 1990 ne sont plus requis par l'ACR (American College of Rheumatology). Les nouveaux critères reposent uniquement sur l'anamnèse et l'absence de diagnostic alternatif susceptible d'expliquer la symptomatologie. L'ensemble de ces critères doit être réuni :

  • Symptomatologie compatible - une de ces deux situations :
    • Index d'étendue des douleurs ("Widespread pain index", WPI) > 7 et sévérité des symptômes associés  ("symptom severity", SS) > 5
    • Ou WPI entre 3 et 6 et SS > 9
  • Durée depuis au moins 3 mois
  • Absence d'argument pour une pathologie susceptible d'expliquer les plaintes

Le WPI est défini comme le nombre de régions douloureuses sur la dernière semaine. Il est compris entre 0 et 19. Ces régions sont : épaule gauche, épaule droite, bras gauche, bras droit, avant-bras gauche, avant-bras droit, hanche gauche, hanche droite, cuisse gauche, cuisse droite, jambe gauche, jambe droite, joue gauche, joue droite, thorax, abdomen, nuque, dos supérieur, dos inférieur

Le SS est compris entre 0 et 12. Il est calculé comme la somme de points à attribuer à 4 items :

  • Les items à coter sont :
    • Fatigue
    • Impression d'être "non reposé" au réveil
    • Plaintes cognitives
    • Nombre de plaintes "somatiques". Sont à considérer : douleurs musculaires, syndrome du colon irritable, fatigue, plaintes cognitives, faiblesse musculaire, céphalées, douleurs abdominales de tous types, vertiges, paresthésies, prurit, insomnies, dépression, constipation, nausées, anxiété, douleurs thoraciques, troubles visuels, fièvre, diarrhée, sécheresse de bouche, wheezing, phénomène de Raynaud, urticaire, acouphènes, vomissements, plaintes auditives, perte d'appétit, yeux secs, "souffle court", rash cutané, photosensibilité, "ecchymoses faciles", mictions fréquentes, mictalgies, spasmes vésicaux
  • Le nombre de points à attribuer pour chacun des trois premiers items est déterminé ainsi :
    • 0 = absence de plainte
    • 1 = plaintes "légères ou intermittentes"
    • 2 = plaintes "modérées"
    • 3 = plaintes "sévères, permanentes ou perturbant la vie sociale"
  • Le nombre de points à attribuer à l'item "autres plaintes somatiques" est déterminé ainsi :
    • 0 = absence de plainte
    • 1 = "quelques plaintes"
    • 2 = "nombre modéré de plaintes"
    • 3 = "un grand nombre de plaintes"

A noter évidemment que, selon la publication même de l'ACR, ces critères n'ont d'autre objectif que d'homogénéiser et de faciliter la pratique clinique. Au vu de l'impossibilité de confronter leur validité à des anomalies objectives (la validation statistique est basée sur les précédents critères ACR, eux mêmes subjectifs, et l'avis d'experts), ils ne doivent en aucun cas être considérés comme une définition du syndrome. De même, ils ne suffisent en aucun cas à poser le diagnostic mais en sont une condition nécessaire. Par ailleurs, les régions définies par le WPI sont totalement arbitraires, le calcul du SS souffre d'une grande subjectivité inter-opérateurs et la liste des plaintes "somatiques" à prendre en considération est... très longue...

Pour ces raisons, ces critères de l'ACR ne font pas consensus dans la communauté médicale...

Examens complémentaires

Par définition tous les examens complémentaires sont normaux. Leur prescription ne se justifie donc que pour exclure des diagnostics différentiels selon la présentation clinique.

Diagnostics différentiels

Le diagnostic différentiel est large et varie selon la présentation clinique. Selon les cas, il recouvre les causes d'asthénie, des pathologies psychiatriques, des pathologies rhumatismales et/ ou les connectivites.

La fibromyalgie restant un diagnostic d'exclusion, il convient d'exclure ces pathologies en cas d'anomalie à l'examen clinique objectif, de découverte d'une anomalie significative à un examen complémentaire ou de plainte évocatrice. Il convient également de pouvoir remettre en cause le diagnostic au cours du suivi le cas échéant. Il n'est en effet pas rare de voir un diagnostic de fibromyalgie rectifié en polyarthrite rhumatoïde ou autre pathologie après plusieurs années... Par ailleurs, l'association d'une symptomatologie fonctionnelle à ces pathologies est fréquente.

La fibromyalgie, enjeu socio-économique et politique

Ces vingt dernières années, la fibromyalgie et sa reconnaissance médico-sociale sont devenus un enjeu socio-économique majeur dans un contexte de crise des pays développés :

  • Elle représente un important marché-cible pour les firmes pharmaceutiques et divers acteurs tant de la "médecine conventionnelle" que des "para-médecines".
  • Pour les Etats, elle représente un coût financier et social potentiel conséquent au vu du haut taux de prévalence du syndrome et de demandes de reconnaissance d'invalidité partielle ou complète de plus en plus fréquentes parmi les patients. La situation en la matière varie selon les pays. Certains ne le reconnaissent pas, d'autres la reconnaissent mais statuent au cas par cas via les médecins conseils.
  • Pour les mêmes raisons, le nombre important de patients concernés en fait un enjeu dans le débat public, voire électoral.

Ces enjeux viennent compliquer la tenue et la compréhension des débats autour de ce syndrome qui échappent en partie au monde médical.

Pronostic

La fibromyalgie est généralement un syndrome chronique tendant à s’installer sur plusieurs décennies. Cependant, il est bien établi qu’elle peut se résoudre lorsque des facteurs de stress environnementaux sont résolus.

Il n’y a pas de complication médicale spécifique au syndrome et le taux de mortalité des patients n’est pas augmenté par rapport à la population générale. Cependant, bien que la majorité des patients maintiennent une activité socio-professionnelle satisfaisante, une minorité présentera une impotence fonctionnelle variable interférant avec leurs activités.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

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Il n'existe pas de traitement spécifique à la fibromyalgie. Concernant la prise en charge symptomatique, elle reste empirique au vu de l'absence d'EBM satisfaisante.

Tout comme lors d'autres syndromes fonctionnels, il n'est pas rare que les patients soient revendicatifs voire agressifs envers un corps médical jugé négligent voire méprisant. Ils présentent par ailleurs fréquemment une dégradation socio-professionnelle et sont parfois persuadés d'être atteints d'une pathologie grave (élément péjoratif). En miroir, nombre de médecins sont encore souvent réticents à les prendre en charge.

Entre risque d'abandon et de surmédicalisation, la tâche n'est assurément pas simple. Il convient d'exposer aux patients l'état des connaissances médicales et le fait que ne pas avoir d'explication ne revient pas à nier la réalité de leurs plaintes (éviter les phrases du type "tout ça c'est dans votre tête") ou les abandonner avant de conclure sur des propositions symptomatiques. Réévaluer le patient au cours du suivi (savoir remettre en cause le diagnostic en cas d'apparition de signes objectif ou de modification évocatrice des plaintes).

Les enjeux de la prise en charge sont d'une part d'améliorer les plaintes du patient et, d'autre part, de préserver son insertion familiale et socio-professionnelle.

On peut envisager tout d'abord le recours à des degrés variables de :

  • Prise en charge para-médicale :
    • Exercice physique de type aerobic, 3 x 30 minutes/ semaine
    • Activités de relaxation de type yoga, tai chi,...
    • Prise en charge psychologique et/ ou sociale si nécessaire. Tenter d'identifier et d'aider à résoudre tout facteur de stress
    • Laisser la porte ouverte aux "médecines alternatives" si le patient les évoque spontanément... Ne cependant pas y prendre une part active. Le rôle de chacun ("médecin conventionnel" et "médecins alternatifs") doit rester clair pour le patient.
  • Traitement médicamenteux :
    • De manière générale, les traitements médicamenteux sont peu, voire pas, efficaces. Au vu de leurs effets secondaires et des risques d'assuétudes, leur usage est à minimiser. Le risque de surmédicalisation est majeur.
    • Monothérapie psychotrope. Choisir selon leur profil de tolérance parmi : amitriptyline (++ en première intention, de 10 à 75 mg/ jour au soir), desipramine, duloxetine, gabapentine, prégabaline,...

En cas d'échec (bonne compliance, essai de plusieurs monothérapies à doses maximales tolérées), on peut envisager :

  • Sur le plan para-médical :
    • Orienter le patient vers une équipe de réentraînement physique spécialisée
    • Psychothérapie psycho-comportementale
  • Sur le plan médical :
    • Au vu du haut risque d'assuétude et de leur efficacité médiocre, n'utiliser les antalgiques que pour des périodes déterminées. Limiter au maximum l'usage de morphiniques. Proscrire de règle l'usage d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et de corticoïdes.
    • Tenter une bi-thérapie :
      • Reprendre éventuellement le psychotrope déjà utilisé en cas d'efficacité partielle ou envisager : fluoxétine, paroxetine, citalopram,...
      • Prescription de combinaisons d'antalgiques : tramadol - paracetamol pour des périodes déterminées.

En cas d'échec (ou d'assuétude aux antalgiques avec impossibilité de respecter des périodes libres), orienter le patient vers une clinique de la douleur spécialisée. A noter que la notion d'échec thérapeutique est ici particulièrement subjective. Des plaintes persistant chez la majorité des patients, il s'impose de se baser en partie sur les répercussions concrètes dans la vie socio-professionnelle des patients.

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD