Cardiomyopathies hypertrophiques

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Les cardiomyopathies hypertrophiques sont des cardiomyopathies caractérisée par une hypertrophie du ventricule gauche sans dilatation cavitaire et entraînant habituellement une insuffisance cardiaque (à prédominance) à fraction d'éjection ventriculaire conservée ("diastolique"). Typiquement, cette hypertrophie est asymétrique, prédominant sur le septum interventriculaire. Elle peut également impliquer le ventricule droit.

Pouvant survenir à tout âge (y compris enfants et vieillards), la symptomatologie apparaît cependant typiquement chez le jeune adulte à l'occasion d'un effort physique (cause importante de "morts subites"  du jeune athlète). La prévalence de la maladie est estimée à 1/ 500 habitants et son taux de mortalité à 1 à 5% / an.

Etiologies

On distingue les :

  • Formes génétiques (l'immense majorité des cas)
    • Formes familiales (~ 50 à 60 % des cas)
      • Elles sont le plus souvent autosomiques dominantes à pénétrance et expression variable
      • Elles impliquent des mutations des protéines du sarcomère (myosine, tropos,…)
    • Formes sporadiques (~ 40 à 50 % des cas)
      • Mutations de novo, fréquentes
      • Formes héréditaires à pénétrance incomplète
  • Formes secondaires (rares)
    • Elles sont rapportées dans des cas de neurofibromatoses, d'acromégalies, de phéochromocytomes, d'amyloïdoses,... (implication discutées de toxiques)

Physiopathologie

La maladie se caractérise par des anomalies du sarcomère → anomalies hémodynamiques (altération de la relaxation) → anomalies structurelles microscopiques (fibrose, désorganisation myocytaire, anomalies vasculaires) → anomalies macroscopiques (dilatation atriale, hypertrophie ventriculaire à prédominance septale).

L'hypertrophie septale peut constituer un obstacle entre chambre de chasse du ventricule gauche et l'aorte → flux de haute vélocité → valve mitrale antérieure attirée vers le septum par effet venturi → dans 20 à 25% des cas, se constitue une véritable forme obstructive avec un gradient de pression entre la chambre de chasse ventriculaire et l'aorte + insuffisance mitrale fonctionnelle.

Initialement la fonction systolique ventriculaire est préservée (la fraction d'éjection ventriculaire est initialement normale puis augmente du fait d'un ventricule hyperdynamique compensant la diminution du volume cavitaire pour maintenir le débit cardiaque) mais peut s'altérer tardivement dans les cas les plus avancés (++ sur la fibrose). La fonction diastolique est quant à elle généralement anormale (augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche par altération de ses compliance et relaxation).

Une ischémie myocardique pouvant induire un angor à l'effort est habituelle du fait d'une demande augmentée en oxygène, d'une diminution de la densité capillaire, d'une compression des artères septales et d'un rétrécissement des artères intra-murales.

Les autres symptômes apparaissent également typiquement à l'effort (la tachycardie physiologique à l'effort diminuant le temps de remplissage).

Clinique

Très variable :

  • De nombreux cas asymptomatiques ou paucisymptomatiques sont découverts à l'occasion d'un examen de routine (auscultation d'un souffle)
  • La symptomatologie apparaît typiquement à l'effort chez des patients < 50 ans : dyspnée d'effort variant d'un jour à l'autre, douleurs thoraciques atypiques ou angoreuses, palpitations, lipothymies, syncopes (très évocatrices si elle survient au cours d'un effort chez un patient jeune), mort subite d'emblée
  • Aux stades avancés, on retrouve la sémiologie classique d'une insuffisance cardiaque globale

L'expression clinique augmente avec l'âge et le diagnostic est généralement porté chez l'adolescent ou le jeune adulte.

On peut retrouver à l'auscultation :

  • souffle maximal en mésosytolique au bord gauche du quatrième espace inter-costal et à l'endapex, augmentant debout ou au valsalva et diminué accroupi
  • souffle d'insuffisance mitrale
  • galop présystolique
  • B2 dédoublé

Les éléments de mauvais pronostic (risque accru de morts subites) sont :

  • Précocité symptomatique (pronostic d'autant plus mauvais que l'âge de déclaration clinique est bas)
  • Syncopes répétées, épisodes de tachycardies ventriculaires, arrêt cardiaque réanimé
  • Angor ou dyspnée d'effort
  • Formes obstructives
  • Histoire familiale de morts subites

Complications

  • Mort subite sur tachy-arythmies ventriculaires (++ chez les enfants et jeunes adultes sportifs), principale cause de mortalité, première manifestation clinique jusqu'à 40% des cas symptomatiques selon les séries
  • Fibrillation auriculaire, blocs auriculo-ventriculaires
  • Accidents vasculaires cérébraux emboliques sur les arythmies (0,8%/ an)
  • Insuffisance cardiaque généralement initialement diastolique puis globale (10% d'altération de la fonction systolique à 10 ans)
  • Endocardites (du fait des altérations de la valve mitrale et des flux), rares

Examens complémentaires

  • Electrocardiogramme : on retrouve généralement des signes d'hypertrophie ventriculaire gauche, éventuellement de dilatation auriculaire gauche et de blocs de branches,...
  • Echographie cardiaque : hypertrophie ventriculaire gauche (paroi > 13-15mm) généralement asymétrique (septum/ paroi post > 1,3), cavité ventriculaire gauche réduite, dilatation auriculaire gauche, altération de la fonction diastolique, fonction systolique généralement préservée (hors stades avancés). Elle permet également de mettre en évidence d'éventuels anévrismes ventriculaires et d'évaluer une éventuelle composante obstructive.
  • Holter du rythme cardiaque : retrouve fréquemment des arythmies (fibrillation auriculaire paroxystique, tachycardie ventriculaire non soutenue,….)
  • Résonnance magnétique (IRM) cardiaque : peut-être utile en cas d'échographie cardiaque peu concluante. Permet également une meilleure caractérisation tissulaire (arguments pour une fibrose ?)
  • Cathétérisme cardiaque : n'est utile qu'en cas de doute avec une coronopathie ou lorsqu'une procédure invasive est envisagée
  • Scintigraphie myocardique : nombreux déficits de perfusion

Diagnostics différentiels

En cas d'hypertrophie ventriculaire gauche et septale marquées avec altération de la fonction systolique → évoquer également : amyloïdose cardiaque, maladies mitochondriales, maladie de Fabry,…

A noter qu'une hypertrophie ventriculaire gauche discrète à modérée à fonctions conservées et dimensions cavitaires ventriculaires augmentées chez les sportifs de haut niveau est généralement physiologique.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Enquête familiale, conseil génétique à proposer
  • Eviction des sports de compétition
  • Simple surveillance en cas de patient asymptomatique à faible risque de mort subite
  • Prise en charge de l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection ventriculaire conservée (= "diastolique"). On privilégiera ici l'association β-bloquants et anticalciques (ex : propranolol 160-320 mg/ jour et verapamil 240-360 mg/ jour). Même traitement en cas de dyspnée ou d'angor. Dans les formes obstructives résistantes à ce traitement, l'usage du disopyramide et de myomectomies peut être utile.
  • Les diurétiques sont efficaces sur le plan symptomatique mais sont à éviter autant que possible dans les formes obstructives (risque de collapsus). Les dérivés nitrés, IEC, ARM, digitaliques et catécholamines sont à éviter autant que possible (faible bénéfice, effets délétères à court ou moyen terme).
  • Amiodarone (ou disopyramide) si : hypertrophie sévère, histoire familiale de morts subite ou épisodes de fibrillation auriculaire, de tachycardies ventriculaires ou de syncopes inexpliquées
  • Défibrillateur ventriculaire implantable à envisager (sinon : amiodarone) si : tachycardie ventriculaire soutenue, syncopes répétées ou "mort subite" réanimée
  • En cas d'échec, envisager : myomectomie interventriculaire, stimulateur double chambre, injection d'alcool dans une des branches septales de l'artère inter-ventriculaire antérieure, greffe cardiaque
  • Anticoagulation en cas de fibrillation auriculaire ou d'événement supposé cardio-embolique
  • Prophylaxie de l'endocardite

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD

Bibliographie

Elliott PM et al., 2014 ESC Guidelines on diagnosis and management of hypertrophic cardiomyopathy, Eur Heart J, 2014, 35:2733-2779

Sherrid MV et al., Treatment of Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy Symptoms and Gradient Resistant to First-Line Therapy With β-Blockade or Verapamil, Circulation: Heart Failure, 2013; 6: 694-702