Chutes du sujet âgé

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Les chutes du sujet âgé représentent une des principales problématiques rencontrées en gériatrie. 30% des > 65 ans chutent au moins 1 fois/ an (45% en institution) et 50% des > 85 ans… alors que deux tiers d'entre elles pourraient être prévenues et qu'une chute est corrélée à : 25% de décès dans l'année, 50% des survivants devenant dépendants.

Interviennent le vieillissement normal (non suffisant! → une chute n’est jamais anodine !), les maladies chroniques et des facteurs de risque. Les chutes sont généralement plurifactorielles (= ataxie multisensorielle du sujet âgé) → ne pas arrêter l'évaluation lors de l'identification d'un problème ! Le but de l'évaluation est d'identifier des causes réversibles lorsque c'est possible et d'instaurer des mesures préventives. Seuls 10% des "chuteurs" bénéficient d'un bilan approprié.

Facteurs de risque liés à l'âge

Altérations physiologiques

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  • La capacité de se maintenir debout dépend de l'intégration de divers systèmes (visuel, proprioceptif, vestibulaire, musculaire) dont les fonctions déclinent avec l'âge.
  • Modification de la stratégie d'activation des fibres musculaires → défavorable à la stabilité posturale
  • Baisse des activités et de l'exercice physique

Iatrogènes et toxiques

  • psychotropes (sédatifs, altérations posturales) (après 60 ans, les risques des benzos dépassent nettement les bénéfices, particulièrement en ce qui concerne la dégradation cognitive)
  • inducteurs d'hypotension artérielle orthostatique : psychotropes, diurétiques, dérivés nitrés, antihypertenseurs en général,…
  • polymédication → potentialisation des effets secondaires
  • Alcoolisme très fréquent et généralement nié / minimisé

Accumulation de pathologies dégradant la marche

Pour quatre pathologies chroniques conjointes, le risque de chute est de ~70% : troubles cognitifs, atteintes des membres inférieurs, problèmes podologiques, polyneuropathies, dénutrition, délirium, dépression, incontinence (levers fréquents), troubles oculaires (cataracte !), anémies, troubles ioniques, carence en vitamine D et ostéoporose, séquelles d'AVC, hydrocéphalie normotensive, hématome sous-dural, Parkinson, neurinome de l'acoustique, Ménière, SEP, atteintes médullaires (vasculaires, compressives, syringomyélie, sclérose combinée de la moelle, SLA), sciatique et autres radiculalgies, neuropathies (diabétique, thyroïdienne, iatrogène, toxique,…), arthrose, scoliose, antécédents de fractures des membres inférieurs, vertiges paroxystiques bénins (VPPB), artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), insuffisance veineuse des membres inférieurs, insuffisance cardiaque chronique, insuffisance respiratoire chronique,…

On note par ailleurs une incidence plus élevée des pathologies aiguës (concerne ~10-20% des chutes : ++ pneumopathies/ décompensations cardiaques).

Environnement

Environnement mal adapté (éclairage, espace encombré, pas d'ascenceur, revêtements glissants,…). Isolement social.

Peur de chutes

Antécédents de chutes (le patient a souvent peur d’une nouvelle chute → prudence, diminution volontaire de sa mobilité, hésitations → régression psycho-motrice → favorise paradoxalement de nouvelles chutes !

Evaluation du patient chuteur : médicale, mobilité, environnement

Evaluation médicale

Anamnèse et hétéro-anamnèse

  • Evaluation SPLAT : Symptoms, Previous falls, Location, Activity, Time
  • Evaluation ACCIDENTS : Activities of daily living, Cognition, Clinical findings, Incontinence, Drugs, Eyes/ears/environment, Neurologic deficits, Travel history, Social history
  • Utilisation d'appareils d'assistance : cannes, tribunes,… → taille correcte et bonne utilisation ?

Décortiquer les antécedents, particulièrement les FRCV, l'environnement, le degré d'autonomie et d'activité physique.

Quelques définitions:

  • vertiges = sensation rotatoire du corps ou de l'environnement, rarement d'origine vasculaire, souvent d'origine otologique/ (neurologique/ toxique). Vertige paroxystique bénin, syndrome de Ménière,…
  • lipothymies = symptomatologie floue (faiblesse, sudation, sensations pré-syncopales, réduction des champs visuel, vision floue, troubles de l'audition, nausées), svt d'origine cardio-vasculaire, parfois associée à une perte de connaissance/ des myoclonies/ pertes d'urines/ pas de confusion/ pâleur
  • drop attack = sensation soudaine de dérobement des jambes et incapacité transitoire à se relever. Pas de perte de conaissance. Généralement d'origine cardio-vasculaire (bas débit transitorie sur arythmies, vol sous-clavier,...)
  • penser aux crises E typiques ou non, particulièrement chez les patients vasculaires (épilepsie secondaire).

Anamnèse médicamenteuse et toxiques

Principaux médicaments potentiellement impliqués dans les risques de chutes :

Psychotropes

Cardiovasculaires

Benzodiazépines

Antagonistes calciques

Neuroleptiques typique et atypiques

Diurétiques

Antidépresseurs (TCA, SSRI, NSRI, IMAO)

IEC

Antiépileptiques

Sartans

Antiparkinsoniens (L-dopa, anticholinergiques)

Alpha-bloquants périphériques

 

Alpha-bloquants centraux

 

Bétabloquants

! bien creuser car 1/3 des médicaments consommés relèvent de l’automédication → souvent passés sous silence. Tout comme l'alcoolisme qui est un facteur majeur de morbi-mortalité.

NB : les benzos et les anticholinergiques sont de principe à éviter en chronique du fait de leurs ES multiples.

Examen clinique

  • Cardio-vasculaire
    • TA couché/ débout
      • → hypoTA orthostatique ???
        • 66% de causes iatrogènes : diurétiques, benzodiazépines, antidépresseurs, antiparkinsoniens, phénothiazines, bétabloquants, hydralazine, anticalciques, IEC, alpha-bloquants, clonidine
        • 34% non iatrogènes
    • Pouls (ECG) → arythmies ? bradycardie ?
    • Rotation/ extension du cou + auscultation carotides → carotides/ vertébrales ?
    • Pouls périphériques, lésions trophiques des MI → AOMI ?
  • Vision
    • Acuité, champs périphériques, discrimination des couleurs, contrastes,…
    • Après 60 ans la prévalence des troubles visuels passe de 20% à 60% : presbytie, cataracte, dégénérescence maculaire, rétinopathie diabétique, glaucome
  • Neurologique
    • Test de Romberg, dorsiflexion de la cheville, marche,… → équilibre et base de sustentation,…
  • Podologique
    • Hallux valgus, oignons, orteils en marteau,…
  • Musculo-squelettique
    • Mobilité du genou (extension!), mobilité de la hanche → impossibilité de maintenir une extension durant adduction/ abduction ?

Examens complémentaires

En l'absence de point d'appel clinique, se contenter d'un (holter)-ECG (arythmies ?) et d'une biologie de base (iono, glycémie, formule, CRP).

Evaluation de la mobilité

Epreuve de Tinetti. Taches à évaluer : s'asseoir puis se lever d'une chaise, entrer/sortir du lit, se rendre aux WC/ à la salle de bain, monter/ descendre les escaliers, marcher le long d'une ligne droite (observer le pas, le balancement des bras), se mettre sur la pointe des pieds et tendre les bras vers le haut, se pencher et ramasser un objet au sol, s'étendre au sol et se relever sans aide. Evaluer la vitesse de la marche. Evaluer une double tâche.

Test Get-up and Go : patient assis dans un fauteuil → se lever sans s'appuyer sur les accoudoirs → marcher 3 mètres → pivoter de 180° → revenir vers le fauteuil → se rasseoir. Anormal si déséquilibre lors d'une étape. On peut réaliser un test Timed Get-up and Go : idem mais mesure du temps nécessaire à la réalisation → normal si < 10 sec, "fragile" si 10-20 sec, nécessite une évaluation complémentaire si > 20 sec.

Score Stratify utilisé pour évaluer le risque de chute (4 questions : admis pour chute ou chute depuis admission ? / patient agité ? / troubles visuels altérant les activités quotidiennes ? / doit aller fréquemment aux WC ?) → 54% des patients seraient à risque de chute.

Evaluation de l'environnement

  • Surfaces au sol
    • éviter les carrelages glissants, les sols mouillés, utiliser de la cire antidérapante, attacher les carpettes.
  • Eclairage
    • Eviter un éclairage trop faible ou trop fort (reflets, éblouissements), améliorer l'éclairage des zones à risque, carreaux polarisés, revêtements de sol anti-reflet, repositionnement des sources lumineuses
  • Escaliers
    • Commutateurs de lumière au bas et en haut des escaliers, veilleuse la nuit, strip adhésifs et colorés sur les marches
  • Salle de bain
    • Remplacer les portes serviettes (svt utilisés comme assistance) par des mains courantes anti-dérapantes, envisager WC surélevé avec main courante, mettre caoutchouc adhésif/ mains courantes/… dans bain/douche
  • Lits
    • Hauteur du lit de 18 pouces (46 cm), matelas ferme
  • Fauteuils
    • Eviter les chutes lors des transferts : hauteurs de 14-16 pouces (43cm), accoudoirs
  • Etagères
    • Eviter orthostatisme : ergonomie

Quelques questions particulières

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Une hospitalisation pour bilan de chute se justifie-t-elle ?

Une hospitalisation est à éviter autant que possible (risques de régression psycho-motrice, perte d'autonomie, pathos iatrogènes) → prévoir un bilan à domicile/ au cabinet et des aides à domiciles temporaires (kiné, télé-alarme, aide-ménagère, livraison de repas,…).

Cependant, certains cas (risque majeur d'incident à court terme) imposent une hospitalisation : suspicion de fracture, immobilisation prolongée au sol, notion de réaction confusionnelle, entourage inadéquat par rapport au degré d'autonomie du patient, patho aiguë, décompensation aiguë d'une patho chronique.

Correction systématique des carences en vitamine D

La prévalence de la carence en vitamine D chez le patient âgé est plus importante que ce que l'on pensait → ostéomalacie et faiblesse musculaire → augmente le risque de chutes et de fractures. Une supplémentation de vitamine D à > 800 UI/j est nécessaire pour diminuer le risque de chutes.

Patients chuteurs et anticoagulation

Les anticoagulants sont rarement contre-indiqués chez les patients chuteurs. Le bénéfice d'une anticoagulation chez un patient à risque (FA, AVC répétés,…) dépasse de loin le risque d'hématome sous-dural en cas de chute ! → ne pas récuser ces traitements, à discuter au cas par cas;

Hyponatrémies chroniques et risque de chutes

Les patients âgés présentant une hyponatrémie chronique modérée/ subclinique ont un risque de chute significativement très augmenté → nécessité de traiter toute hyponatrémie (fréquemment iatrogène), même subclinique, chez le patient âgé.

Protecteurs de hanche et prévention tertiaire

Une étude a démontré que chez les patients à risque institutionnalisés (pas à domicile) le risque de fracture de hanche était significativement réduit lors de l'utilisation de protecteurs externes de hanche (« culotte de gardien de but »). Cependant la compliance au port de ces protecteurs est pauvre…

Auteur(s)

Shanan Khairi, MD