Cirrhose hépatique

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Une cirrhose hépatique correspond à la destruction diffuse irréversible de la structure lobulaire et vasculaire hépatique remplacée par de la fibrose et des nodules de régénération. Elle constitue le stade ultime de la plupart des hépatopathies chroniques bien que l'éthylisme chronique en soit la cause nettement prépondérante.

Il s'agit d'une maladie fréquente, sa prévalence étant d'environ 0,5%, et grave, la mortalité à 5 ans étant d'environ 50%.

Etiologies

  • Alcoolisme : 50 à 75% des cas
  • Hépatites virales chroniques : 20 à 30% des cas. HCV, HBV +- HDV
  • Causes rares : environ 10% des cas
    • Iatrogène : acide nicotinique, valproate, amiodarone, dantrolène, isoniazide, méthotrexate, méthyldopa, nitrofurantoïne, tamoxifène,…
    • Toxiques : CCl4, arsenic,…
    • Insuffisance cardiaque droite ("foie cardiaque")
    • Budd-chiari (obstruction des veines sus-hépatiques)
    • Cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive, hépatites auto-immunes, maladie coeliaque
    • Déficit en α-1-antitrypsine,
    • Bilharziose
    • Hémochromatose, fibrose kystique, maladie de Wilson

Clinique

  • SIGNES PRECOCES
    • En cas de cirrhose alcoolique :
      • Hépatomégalie (90%), asthénie/ dyspepsie (80%), baisse de libido (60%), angiomes stellaires (50%), d+ abdos (25%), pigmentation (25%), splénomégalie (20%), gynécomastie, maladie de Dupuytren, fièvre,…
    • En cas de cirrhose virale :
      • Hépatomégalie (50%), splénomégalie (50%), asthénie et dyspepsie (30%), douleurs abdominales (30%), angiomes stellaires (30%), les autres signes sont rares.
  • STADE DE CIRRHOSE
    • Mêmes signes que supra +- signes d’insuffisance hépatique +- signes d’hypertension portale.
    • Hépatomégalie (clinique typique : palpation d'un foie ferme à bord tranchant)

Complications = cirrhose décompensée

  • Ascite et hydrothorax hépatique
  • Insuffisance hépatique : ictère, encéphalopathie (rare, aux stades avancés ou en cas d'infections, d'hémorragies,…), troubles endocriniens (impuissance, aménorrhée, diminution de pilosité, atrophie testiculaire, gynécomastie), troubles cutanés (angiomes stellaires, érythrose palmaire)
  • Encéphalopathie sur insuffisance hépato-cellulaire et/ ou shunts porto-caves (recherche par écho-doppler)
  • Hypertension portale : ascite, circulation collatérale, splénomégalie
  • Hémorragies digestives  : principalement sur rupture de varices oesophagiennes ou gastriques. Il s'agit de la complication grave la plus fréquente.
  • Syndrome hépato-pulmonaire
    • Toucherait 5 à 10% des cirrhotiques. Mortalité de 40% à 3 mois.
    • Mécanisme : hypertension portale → vaso-dilatation pulmonaire et formation de shunts → hypoxémie, dyspnée d’effort puis de repos
    • Diagnostic par echo tans-oesophagienne et CT-scanner
    • Traitement : oxygénothérapie à long terme, greffe hépatique
  • Syndrome hépato-rénal :
    • Ses mécanismes sont mal connus (vaso-dilatation splanchnique ?). Cependant, la cirrhose induit une augmentation de la rétention rénale en eau et en sodium → augmentation du volume extracellulaire, hyponatrémie et diminution du contenu vasculaire efficace → vaso-constriction rénale (diminution du DFG et IRA fonctionnelle).
    • Traitement : traitement de l’ascite, vaso-dilatateurs, greffe hépatique
  • Hépatocarcinome : complication grave survenant dans
    • 20% des cirrhoses sur HBV
    • 30% des cirrhoses sur HCV
    • 15% des cirrhoses sur alcoolisme et sur hémochromatose
    • 3% des cirrhoses biliaires primitives

Diagnostic

Son diagnostic est souvent tardif voire méconnu, facile lorsque la cirrhose est au stade compliqué, difficile avant (majorité des cas). Le diagnostic de certitude est histologique. Cependant, on peut le plus souvent l’établir sur base d’examens non ou semi-invasifs. Ces examens ont néanmoins leur place avant tout pour un diagnostic prospectif d’hépatopathie chronique susceptible d’évoluer vers la cirrhose.

Diagnostic rétrospectif

  • Anamnèse et clinique
  • Biologie :
    • Marqueurs indirects (insuffisance hépatique) possibles : élévation des transaminases et de la bilirubinémie, hypoalbuminémie, hypergammaglobulinémie, anémie, thrombopénie, neutropénie, pancytopénie, urémie diminuée, hypocholestérolémie, diminution du taux de prothrombine et de facteurs de coagulation (antithrombine),…
    • Marqueurs directs (de la fibrose) : acide hyaluronique, MMP-2, propeptide du procollagène III, propeptide du collagène IV, laminine, fragment 7S du collagène IV
  • Endoscopie = la valeur prédictive positive pour le diagnostic de cirrhose hépatique de la présence de varices oesophagiennes est de 77%, la spécificité de la présence d’une gastropathie d’hypertension portale de 90%
  • Echo-doppler (hypertrophie du lobe caudé, ascite, splénomégalie, circulation collatérale, dilatation de la veine porte, altération du flux portal). La sensibilité de l'examen est très variable selon l'expérimentateur et les critères utilisés, mais la spécificité est généralement supérieure à 90%
  • Ponction-biopsie hépatique = gold standard diagnostique, invasive, utile en cas de diagnostic incertain. Peut ramener un diagnostic certain (présence de nodules régénératifs entouré de fibrose), probable (fragmentation, fibrose périlobulaire, distorsion du réseau de  réticuline, signes de régénération) ou possible (remaniement architectural, fibrose intralobulaire).
    • Cependant le taux de faux négatifs est de 25% !
    • Si impossible, on peut recourir à une biopsie transjugulaire, de moins bon rendement

Mise au point étiologique

  • Alcoolisme : anamnèse et clinique, ratio GOT/ GPT > 2, GGT augmentées avec PAL (quasi) normales, diminution des anomalies suite au sevrage
  • Virales : anamnèse et clinique, sérologie  HCV et HBV, GPT > GOT, arguments histologiques
  • Hépatites auto-immunes : plus fréquente chez les femmes, présence d'une autre pathologie auto-immune, GPT très augmentées, augmentation polyclonale des IgG, présence d'auto-Ac (++ anti-muscles lisses), amélioration sous immuno-suppresseurs
  • Cirrhose biliaire primitive : prurit marqué, cholestase avec PAL fortement augmentées, augmentation des IgM, présence d'auto-Ac antimitochondries de type M2, lésions histologiques typiques, plus fréquente chez les femmes d'âge mûr
  • Hémochromatose et autres surcharges en fer : coefficient de transferrine supérieur à 60% après plus d'une 1 semaine de sevrage alcoolique, mutation C282Y de HFE homozygote, surcharge ferrique massive et diffuse à l’histologie
  • Maladie de Wilson : plus fréquentes chez les jeunes, clinique (anneaux de Kayser-Fleisher, atteinte neurologique, anémie hémolytique), diminution de la céruloplasmine et de la cuprémie, augmentation de la cuprurie, surcharge en cuivre à l’histologie
  • Iatrogène : anamnèse, amélioration lors de l’arrêt du traitement incriminé
  • Stéato-hépatite non-alcoolique (NASH) (rare) : anamnèse (associée à l’amiodarone, la chirurgie de l’obésité, l’obésité, le diabète de type II, l’hypertriglycéridémie, histologie évocatrice
  • Déficit en α-1-antitrypsine : dosage de l’α-1-antitrypsine
  • Cirrhose sur foie cardiaque : anamnèse et facteurs de risque cardio-vasculaires, oedèmes, dyspnée, reflux hépato-jugulaire, écho-doppler, histologie suggestive,...

Diagnostic prospectif : la prévention

Qui dépister : alcooliques, antécédents d’hépatites virales ou de toxicomanies IV, transfusions répétées. Surveillance accrue à plus de 45 ans. Un dépistage pour une cytolyse découverte fortuitement n’est pas recommandé en l’absence de signes évocateurs. Ce dépistage peut consister en une simple biologie annuelle ou comprendre des moyens plus invasifs.

Ex : pour une hépatite chronique sur HCV évolutive (sans rémission) → consensus = surveillance clinique + biologie annuelle + une ponction-biopsie tous les 3 à 5 ans.

Stadification CHILD et pronostic

 

1 POINT

2 POINTS

3 POINTS

Ascite

Absente

A l'écho (discrète)

Clinique

Encéphalopathie

Absente

Confusion/ somnolence

Incompréhensible/ coma

Bilirubinémie (mg/dl)

< 2

2-3

> 3

Temps de Quick (%)

> 70

40-70

< 40

Albuminémie (g/dl)

> 3,5

3-3,5

< 3

CHILD :

A = 5 à 6 points : pronostic favorable en cas de traitement étiologique possible et d'abstinence alcoolique

B = 7 à 9 points : plus de 20% de mortalité à 1 an

C = 10 à 15 points : plus de 40% de mortalité à 1 an

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Traitements étiologiques

  • Sevrage et abstinence alcoolique (diminue de 50% la mortalité à 5 ans !!, amélioration parfois spectaculaire même en cas de cirrhose décompensée), toujours à recommander.
  • Arrêt des médicaments cirrhogènes
  • Traitement immuno-suppresseur en cas d'hépatite auto-immune, interféron en cas d’HBV, interféron + ribavirine en cas d’HCV, acide ursodésoxycholique en cas de cirrhose biliaire primitive au stade compensé, saignées en cas d’hémochromatose (sauf si ascite), D-pénicillamine en cas de maladie de Wilson,…

Utilisation des médicaments au cours d'une cirrhose

  • Contre-indiqués (absolues si ascitique) : produits de contraste iodés, AAS, AINS, aminosides, dérivés ergotiques
  • Extrême prudence avec les sédatifs (préférer les benzodiazépines si absolument nécessaire) et les diurétiques
  • Toujours vérifier si une adaptation de posologie n’est pas nécessaire

Traitements non spécifiques

  • Vaccination HAV et HBV
  • Traitement des complications
  • Greffe hépatique (80% des greffes ont pour motif une cirrhose) si cirrhose décompensée avec pronostic vital menacé à 1 an ou survenue précoce d’un carcinome. A respecter préalablement : sevrage alcoolique de plus de 6 mois et réévaluer l’indication
  • En cas de cirrhose décompensée qui ne s’améliore pas sous traitement étiologique et non éligible à une greffe : traitement supportif (survie de quelques mois) : extrême prudence avec les médicaments, antibiothérapie prophylactique contre les péritonites spontanées, ponctions itératives en cas d’ascite réfractaire, gestion de la douleur
  • Exclure l’AAS et les AINS (risque de rupture de varices), préférer le paracetamol à max 4g/ j (hormis si consommation récente d’alcool ou période de jeûne)

Surveillance

  • Cirrhose compensée :
    • Biologie et clinique tous les 3-6 mois → CHILD
    • Dépistage des varices à risque hémorragique : endoscopie haute tous les 2-3 ans (1x/ an si l’on a détecté des varices de petite taille)
    • Dépistage du carcinome hépato-cellulaire (uniquement en cas d'absence de complication, de patient opérable et si le pronostic vital est d’au moins quelques années) après l’âge de 50 ans (ou 10 à 15 ans après la contamination en cas d’étiologie virale) : 1x/ 6 mois : échographie + dosage de α-foeto-protéine
  • Cirrhose décompensée :
    • Rechercher et traiter la cause de la décompensation (infection ? hémorragie ? diurétiques ou autres médicaments ? poussée aiguë de la pathologie causale ? consommation d'alcool ?)

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD